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dimanche 28 janvier 2024

Ce cher Victor de Robin Davis (1975) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Hésitant parfois volontairement entre comédie et drame, le premier long-métrage signé du réalisateur et scénariste Robin Davis apparaît sur les écrans de cinéma hexagonaux le 21 mai 1975. Soit quatre ans après la sortie du Chat de Pierre Granier-Deferre. Drame bien connu qui décrivait l'implacable destruction d'un couple plein de haine l'un pour l'autre incarné par les formidables Simone Signoret et Jean Gabin. Nous n'irons pas jusqu'à dire que Ce cher Victor atteint les mêmes cimes en terme de cruauté mais la vision que font le réalisateur et son scénariste Patrick Laurent de leurs deux personnages et notamment celui qu'interprète Jacques Dufilho est assez pénible à supporter. Rien de péjoratif en ces termes, non, mais plutôt l'inquiétude face à un futur qui pourrait tout à faire devenir le notre. Entre drame et comédie de boulevard, le long-métrage partage malgré tout une certaine bienveillance pour ses deux principaux acteurs. Rejoint par l'immense Bernard Blier, lequel se voit doté d'une ridicule moumoute, Jacques Dufilho incarne le Victor du titre et son partenaire, Anselme. Deux vieux bonshommes qui partagent le même vieil appartement à Paris. L'un et l'autre préparent un futur spectacle en compagnie de leur voisine Anna Fiorelli qui se prétend être une ancienne cantatrice (l'actrice italienne Alida Valli). Le quotidien de nos deux hommes n'est fait que de brimades, de cris et parfois même d'humiliations. Une existence sans saveur ou presque, du moins pour Victor qui a perdu sa femme voilà quelques années tandis que de son côté, Anselme voue une certaine admiration pour leur voisine. Sur un ton plus amer que véritablement doux, Robin Davis décrit la lente déchéance intellectuelle de Victor, laquelle prend une ampleur inattendue lorsque contrarié par les incessantes remarques de son colocataire, Anselme décide de se venger en inscrivant sur la tombe de l'ancienne épouse du vieil aigri, un message laissant supposer qu'elle eut une relation adultère. Plus le temps s'écoule et plus les rires qui émanent au début du spectateur se transforment en une certaine gêne qui ne cessera jamais plus de grandir au fil du récit.


La séquence du bal demeure d'ailleurs à ce titre le point culminant d'un récit profondément touchant qui témoigne d'une blessure causée par un individu pourtant généralement affectueux (on se demande en effet comment Anselme peut continuer si longtemps à accepter les offenses faites à son encontre par Victor). Une emprise d'ailleurs tellement prégnante qu'elle oblige le premier à s'aligner sur le comportement du second. Bernard Blier et Jacques Dufilho interprètent un touchant ''duo'' agissant parfois comme un vieux couple d'époux vivant toujours ensemble bien qu'ayant cessé de s'aimer. L'air affable du premier et celui, plus rude du second, crée une parfaite alchimie. De manière insidieuse, Ce cher Victor montre à quel point le mimétisme est parfois la seule solution pour un homme de supporter la cruauté avec laquelle son camarade agit envers lui. D'une tristesse finalement absolue, le long-métrage de Robin Davis fut tourné entre le cimetière de Boulogne-Billancourt où se trouve la tombe de l'épouse de Victor, le Passage Saint-Paul situé dans le quatrième arrondissement de Paris qui abrite l'appartement des trois principaux protagonistes ou encore la salle des fêtes Emile Zola de Nogent-sur-Marne où a lieu la désolante séquence du spectacle précédant la tragique séquence qui clôt le récit. Accusant quasiment cinquante ans d'âge, Ce cher Victor n'a absolument rien perdu de sa force et entre dans le cercle très fermé des comédies plus ou moins dramatiques consistant en la description d'une assemblée constituée de membres d'une famille ou de simples proches (ici réduite à sa plus extrême étroitesse) révélant la part véritable du comportement humain. Bref, sous ses airs de petit film presque anodin dans la carrière de l'un et de l'autre des deux principaux interprètes, Ce cher Victor est une œuvre tragique qui mérite d'être (re)découverte. En compétition aux côtés de vingt et un autre longs-métrages lors du Festival de Cannes de l'année 1975, le film de Robin Davis représenta la France mais ce fut au final Chronique des années de braise du réalisateur algérien qui remporta la Palme d'or cette année là...

 

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