Les frère et sœur
Ruckus et Lane Skye collaborèrent pour la première fois sur le
tournage du court-métrage The 7 sevens
en 2015 avant de se retrouver sur celui de Reckoning
(ou The Devil to Pay)
quatre années plus tard, passant ainsi du court au long format. Se
déroulant dans la chaîne de montagnes des Appalaches, les deux
réalisateurs signent une œuvre au sujet relativement classique mais
dont la plus grande des qualités réside dans la formidable
interprétation de l'actrice afro-américaine Danielle DeadWyler.
Elle y incarne en effet le personnage de Lemon, mère du petit Coy
(Ezra Haslam) et épouse d'un homme qu'elle n'a pas revu depuis un
certain temps. Alors que la jeune femme inculque à son enfant de
remarquables valeurs, la tranquillité semble bien fragile au sein de
cette petite famille dont la seule véritable charge est de payer un
impôt si Lemon veut que la propriétaire de la demeure où elle et
son fils logent soit toujours pourvue en électricité. Mais ce dont
ne se doutait pas la jeune femme, c'est le vol dont s'est rendu
coupable son mari. Sans doute la raison pour laquelle il n'est pas
reparu. Une montre à laquelle tient de son grand-père une certaine
Tommy Runion (l'actrice Catherine Dyer) et qu'elle désire grandement
récupérer. Mais comme l'époux de Lemon a disparu, charge à elle
de retrouver la montre et de la rendre à sa propriétaire. À défaut
de quoi, Coy sera tué et enterré aux côtés de sa mère... Voilà
pour le pitch. Et comme je l'écrivait plus haut, le déroulement du
récit s'avère relativement classique puisque logiquement très
attachée à son fils, l'héroïne ne va bien évidemment pas se
laisser dicter sa conduite. D'autant plus qu'après avoir découvert
que son époux était sans doute mort (la voiture de celui-ci est
retrouvée dans une forêt et montre les stigmates d'un acte sanglant
dont il a été probablement la victime), Lemon n'aura d'autre choix
que de tout faire pour préserver sa vie ainsi que celle de son fils.
Face à elle, une famille, un clan. Et à la tête duquel l'on
retrouve donc l'actrice Catherine Dyer, glaçante et caractérisée
par un calme et un sourire qui ne laissent rien présager de bon. Le
genre de dingue trompeusement détachée qui parcourt régulièrement
le cinéma horrifique et qui trouve ici son plein emploi...
Reckoning est
non seulement l'occasion de croiser quelques rednecks (qu'il se
vêtissent de costumes-cravates ou qu'ils portent barbes et
casquettes à l'envers, rien ne les distingue vraiment
intellectuellement les uns des autres) et même une curieuse
communauté vivant dans les bois sous des abris de fortune. Ce qui
paraît d'ailleurs n'être qu'un détail participera en fait du
projet ''d'émancipation'' de l'héroïne face à sa propriétaire.
Tout le dit projet coïncide d'ailleurs avec l'histoire que va conter
au départ la mère à son enfant et qui ensuite prendra
véritablement forme sous le regard bienveillant du spectateur qui
passera son temps à se soucier de Lemon, personnage attachant,
admirablement campé par Danielle DeadWyler, laquelle exprime avec
véracité tout un panel d'émotions. Attendrie ou ''sévère'' vis à
vis de Coy, inquiète et distante vis à vis de la propriétaire et
des membres de sa famille. Les quelques séquences se situant dans
cet espèce de dépotoir dirigé par un illuminé et ses ouailles
transmettent une curieuse atmosphère. Une proto-fin du monde
annoncée à travers le timbre de voix de l'acteur Tim Habeger qui
d'abord inquiète avant de montrer son authentique ferveur envers ses
croyances. Hors caméra, le récit est ponctué de quelques séquences
assez violentes. Coups de bâton, de fusil à pompe, de revolver et
jets de vitriol sont au programme d'une œuvre qui ne choisit
pourtant pas la facilité en exhibant ses personnages dans des
situations atroces (le son de l'agonie que subit l'un des membres de
la famille Runion suffit à imaginer ce qu'il endure) mais préfère
les rapports humains quitte à prendre parfois son temps. L'exotisme
ne demeure pas dans le seul cadre des Appalaches ou de cette étrange
communauté mais également dans la partition musicale de l'acteur,
photographe mais ici surtout guitariste Brad Carter qui nous gratifie
de quelques mélodies au banjo qui rappelleront peut-être à
certains spectateurs la tragédie des héros de Délivrance
de John Boorman ou celle de Sans retour de
Walter Hill. Ne serait-ce que pour Danielle DeadWyler, Reckoning
vaut vraiment le coup d’œil. Pour elle, mais aussi pour le
reste...
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