Lorsque l'on veut se
faire une soirée de franche rigolade entre potes ou en solo, avec ou
sans alcool, sous l'influence de stupéfiants ou tout à fait sobre,
Downrange
de Ryûhei Kitamura c'est... comment dire... du pain béni !
Inutile de trop forcer sur les paradis artificiels pour se rendre
compte combien ce petit thriller/film d'horreur traîne derrière lui
tout un cheptel de casseroles. Je ne sais pas ce que valent les
œuvres du réalisateur japonais lorsqu'il tournait dans son propre
pays, mais depuis que le cinéma de Ryûhei Kitamura a émigré vers
les États-Unis, le bonhomme a tourné quelques séries B horrifiques
particulièrement notables pour leur relative médiocrité. Mais si
The Price We Pay
était mauvais et ne permettait quasiment pas au spectateur de se
raccrocher au moindre centre d'intérêt, ceux sont les défauts
inhérents et permanents de Downrange
qui rendent la chose si attachante. Mise en scène, scénario,
interprétation, effet-spéciaux et... crédibilité sont sans cesse
remis en question. Avec un tel synopsis (six jeunes gens se
retrouvent coincés sur une route de campagne lorsqu'un inconnu tire
sur l'un des quatre pneus de leur véhicule, ces derniers devenant
ainsi les cibles de ce tueur implacable...), le long-métrage de
Ryûhei Kitamura avait peu de chance d'attirer l'attention des
intellectuels du septième art mais une forte probabilité
d'intéresser les amateurs de séries B horrifiques pas trop
regardant sur la vraisemblance et sur les aspects techniques de
l’œuvre en question. Commençons par ce que le genre en lui-même
a théoriquement le plus à offrir : du sang, des tripes et de
la cervelle...
En
la matière, Downrange est
plutôt généreux. Une explosion de tête par-ci, une énucléation
par là. Une autre tête écrasée sous l'action d'un véhicule lui
passant dessus ou un corps s'embrasant un peu plus tard.
L'hémoglobine coule à flots... Des hectolitres de sang pour des
dizaines d'impacts de balle éclatant une boite crânienne,
provoquant des dégâts considérables sur des jambes, des bras, des
torses, le tout enrobé par des fontaines d'un sang dont la texture
et la couleur demeurent malheureusement incompatibles avec ce qui
coule réellement dans les veines d'un homme. Trop rouge ou orange,
trop épais pour convaincre. Le scénario : Dans ce genre de
long-métrage, au pire il n'y en a pas, au mieux, il tient sur une
seule ligne. Celui de Downrange
a ''heureusement'' pour lui la chance d'en avoir un, si petit soit-il
(remontez lire la phrase enfermée entre deux parenthèses si jamais
elle vous a échappée). Dans la grande traditions des scripts qui
tiennent sur une feuille de papier à cigarettes, celui-ci est donc
des plus sommaire. La totalité du film se déroule à l'arrière
d'une voiture accidentée derrière laquelle nos jeunes adultes
restent planqués tandis qu'un tireur d'élite camouflé au sommet
d'un arbre tente de les tuer les uns après les autres. Débute alors
une série d'invraisemblances : si d'emblée certains angles de
tir s'avèrent incohérents, le plus remarquablement grotesque
demeure l'attitude des victimes lorsque le tueur les abats tel des
gibiers : les deux premières victimes se figent durant de
longues, trop longues secondes avant de s'effondrer sur l'asphalte.
Et que dire de l'attitude de leurs amis, prostrés dans une posture
impossible à envisager en cas d'agression mortelle !
Imaginez
donc : la blonde de service, une balle figée dans la tête
après avoir éclaté l'orbite de son œil droit, toujours debout,
main tendue vers ses amis qui de leur côté n'expriment quasiment
aucune émotion si ce n'est une moue permettant d'apprécier le
médiocre jeu d'acteur de tel ou tel interprète. Rod Hernandez (dans
le rôle de Todd) arbore un faciès grimaçant, tel un enfant devant
une assiette de choux de Bruxelles. Dans un même ordre d'idée,
Kelly Connaire dans le rôle de Jodi et Stephanie Pearson dans celui
de Keren lui tiennent la dragée haute en incarnant avec peu de
crédibilité leur personnage. Peu ou pas du tout expressif, leur jeu
sonne faux de la première à la dernière minute. Mais au fait !
Que se passe-t-il ? Six jeunes gens et un seul d'origine
afro-américaine (Anthony Kirlew dans le rôle d'Eric) ? Pas de
couple lesbien ou gay ? Pas de végétarien ni de végan ?
À l'orée du wokisme, Downrange échappe
aux nouvelles normes même si Ryûhei Kitamura semble prendre des
pincettes lorsqu'il s'agit d'évoquer la fin tragique du seul black
du récit puisque l'on n'assistera jamais directement à sa
mort contrairement à celle de ses compagnons. Faut quand même
pas exagérer. Se concluant lors d'une phase nocturne précédée
d'une pléthore de séquences plus absurdes les unes que les autres (
parmi lesquelles un montage foireux à l'arrivée d'un second
véhicule dont les passagers ''s'éveillent'' à tour de rôle à la
suite de leur propre accident), le film finit de convaincre que le
réalisateur japonais à soit un sens de l'humour (noir) démesuré,
soit une incapacité crasse à faire évoluer ses personnages dans un
contexte de tension crédible. Comme en témoigne justement le final,
aussi improbable que jouissivement grotesque. Bref, le long-métrage
de Ryûhei Kitamura est une perle, méritant humblement le statut de
nanar. Une comédie horrifique qui apparaît visiblement
involontaire. Sortez verres et bouteilles d'alcool, commandez pizzas
ou plats à emporter. La soirée risque d'être longue... mais fort
divertissante...
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