Des œuvres hantées par
des désaxés il en existe des wagons entiers. Des films par
dizaines, par centaines et sans doute par milliers. Mais combien
parmi ceux-ci restent réellement cramponnés à nos cervelles de
cinéphages adeptes de pellicules horrifiques ? Le Frank Zito du
Maniac
de William Lustig et son fâcheux complexe d'œdipe. Le psychopathe
de Schizophrenia
de Gerald Kargl qui après avoir subit un long passage en prison ne
pensait qu'à une seule chose le jour de sa libération :
commettre de nouveaux meurtres. George Tatum de Cauchemars
à Daytona Beach
de Romano Scavolini qui malgré un long séjour en hôpital
psychiatrique ne s'était pas remis du drame dont il fut le témoin
et l'auteur lorsqu'il n'était qu'un tout jeune enfant. Donald Kohler
de Pyromaniac de
Joseph Ellison qui pour se venger de l'attitude de sa mère envers
lui lorsqu'il était enfant invitait des femmes chez lui pour y
mettre le feu. Enfin, plus proche du sujet qui nous intéresse ici,
Billy Chapman de Silent Night, Deadly Night de
Charles E. Sellier Jr. dans lequel un adulte se déguisait en Père
Noël pour commettre toute une série de meurtres autour de lui des
décennies après avoir été le témoin du double meurtre de ses
parents. Long-métrage qui sortira en 1984 et deviendra l'un des
portes-étendards d'un sous-genre du cinéma d'horreur mettant en
scène des Pères Noël assassins ! Christmas
Evil,
lui, est une œuvre à part, méconnue et dont l'intrigue se
rapproche très sensiblement de celle de Charles E. Sellier Jr. Là
encore, le principal protagoniste est dès son plus jeune âge témoin
d'un événement qui va le marquer à jamais. Rien d'aussi dramatique
que le meurtre des parents de Billy Chapman puisque le jeune Harry
Stadling va simplement voir sa mère être caressée par son époux
que le garçon évalue non pas en tant que paternel mais comme Père
Noël. Un choc donc pour le jeune garçon qui se réfugie alors dans
sa chambre. Trente-trois ans plus tard nous le retrouvons devant la
chaîne d'une usine de fabrication de jouets pour Noël. Et
visiblement, Harry est demeuré très marqué par ce qu'il vécu
étant enfant. Face au cynisme de ses collègues de travail qui le
méprisent, lui qui a gardé son âme d'enfant est bien décidé pour
cette fin d'année à devenir le nouveau Père Noël... Dire que
Christmas Evil
est une œuvre étrange relève de l'euphémisme. Le contexte dans
lequel vit Harry le rapproche lointainement de Frank Zito.
Si
ce dernier faisait une fixation sur sa propre mère au point de
collectionner chez lui les mannequins de vitrine surmontés des
scalps de ses victimes, Harry, lui, vit entouré de symboles
directement liés à la magie de Noël. Si l'on observera que
d'origine la pratique n'a rien de vraiment inquiétante dans
l'absolu, le comportement plus que curieux de Harry laisse craindre
le pire quant aux événements à venir. L'un des principaux intérêts
de Christmas Evil
est l'interprétation de l'acteur Brandon Maggart qui joue donc ce
type franchement perché. Acteur peu ou pas connu chez nous, Brandon
Maggart débuta sa carrière et apparu notamment dans la série
Sesame Street
qui chez nous fut adaptée dans notre langue et renommée 1,
rue Sésame.
S'il apparaît ensuite dans Pulsions
de Brian De Palma ou dans les séries Madame
est servie
et Urgences,
on peut supposer que Christmas
Evil
fut le film le plus important de sa carrière du fait qu'il y tient
le premier rôle. Et à cette occasion, l'acteur s'en donne à cœur
joie. Produit par la Troma
Entertainment,
le film distille une certaine ambiguïté relative au comportement du
protagoniste qui épie ses jeunes voisins pour savoir qui parmi eux
mérite de recevoir des cadeaux. L'âge de la pellicule aidant (le
film a depuis été restauré dans une version 4K
distribuée chez nous chez Carlotta
Films
en décembre 2021), le grain accentue le malaise qui se dégage de
certaines séquences. Comme celle de ces trois enfants observant au
début le Père Noël déposer des cadeaux au pied de la cheminée
familiale. Trois bambins que le réalisateur filme d'une si étrange
manière qu'ils apparaissent tout d'abord comme des mannequins de
vitrine figés dans leur expression. Glaçant. Mais ce qui fait de
Christmas Evil
une œuvre véritablement singulière se situe non seulement au
niveau du choix de la bande-son où s’entremêlent nappes lugubres
et chansons de Noël déviées de leur objectif d'origine mais
également du caractère inattendu de la mise en scène. Le résultat
est aussi ''absurde'' que peut l'être le récit lui-même et dont il
est durant un certain temps difficile de savoir où veut très
précisément en venir Lewis Jackson. Le personnage central navigue
dans un univers fantasmagorique qui transpire littéralement à
chaque plan. Comme si l'esprit malade du protagoniste avait, on ne
sait par quel miracle, contaminé la mise en scène de Lewis Jackson.
Au final, Christmas
Evil
est une expérience vraiment à part. Presque unique dirons-nous. À
déguster en fin d'année, en somme. Maintenant que vous êtes
prévenus, vous saurez quoi faire le soir du 24 décembre 2024 si
jamais vous ne trouvez rien de mieux à faire...
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