Depuis plus de vingt ans,
le réalisateur japonais Takashi Shimizu perpétue un cinéma de
l'effroi voué aux esprits et autres incarnations plus ou moins
ectoplasmiques. L'auteur de Ju-On,
de Rinne,
et de Tormented
s'est lancé en 2019 dans une nouvelle série de longs-métrages
horrifiques dont le premier volet intitulé
Howling Village
fut suivi deux ans plus tard par Suicide Forest
Village.
L'année dernière, le cinéaste japonais a semble-t-il mis un terme
à cette saga avec le troisième volet intitulé cette fois-ci
Ushikubi Village
et dans lequel, il tente une nouvelle fois de sonder l'âme humaine à
travers l'histoire poignante d'une jeune adolescente victime de
forces obscures dont elle cherchera à découvrir les origines en
compagnie de son ami Ren (l'acteur Riku Hagiwara). S'agissant de la
séquence d'ouverture, ce qui étonne est l'approche quasi identique
à celle de Suicide Forest Village.
Au point que l'on se demande durant quelques instants si l'on n'a pas
fait l'erreur de nous lancer dans la projection de ce dernier. Et
pourtant, la suite nous démontrera fort heureusement le contraire.
Si Takashi Shimizu eut beau être l'un des maîtres en matière de
J-Horror,
il semblerait que la fibre artistique du réalisateur et scénariste
se soit peu à peu diluée dans une imagerie de drama japonais pas
toujours convaincante. En approchant les deux heures, Ushikubi
Village
prend le risque d'emporter le public dans les flots insuffisamment
tumultueux d'un cinéma de l'horreur et de l'épouvante charriant son
lot de séquences interminables. C'est à n'y point se tromper que
d'affirmer que le spectateur voit juste lorsqu'il évoque ces scènes
dont la longueur et l'absence d'intérêt nuisent au propos même
tenu par Takashi Shimizu à travers le script dont il est lui-même
l'auteur aux côtés de Daisuke Hosaka, scénariste avec lequel il
travailla déjà sur les deux premiers volets de ce que l'on nommera
pour l'instant sous l'appellation de ''trilogie''. Commençons
d'abord par rassurer les futurs spectateurs.Si le japonais ne signe
pas là son meilleur film, les fidèles, ceux qui le suivent et se
reconnaissent dans chacune de ses tentatives, apprécieront
certainement ce nouveau voyage aux confins du surnaturel où se
côtoient légende, spiritisme, incarnations spectrales mais
également le deuil, l'absence et la solitude.
En
cela, Takashi Shimizu demeure l'un des grands fondateurs de cette
alliance détonante entre drame et épouvante qui fait souvent la
spécificité de son cinéma et que l'on retrouve aussi parfois chez
ses congénères, à l'image de Hideo Nakata et de son Honogurai
Mizu no Soko Kara
(connu chez nous sous le titre Dark Water)
qui demeure sans aucun doute à ce jour, LE chef-d’œuvre du
genre ! L'aventure au sein de laquelle vont évoluer divers
protagonistes dont l'héroïne Kanon qu'interprète l'actrice Kôki
sera semée d'embûches narratives qui soyons-en certains,
déstabiliseront la plupart des spectateurs. Ensuite, de la poésie
visuelle à la grandiloquence, il n'y a qu'un pas que Takashi Shimizu
semble parfois franchir sans honte du ridicule. Avec son allure de
DTV
visuellement mal fagoté, il va falloir faire preuve, pour le
réalisateur, de trésors d'imagination pour faire oublier ce qui
fait dans le cas de Ushikubi Village,
souvent défaut. L'apogée du numérique n'étant pas passé par le
cinéma de cet artiste pourtant généreux et qui ne cesse
pratiquement pas de tourner depuis ses débuts (On espère notamment
découvrir très rapidement Immersion
ainsi que Minna no Uta
qu'il réalisa en cette seule année 2023), l'absence formelle de
grain est proportionnellement frustrant face au polissage
systématique de l'image qui lui, envahit la totalité du métrage.
Où lorsque le drama japonais questionne au sujet de la comparaison
avec le concept de Soap
Opera.
Mais ne soyons pas trop durs. Car par delà l'esthétique parfois
quasi rédhibitoire, Takashi Shimizu nous rappelle qu'il fut un
immense cinéaste en la matière qui est la sienne. Dans ce
salmigondis d'idées mal dégrossies et souvent brouillonnes, c'est
bien sur la durée que les choses s'éclaireront, le cinéaste en
profitant pour semer ça et là quelques fulgurances au visage de son
public. Comme ce suicide en boucle filmé à travers le reflet d'une
petite flaque d'eau ou cette séquence parfaitement inattendue lors
de laquelle l'un des personnages nous refait à sa manière l'une des
plus fameuses scènes de L'ascenseur
de Dick Maas. Au final, Ushikubi Village
s'adresse avant tout au cœur du public avant de s'attaquer aux
peurs qu'il garde enfouies en lui. L'on reprochera au film de Takashi
Shimizu sa trop longue durée et ses chemins de travers qui nuisent
parfois au confort et à la lisibilité. En contrepartie, que
voulez-vous que je vous dise... ? Que l'on réservera tout
d'abord Ushikubi Village au
noyau dur des fans du cinéaste... dont je fais partie. Mais que les
autres seront eux aussi conviés à suivre l'aventure de Kanon et de
ses deux compagnons. Ne serait-ce que pour qu'ils assistent à une
dernière demi-heure totalement délirante...
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