Après avoir découvert
il y a quelques années l'univers du cinéaste japonais Kōji
Wakamatsu à travers trois de ses longs-métrages (Quand
l'embryon part braconner de 1966, Les Anges violés
de 1967 et Va, va, vierge pour la deuxième fois de
1969), j'ai aujourd'hui choisi de parler de Piscine
sans eau
qu'il réalisa bien longtemps après, en 1982. Passant du noir et
blanc à la couleur, Kōji Wakamatsu n'en continue pas moins de
maltraiter ses protagonistes dits du sexe faible puisque la jeune et
jolie Jun (l'actrice Mie) y sera d'emblée la victime de deux hommes
qui tenteront d'abuser d'elle un soir avant que n'intervienne un
homme dont on ne connaîtra pas le nom (l'acteur Yūya Uchida).
Tardant d'ailleurs à intervenir, le comportement de l'individu
apparaîtra très rapidement ambigu. Marié, père de deux enfants et
poinçonneur dans une station de métro, on l'observe regardant avec
insistance le corps dénudé de sa petite fille qui vient tout juste
de sortir de son bain. Kōji Wakamatsu ose ainsi la transgression et
ira même jusqu'à faire commettre l'un des actes les plus terribles
qui soient sur une serveuse de restaurant par son principal
protagoniste. Ce que le spectateur pourra également examiner est le
comportement du père vis à vis de son fils usant de protocoles
spécifiques à sa passion pour l'entomologie, lesquels donneront à
cet ''homme sans nom'' 'l'idée d'employer une méthode similaire
afin d'endormir sa future proie et ainsi assouvir sa nouvelle passion
pour le viol sur la personne de Nerika (Reiko Nakamura), la dite
serveuse. Kōji Wakamatsu inflige à son œuvre et donc aux
spectateurs un rythme relativement lent qui préfigure l'état de
délabrement intellectuel et sociétal de son ''héros''. Un individu
qui jusque là semblait avancer dans la vie sans but précis et sans
passion. Là où Piscine sans eau
peut incommoder le spectateur est dans la manière qu'a le
réalisateur d'aborder le viol, le violeur, et sa victime...
Kōji
Wakamatsu crée en effet une sorte de connexion entre l'homme et
Nerika qui perdure bien au delà du simple acte sexuel. Endormie à
l'aide de chloroforme dont son bourreau use de manière assez peu
conventionelle (pas de chiffon imbibé de produit mais l'introduction
à travers un petit trou pratiqué dans un interstice permettant au
liquide de s'évaporer et ainsi faire effet sur la proie), Nerika
s'éveille chaque matin sans savoir ce qu'elle a subit. Quelques
réminiscences qu'elle met sur le compte de rêves récurrents et
dont elle semble facilement s'acclimater. Le réalisateur japonais
offre cependant au violeur une certaine humanité à travers la
relation d'amitié qu'il entretient avec celle qu'il a sauvé au tout
début du récit. Genre : ''voyez
comme cet homme est bon. Comme il a sauvé Jun de ses bourreaux et
comme désormais il prend soin d'elle...''.
Drame teinté d'érotisme, voire d'onirisme, Piscine
sans eau
bénéficie de gros plan sur le corps dénudé de ses interprètes
féminines, s'attardant sur les épidermes en sueur, sur les lèvres
charnues, les poitrines, les fesses ou les cuisses. Dans un silence
presque religieux, l'homme s'active, masqué, abusant d'une Nerika
endormie. Kōji Wakamatsu floute (quand d'autres usent de mosaïques)
les sexes pour cause de présence de poils pubiens. Car c'est moins
la présence de verges ou de vulves qui empêche l'homme occidental
d'admirer les corps dans leur entièreté que le sort qui au Japon
est accordé aux œuvres qui osent faire fi de la censure. Malgré
tout, le film sent le souffre ainsi qu'une luxure relativement
incommodante. Faisant des viols répétés sur Nerika le nouveau mode
de vie de l'homme, Kōji Wakamatsu traite le récit sous forme de
''passion dérangée''. Entre un violeur qui va jusqu'à préparer le
petit déjeuner à sa victime avant de quitter la demeure et une
Nerika qui semble peu à peu se satisfaire de cette étrange et
énigmatique situation. Ambiance cotonneuse, parfois crépusculaire,
voire morbide et érotisme déviant constituent le plat de résistance
d'un long-métrage qui demeure parmi les plus remarquables œuvres de
leur auteur...
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