En 1986, le réalisateur,
scénariste et producteur français Claude Berri rendait un
formidable hommage à l’œuvre de Marcel Pagnol en inscrivant au
panthéon du cinéma hexagonal son remarquable diptyque formé autour
de Jean de Florette
et de Manon des sources.
Deux longs-métrages tournés dans la foulée et adaptés à partir
du roman L'eau des
collines
qu'écrivit Marcel Pagnol en 1963. Onze ans auparavant, celui-ci
réalisa lui-même une œuvre en deux parties intitulées Manon
des sources
et Ugolin,
formant ainsi un long-métrage de presque quatre heures. Lorsque
l'écrivain publie L'eau
des collines,
c'est dans l'intention d'ajouter au double film qu'il réalisa en
1952, une partie supplémentaire notamment consacrée au personnage
du père de Manon, Jean Cadoret, dit ''Jean de Florette''.
Personnage invisible dans le long-métrage du début des années
cinquante mais pourtant bien au centre de l'intrigue. Un récit,
sinon classique, du moins porté par l'esprit de vengeance de son
héroïne incarnée à l'époque par Jacqueline Pagnol qui fut
l'épouse et l'égérie de Marcel Pagnol et dont Emmanuelle Béart
repris le rôle trente-quatre ans plus tard. Il faudra donc patienter
jusqu'en 1986 pour avoir une vue ''cinématographique''
des idées dont Marcel Pagnol avait nourri la première partie de son
roman L'eau des
collines.
Une préquelle formidablement incarnée par Gérard Depardieu dans le
rôle-titre, Daniel Auteuil dans celui d'Ugolin, que son vieil oncle
surnomme ''Galinette''
ainsi qu'Yves Montand dans la peau de César Soubeyran dit, ''le
Papet''.
Mais revenons en 1952. Marcel Pagnol a derrière lui une très belle
carrière d'écrivain et de réalisateur. En 1946, il est même élu
à l'Académie Française.
L'eau des collines
sera son véritable dernier roman avant que ne soit entreprise la
rédaction de la dernière partie (inachevée) de son autobiographie
intitulée Le
temps des amours
(adaptée à la télévision par Thierry Chabert en 2007). Lorsque
débute Manon des sources
version 1952, des différences notables par rapport à la version
colorisée de Claude Berri sont notables. Le film se concentre tout
d'abord autour d'une poignée de personnages vivant dans le petit
village des Bastides
Blanches.
Alors
que dans la région les deux seuls gendarmes à disposition tentent
de mettre la main sur Manon qui est soupçonnée d'avoir blessé l'un
des villageois à coup de bâton, des hommes assis à la terrasse
d'un café accueillent Bernard, l'instituteur du village auquel ils
vont raconter l'histoire de la jeune sauvageonne qui vit dans la
montagne auprès de son âne, de ses chèvres ainsi que de
Baptistine, une vieille femme qui vient d'apprendre que l'on vient de
déterrer le corps de son époux disparu depuis de nombreuses années
afin de libérer de la place au cimetière. Durant près de quarante
minutes et à l'issue de cette très longue séquence se poursuivant
par l'arrestation de Manon, la qualité des dialogues explose
littéralement à l'image. Preuve de l'extraordinaire soucis apporté
aux dialogues permettant aux divers interprètes d'échanger entre
eux de bons mots dont la qualité ne s'essouffle à aucun moment.
C'est toute la Provence des années cinquante qui s'y exprime avec
son petit village typique, ses cigales, ses collines écrasées par
la chaleur d'un soleil aveuglant, ses hommes qui boivent à la
terrasse des cafés et leurs ''matronesques'' doublures féminines
qui hurlent leur mécontentement aux fenêtres. Là où Claude Berri
choisissait de ne faire point de mystère autour du tarissement de
l'eau, Marcel Pagnol choisit, lui, d'évoquer une malédiction
proférée par la vieille Baptistine avant son départ. D'une durée
égalant presque les deux heures, cette première partie ayant
consacré quarante minutes de l'intrigue aux passionnantes
discussions entre habitants de sexe masculin des Bastides
Blanches,
le reste tournera autour du procès pour blessures dont est accusée
la jeune femme. Séquence qui sera absente du long-métrage de Claude
Berri qui préférera alors directement passer à l'intrigue autour
de la fontaine et de l'absence d'eau dans tout le village et ses
alentours ainsi que de la passion d'Ugolin pour Manon, laquelle
déterminera l'action de la seconde partie intitulée Ugolin.
Manon des sources
version 1952 est un véritable joyau, parfaitement interprété. La
mise en scène n'étant pas le plus fort du long-métrage, tout
repose donc sur cette sympathique brochette d'acteurs ironisant (ou
pas) sur le sort des uns et des autres. Une comédie qui peu à peu
sombre dans le drame et se rompt avant que l'ingénieur du génie
rural ne débarque dans ce petit village demeuré jusqu'ici plutôt
tranquille...
"Moi j'ai payé pour de l'eau de source, pas de l'eau de camion !"
RépondreSupprimerSi Pagnol, Fernandel et Raimu débarquaient sur la Canebière en 2023, ils feraient un AVC... :-)