Intriguant les trois
premières minutes, chiant les cent-trente sept restantes, ce qui
paraissait être à l'origine l'objet d'une certaine curiosité prend
malheureusement très rapidement l'allure d'une œuvre insipide
s'acharnant dans un domaine alors même qu'elle aurait mérité, au
mieux, un format court d'une poignées de minutes seulement. Quoi de
mieux que de citer la fameuse phrase du Père Noël est une
ordure
de Jean-Marie Poiré dans lequel le génial Jacques
François prononçait ceci : ''Mais
qu'est-ce que c'est qu'cette matière? C'est d'la merde?''.
Question à laquelle le spectateur affligé d'assister au spectacle
en cours répondrait : ''Non !
C'est Skinamarink
du réalisateur canadien Kyle Edward Ball''.
Un long-métrage dont l'unique qualité serait de permettre à tout
pourfendeur de la purge d'Oren Peli Paranormal
Activity
de lui permettre de retrouver un semblant de dignité en révisant
son jugement passé. L'amuseur public Laurent Baffie ne se doutait
sans doute pas que dix-neuf ans après son unique long-métrage Les
clefs de bagnole,
son accroche aussi osée que périlleuse siérait parfaitement à une
œuvre d'origine canadienne. Car si le film du français est loin
d'être la merde qu'il se permettait lui-même d'affirmer (avec tout
le sens de l'humour qui est le sien), rien n'est en revanche plus
vrai que pour Skinamarink.
Un film (dit) d'horreur, expérimental, et qui au vu des choix
artistiques et narratifs de son auteur n'est très clairement pas
réservé au grand public mais plutôt à celles et ceux qui adorent
se faire du bien de la main droite (ou de la gauche) devant des
œuvres cinématographiques ''d'obédience'' arty !
Si
dans ses premiers instants le long-métrage de Kyle Edward Ball rend
forcément curieux par son aspect non-coutumier du septième art, ce
qui au mieux ne paraissait pas devoir aller au delà des quelques
premières minutes persévère malheureusement jusqu'au terme d'un
récit où l'absence d'enjeu véritable confine l’œuvre au fin
fond des abysses. Ceux d'un cinéma que n'osent pourtant généralement
pas fouler les spectateurs plutôt avides de conformisme mais dans
lequel les amateurs de nanars et de séries Z se complaisent !
Sauf que Skinamarink n'arbore
ni la facilité des spectacles familiaux, ni le charme de ces bobines
qui se prennent au sérieux tout en livrant un spectacle désopilant.
Le film est une longue plainte non pas formulée par ses interprètes
dont nous ne verrons qu'une paire de jambes à quelques occasions
mais par le spectateur, ivre de retrouver un semblant de rythme et
d'histoire dans un scénario qui n'a d'utilité, ici, que le nom.
Skinamarink est
aussi passionnant que de se laisser convier à une soirée
diapositives organisée par de parfaits inconnus ! C'est sans
ironie aucune que l'on évoquera le fait que la forme ne rejoint pas
le fond. En effet, le but ultime de l’œuvre semble être pour le
réalisateur de renvoyer son ''exercice de style'' aux peurs
enfantines. Ces terreurs nocturnes pouvant prendre diverses formes.
Si l'on peut citer parmi les plus sordides la visite régulière d'un
parent incestueux dans la chambre d'un enfant ou parmi les plus
terrifiantes ces cauchemars récurrents qui réveillèrent n'importe
lequel d'entre nous en sursaut et en sueur, Kyle Edward Ball convoque
un autre type d'effroi : la peur du noir et de l'abandon
parental dans un contexte très particulier.
Évoquant
sans doute involontairement l'excellent roman de Serge Lehman Le
haut-lieu
dans lequel la visite d'un appartement au sein duquel pièces et
portes disparaissaient sous forme de trompe-l’œil se transformait
en véritable cauchemar, Skinamarink
met en scène deux enfants en bas âge se retrouvant seuls et isolés
dans la demeure familiale tandis que leur parents disparaissent sans
raison apparente. Filmant son œuvre avec insistance au niveau de la
moquette si bien que l'on a parfois l'impression de sentir les odeurs
de pieds des propriétaires, le canadien persiste à cadrer son film
sous des angles inhabituels. Corniches, plinthes, angles de portes et
de fenêtres, il n'y a guère que les séquences lors desquelles Kyle
Edward Ball fixe l'objectif de sa caméra sur un petit poste de
télévision à tube cathodique et au format 4/3 pour nous garder
éveillés. Rares occasions, parfois, de donner libre cours à une
certaine imagination (la séquence d'un dessin animé tournant en
boucle). Alors même que le principe devrait contraindre le
spectateur à demeurer aussi éveillé que ses protagonistes (Lucas
Paul, Dali Rose Tetreault pour les enfants, Ross Paul et Jaime Hill
pour la voix-off des parents), la lenteur du récit cause l'effet
inverse et pousse le spectateur à plonger corps et âme dans les
bras de Morphée. Visuellement, le spectacle est d'emblée
satisfaisant, avec une approche esthétique désuète plutôt
séduisante. Un intérêt qui malheureusement retombe très
rapidement comme un flan tant le réalisateur semble être incapable
de mettre en œuvre ses ambitions. Véritable antithèse d'un Natural
Born Killers
réalisé presque trente ans plus tôt par Oliver Stone et
constituant à l'époque un véritable prodige en terme de montage
ultra-cut, Skinamarink oscille
entre travelling mous, passant de la droite de l'écran à la gauche
et vice-versa à la manière d'une caméra de surveillance, à la vue
subjective dont l'emploi unique d'une lampe-torche éclairant des
surfaces fadasses ne fera que vous abîmer les yeux. Terne, sans
véritables enjeux, d'un lenteur abyssale, Skinamarink
ferait
presque passer le très prétentieux A Ghost
Story
de David Lowery (2017) pour un film d'action ! À réserver à
celles et ceux qui aiment s'extasier et bavarder dans des galeries
d'art devant des œuvres qui ne ressemblent à rien, flûte de
champagne à la main...
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