Lorsque l'on sort de la
projection de Temporada de Huracanes l'on a du mal à
croire qu'une femme puisse être derrière tout ça. Ce n'est certes
pas par machisme que de dire que l'on attend du ''sexe faible'' un
peu plus de douceur que l'immense noirceur qui parcourt le dernier
long-métrage de la réalisatrice, scénariste et productrice
mexicaine Elisa Miller. On sort groggy de cette expérience à
laquelle d'autres nous avaient pourtant bien avant elle habitués.
Mais c'est un peu toujours la même chose que de se plonger dans des
univers qui ne nous appartiennent pas. Par voyeurisme, par curiosité
ou par simple amour pour le septième art, il est des expériences
difficiles mais nécessaires pour comprendre pleinement la nature
humaine. Au départ de ce récit profondément déprimant, un
fait-divers qui secoua le Mexique dans les années 2000. Une
adolescente de 17 ans accusée de sorcellerie et son bébé de trois
mois seulement sont assassinés puis coupés en morceaux avant d'être
brûlés. Les événements se produisent dans la municipalité de
Coyuca de Catalán au sud-ouest du Mexique. Trois femmes sont alors
soupçonnées puis arrêtées. Parmi elles, les deux belles-sœurs de
la victime, lesquelles évoquent des actes de sorcellerie
qu'elle-même aurait perpétrée. Raison pour laquelle les deux
femmes et leur troisième complices auraient organisé et exécuté
le double homicide ! De ce fait-divers particulièrement
horrible, la journaliste et romancière mexicaine Fernanda Melchor
Pinto tirera en 2017 un ouvrage intitulé Temporada de Huracanes
traduit chez nous sous le titre La saison des ouragans.
Dans cet ouvrage, la sorcière est décrite comme administrant en
outre aux femmes enceintes des potions abortives dans l'intention de
les faire avorter. Temporada de Huracanes reprend
le concept de ce personnage au centre de commérages ininterrompus
dans le petit et miséreux village où se situe l'action. Cet
individu aux allures de sorcière à la chevelure longue et brune est
surtout décrit comme un travesti, pédéraste et organisant des
orgies dans son immense demeure en ruines. L'abattement est ici
généralisé. Ciel nuageux, village proche du bidonville, nous
sommes dans l'un des bas-fonds d'un pays où seules les femmes
semblent ramener de l'argent à la maison.
La
prostitution paraît être d'ailleurs le seul moyen de gagner sa vie
dans un coin de la nation où le pourcentage de chômeurs frise les
cent pour cent. ''Déconstruit'' sous forme de chapitres dont chacun
porte le prénom de l'un des personnages, le spectateur fait
connaissance avec Luismi, Brando, Cuco ou encore Norma qui vient
d'arriver en ville et qui ne sait tout d'abord pas où aller. Prise
sous l'aile de Luismi (Andrés Cordova), cette jeune fille âgée de
quatorze ans interprétée par Kat Rigoni est enceinte. Et bien que
ce détail ne soit déjà pas des plus anodins vu son âge, il va
semble-t-il être surtout le déclencheur de toute une série
d'événements que la réalisatrice, sur la base d'un scénario dont
elle est l'auteur avec Daniela Gomez, va exploiter sous une forme non
pas inédite mais peu courante. Plutôt que d'user de l'un des
artifices préférés de Brian De Palma (le Split-Screen),
Elisa Miller préfère revenir continuellement sur le même
événement, quitte à le filmer sous divers angles. Ou plutôt, sous
le point de vue de ses principaux protagonistes. Le film se situe
donc sur une échelle de temps assez courte que reproduit à
plusieurs reprises la mise en scène plutôt ingénieuse de la
réalisatrice. Tout débute par la découverte du cadavre de la dite
''sorcière''. En fond sonore, les hypothèses les plus folles se
bousculent parmi les commères du villages qui supputent tout et
n'importe au sujet de cet individus méprisé, mais craint.
Visuellement automnal mais parcouru de plans parfois fulgurants,
Temporada de Huracanes
est également d'une crudité et d'une cruauté qui ne souffrent
d'aucune retenue. Pourtant, au sein de ce récit foncièrement
pessimisme surnage un temps la jolie rencontre entre Luismi et Norma.
Éclaircie bienvenue dans un univers terriblement sombre d'où ne
surnage malheureusement rien de bon. Sachez que le film est
disponible depuis le 1er novembre sur la plate-forme Netflix.
Depuis quelques années, un certain type de cinéma social et
horrifique semble émerger de nations inattendues pour le bien d'un
certain renouveau. Temporada de Huracanes
témoigne de ce ''nouveau'' cinéma
en provenance du Mexique, sans tabous ni sans garde-fou...
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