Quel rapport existe-t-il
entre Gran Bollito
de Mauro Bolognini, Massacre à la tronçonneuse
de Tobe Hooper, La semaine d'un assassin
d'Eloy De La Iglesia, The Untold Story de
Herman Yau ou Barbaque
de Fabrice Eboué ? La transformation et la consommation de
viande humaine. Des exemples, il en existe encore beaucoup d'autres.
La plupart prennent une forme plus ''commune'' propre à certains
longs-métrages dans lesquels sont décrites les mœurs d'indigènes
vivant dans les coins les plus reculés de l'Amazonie.
K-Shop
de Dan Pringle est nettement plus proche des œuvres citées plus
haut que de cette seconde catégorie qui a donné naissance à un
genre dont le nom demeure on ne peut plus explicite : le film de
cannibales ! Pour son premier film au format long, le
réalisateur, producteur et scénariste britannique paraît avoir
enfoncé le clou jusqu'à la garde comme semble en témoigner la
bande-annonce relativement crapoteuse. Autant dire que les appétits
s'aiguisent volontiers. Lorsque démarre le récit, avec ce type
amoché, attaché à ce qui semble être un... réfrigérateur ?
Un lave-vaisselle ? Une machine à laver ? Hurlant de
toutes ses tripes face à un propriétaire apparemment très nerveux,
le ton est donné : Avec K-Shop,
il semblerait que l'on tienne peut-être là le nouveau Nicolas
Winding Refn. Celui de Bleeder
ou de la trilogie Pusher,
ou le nouveau Shane Meadows (Dead Man's Shoes,
This is England)
pour comparer Dan Pringle avec un autre artiste d'origine
britannique. Ambiance glauque, contexte social totalement désincarné,
le film transpire la violence à chaque coin de rue comme en témoigne
le générique. À grands renforts d'images captées par des caméras
de surveillance, l'on assiste à d'authentiques scènes de rue dont
la crudité et la bestialité promettent une expérience
jusqu’au-boutiste. Le problème de Dan Pringle et de son œuvre,
c'est que ni l'un ni l'autre n'inventent rien. En l'espace de deux
heures qui pourront parfois paraître durer le double, K-Shop
tient certaines promesses mais pas d'autres. Si l'on devait
simplement comparer son premier long-métrage à l'excellent Golden
Glove
du réalisateur, scénariste et producteur allemand Fatih Akin, tout
se joue ici sur l'impact émotionnel qu'aurait dû procurer le film
de Dan Pringle et qui demeure malheureusement à l'état végétatif.
Le
portrait d'une jeunesse noctambule et décadente versée dans
l'alcool et la violence ne suffisent pas. On ne reprochera pas à
l'acteur égyptien Ziad Abaza de mal faire son travail, bien au
contraire. Le problème provient sans doute davantage de la mise en
scène de Dan Pringle qui, contrairement à ce que laissait supposer
la bande-annonce, ne s'enfonce probablement pas assez loin dans la
noirceur même si rien ne vient, il est vrai, égayer le quotidien du
personnage central. Là où K-Shop
se prend sans doute les pieds dans le tapis est dans l'illustration
de ce type au demeurant fort sympathique que l'on imaginait vouloir
simplement venger le décès de son père mais qui, plutôt que
d'éliminer ceux qui causèrent sa mort, choisit de commercialiser
dans son petit commerce de Kebabs, des sandwich à la composition
très particulière. Le principal soucis provient sans doute du
caractère même de cet individu au départ attachant mais dont l'ego
(certains parleront d'assurance) ne cessera de croître. Pire :
alors que l'on s'attend, peut-être avec méprise, à un récit
étouffant, sombre comme la nuit dans lequel son auteur plonge ses
protagonistes, K-Shop,
plutôt que de plonger les spectateurs dans une certaine torpeur, est
presque drôle. Était-ce réellement le but recherché par le
réalisateur ? D'où la sensation d'une œuvre branlant sur ses
fondations, ne sachant si elle doit choquer ou simplement divertir
son public. Étrange impression, d'ailleurs, confirmée par des actes
ignobles (le scrupuleux démembrement des victimes et leur
transformation en viande de consommation courante) qui pourtant
laissent souvent de marbre. Il faudrait ensuite tenter de comprendre
comment Dan Pringle a pu s'y prendre pour réaliser une œuvre de
près de deux heures tout en s'employant à plonger son héros dans
l'horreur d'une manière aussi hâtive ! Sans prendre le temps
de véritablement le caractériser, le britannique transforme son
petit immigré en boucher imbu de lui-même et au fond, assez
détestable. Reste ensuite et pour finir que K-Shop
use et abuse de son concept et fini par être redondant... Presque
ennuyeux, même. Et je reste poli. Bref, une très grosse
déception...
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