La secte sans nom
ou lorsque la fiction rejoint la réalité et même, la précède...
On ne sait toujours pas ce que sont devenus Emile, deux ans et demi
ainsi que Lina, quinze ans, mais de leur disparition respective ont
découlé diverses éventualités. De la fugue jusqu'au meurtre en
passant par l'enlèvement. Le réalisateur espagnol Jaume Balagueró
signait à la fin du siècle dernier une œuvre étonnante. Sa
première, sous le titre original Los sin Nombre
(adaptation d'un roman du britannique Ramsey Campbell) qui
contrairement à sa traduction française signifie Le
nom du péché.
En 1995 sort sur les écrans Seven
de David Fincher, un classique du film policier recouvert d'une
chape de noirceur moite qui redéfinit les contours du thriller ou du
moins, considère l'objet comme l'un des parangons les plus
significativement morbide du genre. Mais à dire vrai, il ne faudrait
surtout pas oublier qu'il ne fut que le descendant d'autres
mémorables productions parmi lesquelles, le formidable Silence
des agneaux
de Jonathan Demme qui vit le jour quatre ans plus tôt. D'autres se
sont essayés depuis au délicat exercice du ''plagiat'', de
''l'hommage'' ou de ''l'opportunisme'' comme le cinéaste australien
Russell Mulcahy et l'acteur Christophe Lambert à travers
Résurrection
qui contrairement à la sentence que dû supporter le long-métrage
de la part d'une certaine presse et d'un certain public est plutôt
sympathique... si bien entendu l'on fait l'impasse sur la comparaison
avec les meilleures œuvres du genre. L'Espagne elle aussi fut donc
frappée par ce sous-genre du film policier crépusculaire à travers
l'un de ces petits bijoux moyennant la force d'interprétation de ses
principaux acteurs et la réalisation du metteur en scène. Pour le
commun des mortels, que signifie Jaume Balagueró ?
Pas
grand chose à vrai dire, mais pour les autres, essentiellement,
l'espagnol n'est rien moins que l'auteur de l'une des œuvres
horrifiques les plus marquantes du milieu des années 2000 avec son
pote Paco Plaza. Ensembles, les deux hommes ont effectivement signé
le remarquable [●REC] en
2007, le cinéma d'horreur et d'épouvante renouant alors avec le
mythe de l'infecté qu'inventa pratiquement George Romero des
décennies en arrière à travers son prophétique The
Crazies
(connement traduit chez nous sous le titre La
nuit des fous vivants,
pour une raison que les fans du réalisateur originaire de Pittsburgh
connaissent forcément). Sans ambages et donc sans protection, le
spectateur de La secte sans nom
plonge directement dans le vif du sujet avec le cadavre d'une jeune
fille extrait d'une bassine remplie d'acide. Le corps une fois étendu
à la morgue et étudié sous toutes les coutures par un médecin
légiste qui ne nous épargne rien des détails sordides et les
parents de la jeune victime prévenus de la découverte du corps de
leur enfant, le récit fait un saut dans le temps de cinq années et
l'on retrouve la mère Claudia (l'actrice Emma Vilarasau), depuis
divorcée mais apparemment ''remise'' de la mort de sa fille.
Pourtant, un coup de téléphone va tout remettre en question. En
effet, Claudia reçoit un jour un appel d'une jeune fille qui prétend
être la sienne. Niant tout d'abord que son interlocutrice puisse
être l'enfant qu'elle a perdu cinq ans plus tôt, la jeune femme se
met à douter et fait appel à l'ancien flic Massera (l'acteur Karra
Elejalde) qui à l'époque était chargé d'enquêter sur la
disparition afin de l'aider à investiguer au sujet de cette nouvelle
et mystérieuse affaire.
Outre
quelques séquences visuellement glauques comme l'autopsie de la
gamine, la découverte d'un cadavre lié sur une chaise et égorgé,
la visite de deux sites désaffectés et des environnements aux
teintes parfois crues, ce qui touche tout d'abord dans cette Secte
sans nom,
c'est la douleur de la mère observée à travers le reflet que
projette le miroir de la salle de bain derrière lequel se cache le
seul traitement médicamenteux qui dans une certaine mesure est
capable de maintenir toute sa raison. Douleur de Claudia mais
également celle de Massera qui lui-même fut au centre d'un drame
personnel qui causa le décès de son épouse et de celui de leur
bébé. La secte sans nom s'évalue
donc davantage sous l'angle de la tragédie plus que sous celui de
l'enquête policière même si celle-ci est plutôt bien menée par
cet alter ego de Columbo
en gabardine bleue-nuit, sans chien, sans cabriolet et ayant remplacé
le cigare par la cigarette. Le premier long-métrage de Jaume
Balagueró brille donc d'abord par une certaine profondeur
émotionnelle que n'amenuise pas le cadre relativement sinistre et le
sujet, auxquels est adjoint un sound-design curieux et généralement
constitué de bruits de tonnerres même lorsque le ciel est bleu !
Le terme qui semble le mieux définir le film du réalisateur
espagnol est : ''tristesse''. En revanche, le dernier acte, sans
tout à fait ruiner l'impact émotionnel des débuts, s'avère on ne
peut plus... ridicule. Dans le rôle de l'ancien époux Marc, Brendan
Price en fait des tonnes et n'est qu'une caricature du personnage
qu'il incarne. À trop vouloir jouer sur son impressionnant regard et
son sinistre sourire, on finit davantage par pouffer de rire devant
ses mimiques que de trembler. La résolution du film est donc sans
doute la partie la plus faible du récit, avec au centre du sujet,
des faits qui relèvent partiellement de l'improbable même si l'on
sait l'influence que peuvent avoir des paroles sur des personnes
totalement perméables aux commentaires du fait de leur jeune âge.
Au final, La secte sans nom
est un coup d'essai plutôt réussi de la part d'un cinéaste qui de
manière générale se spécialisera par la suite dans le cinéma
d'horreur...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire