S'il n'est pas tout à
fait inenvisageable qu'un jour Johan Lundborg retourne à la
réalisation d'un long-métrage, le suédois n'a en tous les cas rien
tourné depuis ce Isolerad
de 2010. Contrairement à son compatriote Johan Storm qui se
manifesta en 2018 à travers le court-métrage East-West-Side
Story et
avec lequel il réalisa ce huis-clos sans doute pétri de maladresses
mais également doté de certaines qualités. Un long-métrage que
l'on rangera aux côtés de certaines œuvres paranoïaques situant
leur action dans des environnements restreints. S'il n'atteint pas la
qualité des chefs-d’œuvre de Roman Polanski Répulsion
et Le locataire,
Isolerad
(bêtement mais tout de même logiquement traduit chez nous sous le
titre Terreur à domicile)
met en scène l'acteur Emil Johnsen dans le rôle du jeune étudiant
en médecine Frank. Un type pas vraiment facile d'accès et tellement
obnubilé par ses études qu'il en oublie de se sociabiliser avec les
autres. Un trait de caractère qui semble spécifiquement se
rattacher au futur métier du jeune homme comme en témoignent ces
séquences d'autopsie montrant des étudiant impassibles devant la
mort et les actes de chirurgie pratiquée sur des cadavres. Le
scénario et la mise en scène de Johan Lundborg et Johan Storm
instaurent un climat étrange. Presque glaçant, ponctué par la
discrète partition musicale du compositeur Jukka Rintamäki. Des
nappes froides, électroniques, mimant un air glacial et hivernal que
n'arrange certainement pas l'appartement dans lequel vit Frank. Un
environnement construit, ou du moins, filmé de telle manière que
l'on a l'impression que chaque propriétaire ou locataire est isolé
de ses voisins. Et à contrario, le bruit que subit le jeune
étudiant de la part des voisins qui vivent au dessus de son
appartement crée une proximité génératrice d'un certain malaise.
Débarque alors la locataire qui vit justement à l'étage supérieur.
Tout le contraire de Frank. Sociable au point ''d'envahir'' le
quotidien du jeune homme, Lotte (l'actrice Ylva Gallon) pénètre son
intimité, s'incruste chez lui et bouleverse ses habitudes. D'autant
que la jeune femme vit avec un homme violent qu'interprète l'acteur
Peter Stormare dont la présence à l'écran va s'avérer tardive.
Son absence régulière du champ de la caméra participe du climat de
paranoïa qu'instaure le duo de réalisateurs. Frank se retrouve
alors ''piégé'' dans son propre appartement. Et ce qui pouvait
apparaître comme de simples ''jeux érotiques'' entre une femme et
son amant sera traduit par des actes de violence là encore produits
tantôt par des éclats, tantôt par des murmures.
Isolerad traduit
l'attitude d'un individu faussement marginal, évitant tout contact
extérieur avec les autres étudiants, vivant quasiment reclus chez
lui, le nez plongé dans l'étude d'ouvrages médicaux, mais qui par
la force des choses va se retrouver contraint de venir en aide à la
voisine du dessus. Et ce, avec des moyens qui ne valorisent pas le
jeune homme. En effet, pour Johan Lundborg et Johan Storm, Frank
n'est pas de ces êtres qui se parent des oripeaux des (supers)héros.
Bien au contraire. Pleutre, fuyant devant l'adversaire, le film le
met en scène dans des situations qui le montrent décampant à
chaque alerte. Il est donc difficile de s'attacher à ce personnage.
L'espoir de voir le héros se sociabiliser est en pure perte. Car
même si la froideur du personnage laisse parfois place à ce sourire
qui lui fait souvent défaut, l'arrivée de Lotte dans son existence
va l'enfoncer toujours davantage dans le mutisme et l'emprisonner
entre les quatre murs de son appartement. L'on regrettera le trop
petit temps de présence de Peter Stormare à l'écran. Car même si
les deux réalisateurs jouent justement, et tout d'abord, sur
l'absence d'identité précise du compagnon violent afin d'accentuer
le climat de terreur que dégage en théorie l'intrigue, c'est au
moment de sa découverte et donc de son apparition à l'image que
l'on regrette de ne pas l'avoir ''rencontré'' plus tôt. Maladroit
sous ses airs de petite série B un peu fauchée, Isolerad
possède les traits de caractère de toute petite production
ambitieuse coincée par un budget restreint. Mais en même temps, la
''rusticité'' des décors, la mise en scène parfois grossière et
la lente montée d'adrénaline participent de ce malaise
véritablement prégnant que se dégage de ce drame social et
clinique se muant dans son dernier acte en thriller hitchcockien plus
ou moins crédible. L'on notera un maniérisme dans l'accomplissement
de certaines séquences. Les habitudes quotidiennes filmées à la
manière des prises de drogue du chef-d’œuvre de Darren Aronofsky
Requiem for a Dream
(tout comparaison s'arrêtant là). Bancal mais généreux, Isolerad
reste
une curiosité nordique pour amateurs de huis-clos paranoïaques...
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