On dit souvent que le
premier contact est important. Et c'est souvent vrai. Alors, lorsque
l'on fait la connaissance d'Asger Holm (l'acteur Jakob Cedergren)
pour la toute première fois, le personnage n'attire pas forcément
la sympathie. Cynique et prenant apparemment son tout récent métier
d'opérateur téléphonique aux urgences de Copenhague avec un
surcroît de dédain, on peut craindre qu'une certaine indifférence,
voire un certain rejet du spectateur envers le principal protagoniste
ne vienne gripper cette intrigue en forme de huis-clos. Et
pourtant... En 2013 sortait sur les écrans de cinéma, The
Call
de Brad Anderson. Un cinéaste habituellement passionnant qui sur ce
coup-là s'était laissé aller à un peu de légèreté en se
faisant l'auteur d'une histoire d'opératrice téléphonique traitant
du sujet de l'enlèvement d'une adolescente par un désaxé. Un film
fort sympathique mais qui en comparaison de Den
Skyldige
(sorti à l'internationale sous le titre The
Guilty)
du réalisateur danois Gustav Möller faisait vraiment pâle figure.
On pourrait se dire : ''Mince,
encore un film dont le scénario est allé piocher dans les annales
du thriller pour que son auteur l'en fasse sien''.
Et d'une certaine manière, c'est bien ce dont il s'agit. Car si dès
le début (mais sans doute temporairement) on aura eu beau argumenter
que le script de l'un et de l'autre des longs-métrages est
étonnamment similaire, Gustav Möller et son scénariste Emil
Nygaard Albertsen se sont littéralement emparés du sujet pour se
l'approprier de la plus brillante des manières. Alors que The
Call
pouvait s'envisager comme un très bon divertissement faisant appel à
quelques techniques propres aux blockbusters du cinéma d'action
américain, Den Skyldige
se veut d'un tout autre ordre en abordant l'intrigue de manière
beaucoup plus intimiste. Ici, pas de courses-poursuites. Le visage du
kidnappeur, de sa victime ou des autorités dépêchées sur les
lieux stratégiques de l'action ne seront jamais visibles à l'écran.
La totalité de l'intrigue tourne donc visuellement autour de
l'acteur Jakob Cedergren et de son personnage d'ancien flic qui
s'apprête à passer très prochainement en jugement (en fait, dès
le lendemain matin). Quelques tout petits rôles viennent se greffer
autour de lui mais pour de très courts instants.
Le
seul véritable second personnage qui l'accompagne dans cette austère
salle où il opère est cet écran d'ordinateur qui regroupe les
différentes informations liées à ses correspondants. Mais là
encore, rien de tape-à-l’œil. Le réalisateur se sert finalement
assez peu de la technologie mise à disposition de son héros et
préfère donc se concentrer sur son visage qu'il filme sous tous les
angles, sur cette oreillette qu'il garde toujours près de lui ou sur
ce téléphone qui ne cesse de sonner et qu'il garde lui aussi très
proche de sa main, près à s'en saisir afin de venir en aide à
celle qui va l'accaparer bien au delà de ses heures de travail. Den
Skyldige joue
sur deux tableaux dont l'un se montre évidemment plus intense que le
second. Les non-dits laissent entrevoir le ''dossier'' personnel dont
il est le principal acteur et dont nous comprenons qu'il devrait se
refermer dès le lendemain à l'issue d'un procès. Mais le gros du
sujet est bien évidemment cet enlèvement dont va être victime
Iben, dont nous ne verrons donc jamais le visage mais dont la voix
est celle de l'actrice Jessica Dinnage. C'est d'ailleurs l'une des
principales spécificités du long-métrage qui fait en grande partie
appel à des voix. Celles de Omar Shargawi, dans le rôle du collègue
de Asger, Rashid Celle de Michael, le kidnappeur qu'interprète donc
en voix-off Johan Gotthardt Olsen ou encore le tout jeune timbre de
Katinka Evers-Jahnsen qu incarne quant à elle Mathilde, la fille du
kidnappeur et de sa victime qui donc s'avère être son ex-épouse.
La caméra de Gustav Möller tourne autour de son acteur principal,
scrute le moindre de ses regards ou le plus petit de ses gestes. Ce
personnage pour lequel nous finissons en réalité à ressentir un
certain attachement, prêt à mettre sa carrière en péril pour
tenir sa promesse faite à Mathilde, âgée de seulement six ans.
Dire que Den Skyldige est
prenant, angoissant, crispant voire même vers sa conclusion,
relativement émouvant est un euphémisme. Le film est court. Pas
plus de quatre-vingt cinq minutes, mais il vous en paraîtra moitié
moins. Le temps qui sera nécessaire afin de concentrer les
péripéties du télé-opérateur jusqu'à la conclusion du récit.
Bref, le premier (et actuellement, le seul) film du danois est une
réussite de bout en bout. Un thriller fait-maison intense qui tient
en haleine de la première à la dernière seconde...
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