Un événement qui chez
nous peut paraître presque insignifiant peut avoir des conséquences
terribles dans un pays qui connaît certaines formes de répressions.
On se souvient notamment de Mahsa Amini qui à Téhéran fut arrêtée
par les autorités pour port de vêtements inappropriés. Une garde à
vue lors de laquelle la jeune femme perdra la vie après avoir été
battue à mort. D'origine kurde, l'annonce de son décès provoquera
des mouvements de contestation au Kurdistan iranien lors desquels des
centaines d'hommes et de femmes perdront la vie. Ça n'est certes pas
le sujet qui intéresse ici le réalisateur irakien Shawkat Amin
Korki même si d'une certaine manière nous retrouvons dans le cas de
son dernier long-métrage intitulé The Exam,
ce besoin profond de décrire la condition de la femme au Kurdistan
Irakien. L'héroïne de ce puissant témoignage est moins cette jeune
adolescente qui pour se sortir d'une situation qu'elle n'a pas choisi
de provoquer est prête à tricher lors de ses examens, que sa grande
sœur bien décidée à l'aider. Le seul moyen pour la jeune Rojin
d'éviter d'épouser un homme dont elle ne veut pas mais dont le
mariage est déjà prévu de longue date est effectivement de réussir
ses examens d'entrée à l'université. Malheureusement pour elle,
bien qu'elle prépare le concours d'entrée depuis longtemps, ses
carences sont telles qu'elle n'a pratiquement aucune chance de
réussir. Mais la condition des jeunes dans ce pays fait que des
hommes ont choisi de mettre en place un système de triche auquel la
grande sœur Shilan va participer afin que Rojin réussisse l'examen
et entre ainsi à l'université... Ça n'est pas tous les jours que
l'occasion de traiter d'un film originaire du Kurdistan se présente
et lorsque tel est le cas, c'est avec d'infinies précautions qu'il
vaut mieux l'aborder. Nous ne reviendrons donc pas sur l'aspect
naïvement tragique de ce film qui se veut être autant un drame
qu'un thriller. Pour pouvoir juger de manière tout à fait objective
la portée d'actes qui chez nous engendreraient des dégâts
collatéraux infinitésimaux, il faut se mettre dans le contexte
social et politique du pays où se situent les enjeux du récit.
Principalement incarné par l'épatante Avan Jamal, The
Exam décrit
d'abord le quotidien des femmes et renvoie presque le titre du
long-métrage à ce seul examen d'une société où la plus chanceuse
d'entre toutes est encore celle à laquelle on accorde tout de même
le droit de s'exprimer. Encore faut-il qu'elle vive auprès d'un mari
progressiste. Le personnage de Shilan oscille entre cette femme
soumise qu'elle semble être parfois et celle qui rêve d'un avenir
meilleur pour sa petite sœur. Le dernier long-métrage en date de
Shawkat Amin Korki s'inscrit sur deux plans.
D'abord,
ce drame au sein duquel s’immisce le suspens lorsque, notamment, la
jeune femme est contrainte d'aller récupérer derrière une poubelle
un téléphone portable où sont enregistrées les réponse des
examens. Quelques mètres à parcourir pour aller les récupérer et,
au juger, un risque minime... Mais pas tant que cela puisque vient
s'inscrire ensuite au cour du récit l'époux Sardar (l'acteur
Hussein Hassan Ali), un homme a priori moins conservateur qu'il n'y
paraît mais qui devant l'étrange jeu que semble jouer son épouse
devient méfiant au point de la suivre ou bien même de s'acheter un
pistolet chez un trafiquant d'armes. La tension naît essentiellement
des risques que l'on connaît à travers les communiqués que
transmettent les médias chaque fois qu'un événement tragique ou
d'importance se déroule dans un pays du Moyen-Orient. C'est
pourquoi, le moindre fait et geste effectué par Shilan nous paraît
déjà beaucoup plus angoissant que s'il n'avait été perpétré
dans un pays d'Occident. Un suspens presque constant dans un cadre
peu ou pas du tout idyllique et où l'on craint à chaque instant
pour la vie de Shilan et finalement moins pour celle qu'elle tente
d'aider tant le réalisateur et la jeune interprète de Rojin,
l'actrice Vania Salar, semblent être détachés l'un et l'autre de
ce personnage. The Exam
se pose en témoignage parfois terrifiant, où la femme peut être
dès son plus jeune âge l'objet d'une marchandisation et même d'un
certain mépris de la part de ses proches. Comme en témoigne
d'ailleurs le propre père de l'étudiante qui demande à sa grande
sœur pourquoi elle ne laisse pas Rojin partir (comprendre, se
suicider !). Ajouté à cela l'inquiétude de Roin au sujet de son
fiancé disparu en mer il y a deux ans lors de ce que l'on peut
supposer être un transport de migrants, de l'évolution sporadique
des mœurs visibles à travers la poigne d'une directrice d'école
qui ne s'en laisse pas compter face à la gente masculine ou de ces
valeureux hommes qui, loin d'être des intégristes, s'organisent
pour que la jeunesse puisse échapper aux dictât qui règnent au
sein de leur propre pays... Et pourtant, l'on ne ressort pas du récit
ému et aussi bouleversé que nous l'attendions. Peut-être parce que
justement, le réalisateur a choisi de se poser moins en dénonciateur
nihiliste qu'en observateur discret. Reste que The
Exam
est une œuvre qui mérite d'être découverte...
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