Debout à cinq heures du
matin. Plongé dans un bain chaud, je vérifie sur mon téléphone
portable que mon train pour Marseille est toujours ''sur les rails''.
Deux heures plus tard, je m'installe dans l'une de ces extrémités
d'un wagon qui permet d'avoir une vue d'ensemble. Pour l'instant, pas
âme qui vive ou presque. Mais quelques arrêts plus tard, le train
est bondé. Direction, Marseille et sa population en mode United
Colors of Benetton à laquelle
nous pourrions ajouter quelques critères supplémentaires. Comme
cette femme d'un âge incertain qui parle sans doute au fantôme de
son ex, le regard perdu dans le vague, récipiendaire d'une société
qui nourrit ses enfants d'une peur qui ne fait que s’accroître et
les transforme en créatures déséquilibrées. Ce mur vers lequel,
justement, je fonce, tel un Lucky Luke du vingt et unième siècle,
frôlant la paranoïa plus rapidement que ne l'avait envisagé ma
santé mentale. Un gouffre auquel j'échappe régulièrement dans ce
pays merveilleux, là où poussent sans saveurs particulières mais
aux formes et au couleurs millénaires, plusieurs centaines de
succulentes. Un vrai beau paradis, réel, loin du bitume et de mes
contemporains qui scrutent, jugent et condamnent. Après une semaine
de convalescence dans un petit coin pas tout à fait perdu pour tout
le monde, me voilà ragaillardi et près à affronter de nouveau des
cascades, des montagnes, des océans de merde couchés non plus sur
support argentique mais délivrés de manière plus insidieuse
puisque dématérialisée. Véritable laboratoire ayant pour vocation
de tester, jour après jours, ma résistance aux projets les plus
invraisemblables que le septième art ose prendre le risque de
vouloir m'infliger, mon petit appartement d'à peine soixante-dix
mètres-carré respire à nouveau, tous volets ouverts, lumière
aveuglante n'ayant jusque là filtré qu'à travers les minces
interstices des volets ces sept derniers jours. Je me risque à jeter
un regard à ce projet de cinéma qui se veut angoissant, plongeant
sa poignée de protagonistes dans l'univers anxiogène d'un hôpital
déserté... Mais l'est-il d'ailleurs réellement ?
Contre-attaquant le phénomène de la page blanche, le scénariste
emprunte à la série The Walking Dead
l'une de ses toutes premières séquences.
Celle d'un homme qui deviendra rapidement le protagoniste principal,
allongé sur le lit d'un hôpital apparemment vidé de ses patients
et de son personnel mais dont il trouvera lui-même la sortie de
secours. Chose qui se révélera par contre beaucoup plus délicate
concernant ceux qui dans le cas de Disquiet
vont évoluer dans ce même type d'établissement.
I
Lorsque successivement, tu t'endors et te réveille une bonne dizaine de fois durant la projection :
Tu
découvre une poignée d'individus qui veulent comprendre au moins
autant que toi la signification des faits qui se déroulent à
l'écran. La fosse à purin n'est pas très loin. On en sent
d'ailleurs les premières effluves, irritant les naseaux comme au
passage du train près de la gare de Tarascon où une usine à bois
crache quotidiennement les milliers de mètres-cube d'une fumée
malodorante. Le résumé du film vantait la présence à l'image d'un
acteur dont je ne soupçonnais pas l'existence jusque là. Est-il la
seule référence à laquelle espèrent pouvoir se raccrocher les
auteurs du long-métrage ? Il semble bien, oui. Notre bonhomme
combat d'emblée un ''Père
Fouras''
survitaminé qui le temps de faire d'improbables et ridicules
cascades dans un couloir désaffecté, a abandonné sa vigie et ses
énigmes. Tout ceci commence fort mal et, sachez-le, ne va aller que
de mal en pis. Rencontre avec une jeune beauté pas très futée
venue se faire refaire la carrosserie par un binôme de chirurgiens
aux faciès hors-norme. Remplacés d'office par trois jeunes
donzelles pas plus rapides à exercer leurs morbides desseins qu'un
trio de vieillards participant à une course en déambulateurs !
