Toujours prompt à nous
servir des œuvres cinématographiques complexes versant à profusion
dans le sexe et le sang, le réalisateur japonais Sion Sono se
lâchait une nouvelle fois en cette année 2016 avec Antiporno
(Anchiporuno).
Œuvre très graphique situant principalement son intrigue dans une
pièce unique, entièrement peinte en jaune, couvertes de toiles...
jaunes elles aussi, que vient tout juste perturber des toilettes
rouges où s'y déplace l'héroïne non pas pour chier ni pisser,
mais vomir. D'une durée inhabituelle chez Sion Sono puisque ne
dépassant pas les soixante-seize minutes, Antiporno
semble de part sa courte durée confirmer de l'utilité de prendre
son temps avec son histoire et ses personnages. Dépasser les cent
minutes réglementaires, c'est s'assurer la pleine compréhension
d'un récit voguant au grès de l'esprit apparemment tourmenté de
son auteur. On en viendrait presque en effet à se demander ce qui ne
va pas chez le réalisateur et scénariste japonais. Ce qui ne tourne
pas rond dans sa tête. Quand bien même Sion Sono fait
unilatéralement subir les pires outrages à ses interprètes
féminines sous couvert d'un passé généralement traumatique, c'est
peut-être dans le sien qu'il faut chercher la clé des délires
qu'il déverse pour l'inconfort des spectateurs qui oseraient se
brûler les yeux et se rendre sourds devant l'hystérie collective
qui s'empare de ses personnages. Des parents sévères et une
éducation stricte ont donc sans doute façonné l'esprit chez un
fils devenu un cinéaste au propos souvent nihiliste. Que faut-il
donc comprendre derrière Antiporno ?
Quel message se cache derrière un titre qui laisse entendre que nul
acte sexuel explicite n'y sera perpétré ? Difficile de
répondre à cette question tant le récit semble se rapprocher d'un
exercice de style visuel contemporain flamboyant, mais au discours
embrouillé. Il se cache pourtant derrière l'histoire de Kyoko
(l'actrice Ami Tomite), jeune artiste-peintre et romancière à
succès, un passé traumatisant que Sion Sono explore à travers des
tableaux déviants, ultra-colorés (les décors de Takashi Matsuzuka
et la photographie de Maki Itō explosent littéralement les rétines)
et des lignes de dialogues foisonnantes d'un imaginaire tantôt
graveleux, tantôt poétique...
Faux-semblants
et flash-back s'imbriquent dans un récit qui explore l'état mental
de son héroïne, son passé et un présent qui fait la confusion
entre le réel et la fiction. Le film est produit par le groupe de
cinéma japonais Nikkatsu
Corporation dont
la spécialité est depuis le courant des années soixante-dix, le
Pinku Eiga
ou, Roman-Porno.
Une qualification trompeuse puisque les films qui en résultent sont
davantage portés sur l'érotisme que sur la pornographie. C'est donc
ici le cas avec Antiporno
dans lequel une certaine idée dépravée du sexe est évoquée.
Humiliation, flagellation et asservissement sont au cœur d'une œuvre
qui percute autant visuellement que par le propos qu'elle assène et
qui renvoie souvent aux travaux précédents de l'auteur de Strange
Circus
dont nous retrouvons quelques bribes à travers cette existence
imaginaire en marge que s'est créée l'héroïne du récit. Mais
plus que le simple étalages de propos salaces et d'actes sexuels
simulés par de superbes interprètes japonaises, le long-métrage de
Sion Sono est le parfait exemple de récit auquel le réalisateur et
scénariste s'emploie depuis des années. Faire vivre et évoluer ses
personnages dans des univers fantasmagoriques tout en prenant soin de
ne point trop perdre ses spectateurs à travers des révélations
certes bouleversantes, mais que l'on a, à force, appris à
anticiper. Sion Sono continue ici son ''petit'' bonhomme de chemin en
explorant de nouvelles facettes d'un art porté sur la sexualité de
ses personnages généralement féminins. Des tabous qu'il met en
image et en lumière. Douze années après avoir évoqué le
difficile sujet de l'inceste avec le formidable et outrancier Strange
Circus (Kimyô
na Sâkasu)
en 2005, Sion Sono n'a pas lâché la bride d'un style qui
n'appartient qu'à lui. En résulte une véritable œuvre d'art,
difficile à dompter, que l'on déconseillera tout de même aux
novices, curieux de découvrir le cinéma de cet électron libre du
cinéma japonais, au profit, sans doute, d'une œuvre plus ''légère''
ou du moins, beaucoup plus accessible...
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