Si l'on demande au commun
des mortels de nous citer son film préféré de Gérard Oury, que
nous répondra-t-il ? Dans le pire des cas, ''Hein ?
C'est qui lui ?''. Et dans
le ''meilleur'', nous aurons droit à l'éternel carré d'as
constitué du corniaud,
La grande vadrouille,
La folie des grandeurs et
Les aventures de Rabbi Jacob,
tous incarnés par Louis de Funès, quand d'autres citeront sans
doute davantage La carapate
et Le coup du parapluie avec
Pierre Richard , L'as des as
avec notre Bebel national ou encore La vengeance
du serpent à plumes
avec Coluche ! Durant des décennies, Gérard Oury (parfois
assisté de sa fille Danièle Thompson) nous a régalé de certaines
des comédies les plus drôles qui aient vu le jour sur notre
territoire. Des classiques, dans le sens le plus noble qui soit. Mais
avant de s'intéresser au genre qui le rendit célèbre, le
réalisateur et scénariste français s'est illustré dans la comédie
dramatique. Voir même le drame avec, en 1961,
La menace
(rien à voir avec le film éponyme d'Alain Corneau datant de 1977 et
principalement interprété par le français Yves Montand et la
québécoise Carole Laure). Le long-métrage de Gérard Oury met
principalement en scène l'acteur, réalisateur et scénariste
français Robert Hossein. Lequel, quatre ans plus tard, réalisera
notamment le très réussi Vampire du Düsseldorf
dont le personnage qu'il interprétera lui-même sera inspiré des
méfaits du monstrueux tueur en série allemand Peter Kürten dont
les exactions eurent lieu entre la fin des années vingt et le début
des années trente, au siècle dernier. La séquence post-générique
rappelle sensiblement celle qui ouvre le bal de Répulsion
que
le réalisateur franco-polonais Roman Polanski réalisera lui aussi
quatre ans plus tard avec dans le rôle principal, une toute jeune
Catherine Deneuve. Filmés l'un comme l'autre en noir et blanc, le
récit de La menace s'éloigne
cependant drastiquement de cette atmosphère terriblement étouffante
que créera le contexte anxiogène dans lequel vivra cette autre
jeune femme en 1965. Ces yeux clos qui désormais s'ouvrent à
l'image avant qu'un lent travelling arrière ne montre le visage de
leur propriétaire sont ceux de l'actrice Marie-José Nat qui nous a
quitté voilà quatre ans.
''Pour lui, le mensonge est un vice... Pour moi, c'est plutôt un refuge...''
Dans
La menace,
elle incarne à l'âge de vingt-deux ans seulement la jeune Josépha
dont le rêve serait de faire partie des Mariolles,
une bande de jeunes gens qui passe leur temps à faire les idiots
assis sur la selle de leur scooter. Mais on ne fait pas partie de
leurs membres si facilement. Alors, Josepha se forge une nouvelle
personnalité. Elle s'achète une moto avec l'argent qu'elle a
emprunté au pharmacien, porte des jeans et un blouson noir, se met à
fumer des cigarettes et boit du whisky-coca. Tout ça pour séduire
les membres des Mariolles.
Pourtant acceptée parmi eux par une très grande majorité, l'une
des filles du groupe a voté contre elle... Le lendemain, celle-ci
est retrouvée morte en forêt, violée et étranglée. Sous la
pression de ses nouveaux camarades qui la soupçonnent d'en savoir
davantage qu'elle ne veut l'admettre, Josepha craque et affirme que
le responsable de l'assassinat est Savary, le nouveau pharmacien...
Débutant sous des airs de comédie adolescente plutôt convenue, La
menace
prend une tournure radicalement différente dès lors que Josepha
désigne comme coupable du viol et du meurtre, le pharmacien qui à
l'écran est interprété par Robert Hossein. Gérard Oury adapte le
roman Les
Mariolles
du célèbre écrivain français Frédéric Dard. Œuvre dans
laquelle il décrit tout d'abord une Josepha s'émancipant de son
caractère ingénu pour s'endurcir et faire ainsi partie d'un groupe.
Dès lors, la jeune femme apparaît sous les traits d'une
manipulatrice dont le mensonge, au fil du récit, apparaîtra de
manière claire comme une seconde nature. Derrière la fausse
modestie de la mise en scène et de l'écriture se cache un message
pamphlétaire contre le mensonge et ses conséquences collatérales.
Avec sa charmante bouille et ses expressions enfantines, Marie-José
Nat incarne en même temps cet esprit de vengeance qu'il était
jusque là impossible de deviner chez cette jeune femme d'apparence
douce, pure et fragile. Et c'est sans doute à travers cette
représentation de l'innocence que le film se montre le plus glaçant.
Bien que La menace
accuse plus de soixante ans, il demeure une saisissante vitrine de la
société actuelle où dans la vie de tous les jours les valeurs
morales n'épousent plus celles du passé et où tout est bon pour
être''reconnu'' et ''aimé''...
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