Si l'on ne frise pas encore tout à fait le ridicule, on en ressent
déjà les prémices... Michael Winnick signe ici son avant dernière
œuvre, prônant un ton horrifique pour lequel l'aficionado ne
ressentira pourtant aucune forme d'empathie. Vu que le projet se
dirige doucement mais de manière irréversible vers la comédie
involontaire, tout amateur de sensations fortes rentrera chez lui à
l'issue de la projection, une main devant, une main derrière. Le
rouge au joues, le spectateur arborera le visage rubicond du
bonhomme qui ne sait pas comment avouer à un artiste que son travail
est mauvais ! Et pourtant, quoi de plus honnête que de rendre
service à une humanité toute entière vouée à l'art de la fiction
que de faire comprendre à un individu que sa meilleure porte de
sortie serait de changer de métier ? Embourbant Disquiet
d'une succession de séquences proprement abracadabrantesques, le
réalisateur emporte avec lui dans la tourmente, son équipe
technique ainsi que ses interprètes. Lesquels, les pauvres, ne
parviennent jamais à sauver les meubles du raz de marée qui vers
eux, se précipite...
II
Lorsque enfin, tu prends la décision de tout reprendre à zéro pour découvrir ce qui se cache réellement derrière le film :
Tu
passes pour l'idiot qui n'a pas su saisir tout le potentiel comique
qui repose sur des non-dits eux-mêmes cachés derrière la volonté
exprimée d'effrayer le public. En dehors du fait que Disquiet
paraisse parfois démesurément ambitieux (la référence à
L'échelle de Jacob
d'Adrian Lyne, à The Mist de
Frank Darabont ou de manière encore plus obscure au Phantasm
de Don Coscarelli), il devient rapidement évident que l’œuvre de
Michael Winnick prône le désir de vouloir amuser la galerie autant
que de lui apporter son content de frissons. Car alors, comment
justifier la séquence lors de laquelle les trois donzelles évoquées
plus haut cavalent au plafond autrement que sur le ton de l'absurde ?
Une séquence aux ficelles tellement grosses (voire même,
grotesques) qu'on ne peut plus l'imaginer autrement que sous le
prisme de l'humour. Tout comme le sentiment que le film évolue au
sein d'un script dont les feuillets seraient tombés à terre,
dispersés, puis rangés dans le désordre avant le début du
tournage. Des personnages apparaissent, disparaissent, puis
réapparaissent. Le temps présent offre sa place au passé à
travers une somme de flash-back. Des protagonistes qui ne semblent
pas être toujours ceux auxquels l'on pense. Tous ces points de vue
qui cumulés transforment le projet en un conglomérat d'idées
jetées en l'air, réceptionnées, puis mises en images dans le
désordre. Ce fouillis qui confine à la grandiloquence donne
finalement et inconsciemment ou non du corps à l'intrigue. À défaut
de mettre à jour ses classiques ou d'opérer de grands changements
dans le cinéma d'épouvante, Michael Winnick noie le poisson avec
beaucoup de malice mais aussi, très peu d'honnêteté. Et ça
fonctionne. Le film a beau faire ouvertement partie de ces œuvres
qui tentent sans y parvenir de s'offrir une porte d'entrée dans le
cinéma de genre, le mode de fonctionnement de la mise en scène, du
montage, de l'écriture et de l'interprétation provoque un phénomène
tout à fait inattendu : de cette purge annoncée par une
esthétique de téléfilm du dimanche après-midi, le réalisateur
parvient au final à nous offrir un sympathique divertissement. Mais
ne nous emballons pas car dans la grande tradition des films
d'horreur s'inscrivant dans un contexte hospitalier, Disquiet
demeure
malgré tout très loin derrière Re-Animator
de Stuart Gordon, Freddy 3 : Les Griffes du
cauchemar
de Chuck Russel ou du méconnu mais néanmoins très réussi
Infection du
réalisateur japonais Masayuki Ochiai...
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