Comme beaucoup avant lui,
le réalisateur (canadien ? Français ?) Fabien Delage a débuté
sa carrière de cinéaste en passant par le court-métrage avant de
passer au format long quelques années plus tard. Pratiquement dix
ans après ses débuts en 2007, il tournera le documenteur La
rage du démon
avant de réaliser en 2017, son premier vrai long-métrage intitulé
Cold Ground.
Ce dernier verse dans l'horreur, l'épouvante et peut-être même un
peu de fantastique même si l'origine des créatures qui s'en
prendront aux protagonistes lors de leurs aventures n'est pas très
précise et demeure donc à déterminer. Contrairement à ce que l'on
pourrait croire, le Found-Footage francophone n'est pas une denrée
véritablement rare car bien que le genre possède des codes
spécifiques, nous pouvions déjà en retrouver certaines bases dès
les années cinquante du siècle dernier à travers
l'hyper-novatisme, un mouvement artistique créé au milieu des
années quarante par le poète, dramaturge, romancier et cinéaste
français Isidore Isou. On pourra ensuite rapprocher du style
documentaire de la plupart des œuvres s'inscrivant dans le genre
Found-Footage, des expériences cinématographiques telles que C'est
arrivé près de chez vous des
réalisateurs belges Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît
Poelvoorde. Car si leur film s'éloigne du concept originel reposant
strictement sur l'utilisation d'une bande vidéo retrouvée puis
projetée au sein d'un récit, le film culte du trio s'employait
quant à lui en 1992 à projeter quasiment en temps réel les faits
et gestes d'un tueur en série d'origine belge (premier grand rôle
pour Benoît Poelvoorde qui y incarnait le personnage principal,
Benoît Pappaert).
Avec
Cold Ground
l'on se projette un quart de siècle plus tard alors qu'avant lui,
des légions de cinéastes proposèrent leur vision du genre. Si
beaucoup continuent de s'extasier devant le ''mythique'' Projet
Blair Witch de
Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, n'oublions pas que sous sa forme
la plus pure, celle qui repose sur des codes préétablis, le
véritable premier Found-Footage est selon beaucoup de cinéphiles
avertis, le cultissime Cannibal Holocaust
du réalisateur italien Ruggero Deodato qui lui, date de 1980. Sous
couvert de nous faire découvrir ce qui a pu arriver à une
expédition partie enquêter sur une série de mutilations animales à
la frontière franco-suisse, Fabien Delage propose rien moins que la
version francophone du Projet Blair Witch.
Car si l'intrigue se déroule dans un décor enneigé, il est
difficile d'ignorer les liens qui existent entre l'un et l'autre des
longs-métrages. Filmé dans les Alpes, Cold
Ground
a l'intelligence de mêler non seulement le film d'horreur à
certaines légendes mais aussi aux dangers qui subsistent vis à vis
du climat au sein duquel vont évoluer les différents personnages.
Acteur et metteur en scène de théâtre, Fabrice Pierre y incarne
notamment le personnage de Daniel et insuffle au long-métrage un
réalisme qui fait du bien au genre. Car il faut bien comprendre que
le Found-Footage n'est pas toujours en mesure de rendre concrets les
événements qui se produisent au sein de telle ou telle œuvre
cinématographique. Le comédien parvient sans mal et avec un naturel
proprement désarçonnant à faire passer ce qui au fond n'est que le
jeu d'un interprète au sein d'un film pour un authentique guide
chargé d'emmener une poignée d'individus jusqu'à une station de
recherches scientifiques située au sommet d'une montagne enneigée.
La
qualité de jeu de Fabrice Pierre est telle que la disparition de son
personnage lors d'une avalanche aura de lourdes conséquences sur la
suite de l'aventure. Non pas que Cold Ground
perde la totalité de son intérêt (les fans de Massacre
à la tronçonneuse loueront
notamment les
talents de Scream
Queen de l'actrice
Gala Besson, laquelle aligne ses cordes vocales sur celles de
l'américaine Marilyn Burns) mais tout ne sera plus vraiment pareil
par la suite. Situant son action en 1976, le récit contraint le
réalisateur et scénariste à faire usage de filtres afin de
modifier l'aspect visuel de son film. Le résultat, sans être
transcendant, est plutôt efficace. Là où Fabien Delage parvient à
semer le doute dans l'esprit du spectateur se situe lors de
l'évocation d'un authentique fait divers qui en 1967 défraya la
chronique ''ufologique''. En effet, un homme du nom de Berle Lewis
qui dans les années soixante avait acheté une jeune pouliche du nom
de Lady la retrouva quelques années plus tard, atrocement mutilée
alors que de nombreux signalements d'ovnis se produisaient à
l'époque dans la région. Mais en dépit de cette évocation et de
la présence d'une station de recherches scientifiques, les amateurs
de science-fiction et de créatures venues de l'espace risquent en
fin de projection de repartir une main devant, une main derrière.
Ici, rien de typiquement surnaturel ou d'origine propre à nourrir
l'imaginaire des amateurs de science-fiction. Au mieux, une bête
poilue que le cinéaste filmera de manière saccadée histoire de
n'en point trop divulguer sur ses origines. Inutile également
d'espérer avoir la moindre réponse puisque tout comme nombre de
Found-Footage, celui-ci se termine de manière radicale et abrupte.
Au final, Cold Ground
est relativement efficace, bien que parfois redondant dans sa
dernière partie. Bref, un digne successeur francophone du classique
de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez...




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