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lundi 19 décembre 2022

Memories of Murder de Bong Joon Ho (2003) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Second long-métrage du réalisateur sud-coréen Bong Joon Ho après Flandersui Gae en 2000 et bien avant Okja en 2017 ou Parasite en 2019, Memories of Murder (Salinui Chueok) est peut-être l'un des plus grands thrillers à avoir vu le jour jusqu'à maintenant en Corée du Sud. L'un de ces films monumentaux dont les réalisateurs de ce pays divisé en deux depuis 1945 semblent être les seuls à détenir les secrets. Pour commencer, Memories of Murder n'est pas seulement un pur produit du genre puisque Bong Joon Ho y injecte comme souvent chez ses semblables une bonne dose d'humour qui dans le cas présent n'est pas pour déplaire vu le contexte particulièrement tendu de l'affaire à laquelle vont être confrontés les principaux protagonistes. En effet, au centre du récit se situe une poignée d'hommes chargés d'enquêter sur une série de viols suivis de meurtres. De jeunes femmes sont effectivement retrouvées mortes dans des champs avoisinant une petite ville de campagne. Une approche particulière, surtout lorsque l'on sait que le récit est basé sur un fait-divers authentique ayant eu lieu dans le milieu des années quatre-vingt en Corée du sud. Une affaire complexe et irrésolue qui sert donc de terreau à un thriller ponctué de séquences drôles au seins desquelles cabotinent, se confrontent et s'engueulent en outre les acteurs Kim Sang-kyung et Song Kang-ho. Ce dernier demeure sans doute l'un des plus célèbres interprètes sud-coréens de sa génération avec lequel Bong Joon Ho a tourné à diverses reprises et que l'on a pu également découvrir chez l'un des autres grands cinéastes du cinéma sud-coréen, Park Chan-Wook. Dans la grande tradition du cinéma policier, Memories of Murder impose un duo de flics que tout ou presque oppose. Le réalisateur ainsi que ses scénaristes Kwang-rim Kim et Sung-bo Shim poussant le contraste à l'extrême en introduisant un flic venant tout droit de la capitale coréenne et l'opposant à une brigade installée à la campagne. Mais comme si cela ne suffisait pas, non seulement le détective Seo Tae-yoon se montre d'une rigueur exemplaire dans le traitement de l'affaire mais le scénario le confronte en outre à un détective Park Doo-man qui de son côté est tout d'abord prêt à faire quelques entorses afin de confondre un pauvre idiot pourtant innocent qui sera fort heureusement écarté de l'affaire : fausses empruntes correspondant à l'individu en question et interrogatoire volontairement dirigé sur des détails qui lui seront révélés trouveront en la personne du détective Seo Tae-yoon, la force de rediriger les investigations dans le bon sens...


Évoluant sur trois décennies, le récit sert d'autres causes que le simple fait-divers puisque l'évolution même des campagnes sud-coréennes se trouve en ligne de mire de l'intrigue. On évoque à ce sujet l'évolution des mœurs et l'empreinte qu'aura notamment laissé derrière lui le flic originaire de Séoul sur la manière d'enquêter de ses nouveaux collègues. Davantage de psychologie et sans doute moins d'actes de violence envers des suspects qui se révéleront au final innocents. Se pose également la question des progrès scientifiques dans le domaine de la recherche de preuves où dans le cas invoqué, la Corée du Sud n'était pas encore pourvue des techniques de prélèvements d'ADN. Accompagné par la sublime partition musicale du compositeur japonais Tarô Iwashiro, Memories of Murder laisse cette même marque indélébile dans la conscience du spectateur que dans celle des inspecteurs chargés d'enquêter sur la série de viols et de meurtres. Ce fort sentiment de désespoir lié à leur incapacité de mettre un nom ou un visage sur le responsable. Bong Joon Ho en tire une œuvre certes parfois drôle (on pense notamment au sens aiguisé du détective Park Doo-man qui d'un seul regard est capable d'identifier un suspect potentiel alors que le réalisateur se moque du caractère ''omniscient'' d'une telle pratique lors de la séquence se situant dans une carrière) mais aussi profondément tragique. Cet aspect du long-métrage montre bien le caractère parfois psychologiquement destructeur du métier d'hommes et de femmes parfois contraints de travailler durant des décennies sur une seule et même affaire criminelle. À ce titre, Memories of Murder par sa grande richesse émotionnelle, renforcé par une mise en scène sobre mais efficace mais aussi et surtout par un tandem absolument convaincant est une très grande réussite. Impossible, donc, de rester de marbre devant cette œuvre aussi humaine qu’empreinte de désespoir. Un authentique chef-d’œuvre...

 

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