C'est moins par fébrilité
que par une certaine impatience que j'attendais le retour sur grand
écran du réalisateur, scénariste et producteur norvégien
André Øvredal. Surtout depuis la sortie de son excellent The
Jane Doe Identity
en 2016 dont le sujet reposait pourtant sur un concept simple. Un
médecin légiste et son fils se retrouvaient face au corps d'une
jeune femme non identifiable qu'il allaient devoir autopsier le temps
d'une soirée. Trois longs-métrages plus tard, voilà que le
cinéaste nous revient avec une facette bien connue du mythe de
Dracula mais que beaucoup survolèrent finalement jusqu'à
aujourd'hui sous forme d'ellipses. Comme le réalisateur allemand
Friedrich Wilhelm Murnau qui en 1922 réalisa le chef-d’œuvre
Nosferatu, eine Symphonie des Grauens
dans lequel il nous contait les méfaits d'un vampire qui n'avait de
différences avec le célèbre Dracula du romancier irlandais Bram
Stoker, que l'apparence et le nom. Une question de droits poussa
effectivement Friedrich Wilhelm Murnau à renommer le sinistre
personnage en Nosferatu, un nom qui pourtant apparaît bien dans
l'ouvrage de Bram Stoker Dracula
publié pour la première fois en 1897. Le
dernier voyage du Demeter
s'appuie également sur un fait divers qui eut lieu en Grande
Bretagne au large de la ville portuaire de Whitby douze ans avant
qu'il ne fasse éditer son fameux roman. Transformant la tragédie du
navire Dmitry
qui échoua cette année là sur la plage de Tate Hill, Bram Stoker
changea le nom du bateau et le renomma Déméter
du nom de la mère de l'agriculture dans la religion grecque antique
et d'une certaine manière, la représentante de la fertilité liée
à l'abstinence sexuelle. Plutôt que de reprendre tout ou partie du
roman du britannique, André Øvredal se penche donc sur l'un des
thèmes les plus remarquables de l'ouvrage. Le voyage du navire au
départ de la Transylvanie et à destination de Londres, en
Angleterre. Mais alors que d'autres n'ont consacré qu'une part
infime de leur travail sur ce sujet, le réalisateur norvégien étire
le propose sur pratiquement cent-vingt minutes. Majoritairement filmé
de nuit, il faut être un félin pour saisir parfois tous les détails
et les actions qui se produisent à l'image. D'emblée l'on est
saisit d'émerveillement dans l'accomplissement des décors créés
par Edward Thomas ou par la superbe direction artistique de Wolfgang
Metschan et la photographie de Roman Osin et Tom Stern. C'est bien
simple : on se croirait retournés à la fin du dix-neuvième
siècle. Une voix-off, celle du capitaine du Déméter
(l'acteur
Liam Cunningham) accompagne en toute discrétion l'intégralité du
récit.
C'est
en effet autour des notes qu'il a écrites durant le voyage effectué
à bord du Déméter
qu'est décrit le récit. Celui-ci met en scène le docteur Clemens
incarné à l'écran par l'acteur afro-américain Corey Hawkins, un
homme dont la culture et l'intelligence seront décrites de manière
diamétralement opposée à celle de l'équipage du navire constitué
d'hommes blancs, d'un enfant (Woody Norman dans le rôle de Toby) et
d'une jeune clandestine prénommée Anna (l'actrice irlando-italienne
Aisling Franciosi). La bienveillance dont fait preuve André Øvredal
envers son personnage principal étant typique des critères actuels
en matière de représentation des ''minorités'', Clemens apparaît
farci de compétences que n'ont pas ses partenaires. Dans le rôle de
Dracula, l'on retrouve l'acteur espagnol Javier Botet qui se fit
surtout connaître lors de la terrifiante séquence finale de
[●REC]
de Jaume Balagueró et Paco Plaza en 2007. Grand habitué des rôles
de zombies, celui-ci endosse donc le costume du plus célèbre des
vampires. Mais plutôt que de le faire apparaître sous l'allure d'un
vieillard aux cheveux blancs comme cela était le cas dans l'ouvrage
de référence, André Øvredal préfère lui offrir l'apparence
d'une créature hideuse plus proche du Nosferatu
de Friedrich Wilhelm Murnau ou de son homologue Werner Herzog (le
remake Nosferatu: Phantom der Nacht
de 1979) que celui du Dracula
que réalisa Francis Ford Coppola en 1992. Bien que l'idée de
concentrer la quasi totalité de l'intrigue à bord du navire à
destination de Londres soit quelque peu... innovante, le résultat
est malheureusement en deçà des espérances. Trop long, trop
bavard, Le dernier voyage du Demeter
est surtout, très classiques. Alors qu'en l'espace de quelques
courtes séquences Friedrich Wilhelm Murnau était parvenu un siècle
plus tôt à rendre ce passage emblématique du roman absolument
terrifiant (bien que l’œuvre fut tournée en noir et blanc et en
version muette), dans le cas du dernier voyage
du Demeter,
on s'ennuie le plus clair du temps à patienter jusqu'à ce
qu'apparaisse à l'image le fameux vampire. Il n'en demeure pas moins
qu'esthétiquement le film soit parfois remarquable, surtout lors de
certaines séquences nocturnes et embrumées. Une alternative malgré
tout intéressante du mythe de Dracula qui n'égale ni ne surpasse
malheureusement pas nos attentes...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire