Écrit et réalisé par
le cinéaste marocain Kamal Lazraq, ce premier long-métrage est
malgré son propos un véritable vent d'air frais dans un courant que
l'on a plus couramment l'habitude de voir étudié sous tous les
angles par des pays tels que le notre, les États-Unis ou encore la
Corée du Sud. Il faudra donc désormais compter sur ce très
prometteur artisan du septième art qui jusque là n'avait réalisé
et écrit que deux courts-métrages intitulés Drari
en 2011 et Moul Lkekb trois
ans plus tard. C'est donc avec tout le temps qui fut nécessaire que
Kamal Lazraq est venu proposer à la section Un
Certain Regard
du festival de Cannes 2023, Les meutes,
une œuvre s'inscrivant dans un univers interlope et nocturne situé
dans les faubourgs de Casablanca. Terre poussiéreuse, combats de
chiens, regard soupçonneux, personnages ambigus, le long-métrage a
de quoi faire dresser les poils sur l'épiderme. Avec ses mythes qui
entourent la tradition musulmane, un âne barrant une route peut
avoir une toute autre signification que la simple présence d'un
animal égaré en pleine campagne. Tout comme la sacro-sainte
pratique liée au rite de l'enterrement consistant à laver un corps
et le recouvrir d'un linceul peut ici, à défaut, avoir de lourdes
conséquences sur le déroulé des événements. Loin des mafias
implantées sur le sol américain, du gang Kkangpae de Corée du sud
ou des Yakuzas japonais, la faune nocturne de ces Meutes
est aussi anxiogène que peuvent l'être les pires criminels nés en
Occident. Pourtant, c'est moins dans les visages abîmés de certains
antagonistes que se révèle la véritable malfaisance que dans le
regard de celui dont les traits le rapprochent sensiblement de
l'homme occidental. Film sans véritable héros dans ce sens où même
ses principaux interprètes incarnent des individus peu
recommandables, le long-métrage de Kamal Lazraq déploie une
cartographie de la criminalité à plusieurs échelons. Dans la peau
de Issam et de son père Dib, les acteurs Ayoub Elaid et Abdellatif
Lebrkiri en seront d'ailleurs pour leurs frais. Une nuit virant au
cauchemar et reposant sur un postulat de base qui n'emprunte à
aucune espèce d'imaginaire inédit puisque tout ou presque tournera
autour d'un cadavre dont il va se révéler être plus compliqué que
prévu de s'en débarrasser pour nos deux hommes.
Là
où Les meutes
se différencie sans doute des grandes productions du genre est dans
la simplicité des rencontres menant à quelques moments forts lors
desquels le rythme cardiaque des ''héros'' et du spectateur par la
même occasion, s'accélérera. Cet âne juché sur quatre membres
branlants ne figurant que les prémices de fugaces visions qui donnent
parfois au film l'étrange impression d'être maintenu dans un
univers fantasmagorique pour le coup, relativement inédit dans ce
pays du Maghreb où le cinéma d'horreur et d'épouvante demeure
encore aujourd'hui relativement timide. Kamal Lazraq transfert
littéralement la chape de plomb qui pèse sur son univers dans le
regard de Ayoub Elaid/Issam et fait de chaque acte une hypothétique
zone de danger. Un simple contrôle routier peut alors se transformer
en une plongée en apnée tandis que la rencontre avec un
propriétaire de station-service désaffectée peut se hisser sur
l'échelle de l'angoisse parmi les meilleurs représentants du genre.
Fais rarissime : on craint pour nos deux protagonistes alors
même que leur caractérisation n'est pas le point fort du
long-métrage. Dib et son fils kidnappent des hommes contre de
l'argent, point ! En choisissant la simplicité, Kamal Lazraq
préfère se concentrer sur le lent chemin de croix auquel vont être
confrontés ses deux principaux personnages. Une nuit longue et
douloureuse que certains considéreront malheureusement peut-être
comme puérile face aux grosses productions qui à des milliers de
kilomètres de là sortent des studios américains mais qui à
contrario s'inscrit dans un réalisme que l'on ne voit plus guère
que dans les minuscules festivals consacrés au cinéma indépendant
provenant de toutes part. Détenteur d'un prix du jury HAUTEMENT
mérité
dans la section Un
Certain Regard du
Festival de Cannes 2023, Les meutes
offre à son auteur et à ses deux principaux acteurs un début de
carrière sur grand écran très prometteur. On a hâte de découvrir
ce qu'ils nous réservent pour l'avenir...
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