Au Japon, les ères
correspondent à des périodes calendaires d'un nombre irrégulier
d'années concentrée sur diverses périodes allant de 250 (Période
Yamato) jusqu'à aujourd'hui (période Reiwa). Le Japon contemporain
portant ce nom depuis 1989, il n'est donc pas encore question pour le
réalisateur Kôji Wakamatsu d'évoquer cette période de l'Histoire
de son pays avec le premier volet de la trilogie Nihon bôkô
ankokushi : Ijôsha no chi (ou Histoire de la Violence
de l'Underground japonais I, le Sang de l'Homme
étrange).
L'auteur prolifique de Quand l'embryon part
braconner
ou des Anges Violés
qui en cette seule année 1967 réalisa pas moins de huit moyens et
longs-métrages signait avec le Sang de l'Homme
étrange,
une œuvre dont la richesse thématique donne encore le tournis de
nos jours. D'autant plus que son âge ne semble pas avoir eu
d'emprise sur la cruauté avec laquelle le réalisateur a entreprit
de nous conter les mésaventures d'un village et de ses habitants
jusqu'à des sources ''maléfiques'' qui remontent à l'ère Meiji
(1868-1912). Après une séquence d'ouverture lors de laquelle un
homme est mis en prison après avoir violé une jeune femme lors
d'une partie fine, le détective en charge de le faire arrêter Tadao
Sakuma (l'acteur Shôhei Yamamoto) est pris d'une soudaine envie de
retourner dans son village natal...
Le
même dont est originaire Yoshio Kanbara, le violeur en question. Non
pas pour y passer des vacances mais pour comprendre ce qui depuis un
siècle maintenant tourmente ce village dont certains habitants se
sont rendus à travers le temps coupables de divers méfaits. Tout
débute alors réellement il y a tout juste cent ans. Déchu de son
statut dans la seconde cavalerie du domaine de Choshu et condamné à
vivre attaché dans l'une des grandes du village, Genshichi est
régulièrement humilié par les hommes et les cavaliers qui s'y sont
installés. Jusqu'au jour où il parvient à se défaire de ses liens
et décide de se venger en s'en prenant à un certain Yoichi Kanbara
dont il violera l'épouse devant ses yeux. Se sachant condamné,
Genshichi y ira retrouver son épouse Saki et avec elle, se suicidera
par arme blanche. Voici donc comment démarre cette curieuse
malédiction qui traversera les époques, de l'ère Meiji jusqu'à
l'ère Shôwa en passant par l'ère Taishō. Chaque période de
l'époque de l'Empire du Japon donnant naissance à un monstre. L'une
des particularités du Sang de l'Homme étrange
provient
du fait que les divers criminels tous issus du même sang et les
femmes du clan Kanbara sont tous interprétés par Masayoshi Nogami
et Akiko Yamao. Avec ce long-métrage, Kôji Wakamatsu offre
plusieurs grilles de lecture. Si de nos jours l'affection dont
semblent être atteints Yoichi, Yorichi et Yoshio Kanbara sera
considérée d'ordre mental, le film du réalisateur reposant sur le
scénario de Izuru Deguchi (de son vrai nom Masao Adachi) offre
d'autres possibilités. Comme une maladie coulant véritablement dans
les veines des protagonistes qui pour le coup, seraient possiblement
''innocents'' des viols et des meurtres qu'ils commettent...
Mieux :
pourquoi ne pas envisager cette ''malédiction héréditaire'' comme
la manifestation d'un quelconque esprit ou démon malveillant
apparaissant au grand jour sous l'apparence d'hommes tout à fait
banals ? De plus, comme l'évoque le récit à travers les trois ères
de l'Empire du Japon, cette tare qui touche le violeur d'origine et
sa descendance (Yoichi, Yorichi et Yoshio sont effectivement les
fruits de viols de leur propre génitrice) ne fait pas l'objet d'un
travail d'analyse uniquement porté sur les petites gens mais comme
le démontre brillamment Kôji Wakamatsu, l'argent ne fait pas tout
et prouve que même une vie misérable ne suffit pas à faire d'un
individu un violeur cruel et sanguinaire. Passant allégrement du
noir et blanc à la couleur, ce premier volet de la trilogie Histoire
de la Violence de l'Underground japonais fera
le bonheur des fans du cinéaste japonais puisque l'on y retrouve son
emploi de la violence envers les femmes dans un contexte historique
qui le démarque pourtant, au hasard, d'un Quand
l'embryon part braconner dont
le contexte était nettement plus contemporain. Notons que Histoire
de la violence de l'underground japonais 2 : le violeur (Zoku
nihon boko ankokushi bogyakuma)
verra le jour la même année tandis qu'il faudra patienter trois
années supplémentaires pour découvrir en 1970 le troisième et
dernier volet intitulé Histoire de la violence
de l'undergound japonais 3: la bête haineuse (Nihon
bôkô ankokushi: Onjû)...
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