Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


mercredi 6 septembre 2023

Je ne suis pas un Salaud d'Emmanuel Finkiel (2016) - ★★★★★★★★★☆

 


 

L'acteur Patrick Dewaere disparaissait il y a maintenant plus de quarante ans, laissant derrière lui une formidable carrière d'interprète mais aussi l'image d'un écorché vif. En France l'on a la religieuse habitude de chercher parmi les jeunes loups du cinéma, les héritiers des grands noms du septième art. Un pompeux procédé qui parfois vise pourtant juste. Mieux que de comparer un grand nom du cinéma avec un autre, il semble plus judicieux de confronter des personnages qu'ils ont les uns et les autres interprété sur grand écran. Avec son visage anguleux, Nicolas Duvauchelle se rapproche sans doute physiquement de Patrick Dewaere mais l'on retiendra d'abord pour l'un, son incroyable performance dans la descente aux enfers signée par Alain Corneau en 1979, Série noire. Et pour l'autre, sa formidable prestation dans Je ne suis pas un salaud d'Emmanuel Finkiel en 2016. Entre les deux longs-métrages trente-sept ans d'écart, et entre Franck Poupart et Eddy, beaucoup de points communs. Une vie de couple compliquée. Un boulot peu gratifiant. Et une existence qui d'une manière générale va les mener sur une pente terriblement savonneuse. Nicolas Duvauchelle est à n'en point douter l'un des meilleurs acteurs français actuels. Sa physionomie à quelque peu changé en dix ans. Le visage rond et presque adolescent qu'il arborait à l'époque de Les Yeux de sa mère de Thierry Klifa a laissé place à un faciès émacié agrémenté d'une barbe de trois jours et de yeux cernés de noir. L'apparence idéale pour interpréter le rôle d'Eddie, père de Noam (le jeune Johann Soulé) et ex compagnon de Karine (excellente Mélanie Thierry). Sans travail, c'est grâce à cette dernière qu'il est embauché dans une entreprise en tant que manutentionnaire. Peu à peu, la personnalité d'Eddie se définie à travers des habitudes qui expliquent sûrement leur séparation avec Karine. Le jeune homme boit... beaucoup... et se montre parfois très violent. Mais le script d'Emmanuel Finkiel et de la scénariste Julie Peyr ne s'attarde pas uniquement sur le profil familial du personnage mais s'intéresse également au fait-divers dont il a été la victime directe. Après avoir passé la soirée dans un bar, c'est en raccompagnant une jeune femme qu'il vient de rencontrer chez elle qu'Eddie est témoin du vol d'un autoradio par une jeune voyou. En intervenant, Eddie met sa vie en danger. En effet, un attroupement de racailles s'interpose entre le voleur et lui qui, par fierté (ses regards répétés envers la jeune femme qu'il a prévu de raccompagner chez elle en disent long) choisit de ne pas lâcher l'affaire. S'ensuit son agression qui se termine par un coup de couteau dans le flanc qui l'envoie à l’hôpital.


Un mal pour un bien serait-on tentés de dire puisqu'à son réveil, il trouve au pied de son lit, son fils et Karine. Il est invité à venir se reposer chez elle et obtient même un rendez-vous avec l'employeur de la jeune femme qui lui offre de travailler comme manutentionnaire. Le bonheur ? Pas vraiment, car lors d'une confrontation, Eddie va reconnaître chez le jeune Ahmed (l'acteur Driss Ramdi), l'un de ses agresseurs... Nicolas Duvauchelle s'approprie totalement le personnage d'Eddie, un individu à la personnalité ambiguë, comme peut d'ailleurs l'être parfois le récit. Coupable idéal ? Sentiment de détresse et d'injustice poussant à reconnaître chez un innocent le visage de la culpabilité ? D'emblée, le réalisateur met le spectateur mal à l'aise avec cette agression qui semble tirée de l'un de ces nombreux fait-divers dont parlent les médias presque quotidiennement. Emmanuel Finkiel n'étant apparemment pas du genre à passer de la pommade dans le dos de tel ou tel parti politique ou telle frange de la population plutôt qu'une autre, tout le monde en prend pour son grade : les agresseurs sont bien issus de l'immigration ou du moins, font partie de sa descendance. Eddie, lui, est français dit ''de souche'' et n'est pas plus recommandable que ceux qui l'ont attaqué. Je ne suis pas un salaud décrit un univers social débilitant, où chacun cherche sa place et Eddie comme les autres. Le film entretient toute une série de suspicions. Eddie est-il sûr de lui ou l'horrible idée ''celui-là ou un autre, qu'importe'' lui est-elle passée par la tête ? Quelle relation Karine entretient-elle avec Régis Labrecque (Nicolas Bridet), son supérieur hiérarchique ? Comme l'était à son époque Franck Poupart, Eddie est un raté. Un paumé passant le plus clair de son temps à boire au zinc. À la différence de quoi, le premier s'était créé un but dans la vie : Sauver et prendre soin de Mona (Marie Trintignant) qui vivait jusque là aux crochets de sa tante qui la prostituait (Jeanne Herviale). Intense, Je ne suis pas un salaud multiplie les séquences chocs avec un réalisme qui file souvent le bourdon lorsqu'il ne tétanise pas tout simplement. Emmanuel Finkiel pousse le curseur jusqu'à infantiliser son ''héros'' lors d'un procès en forme d'humiliation. Une séquence s'attardant uniquement sur le visage décomposé de Nicolas Duvauchelle. Je ne suis pas un salaud, c'est du grand cinéma à la française débarrassé de tous les chichis inutiles propres au cinéma américain. Une expérience intense pour une œuvre remarquablement bouleversante...

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...