S'il existe une divinité
chargée de nous envoyer sur de mauvaises pistes, je veux bien
déposer à ses pieds un monticule d'offrandes avant de les
embrasser... Blackbird
est
l'un des ces films ayant échoué tout à fait par hasard dans ma
vidéothèque alors que je pensais découvrir tout autre chose. Le
film n'ayant rien en commun avec l’œuvre éponyme de Roger
Michell, ce n'est pas deux ans en arrière que l'on remontera mais
jusqu'en 2012, année de la sortie de celui réalisé par le canadien
Jason Buxton. Le premier long-métrage d'une filmographie qui devrait
être très prochainement accompagné d'un second, intitulé Sharp
Corner.
Reposant sur un scénario co-écrit par le réalisateur lui-même
ainsi que par Noel S. Baker, Amnon Buchbinder, Gillian Everill et
Michael Melski, Blackbird
met en scène le jeune Sean Randall. Un adolescent âgé de seize
ans, sans amis ou si peu. Le jeune garçon est victime de certains
camarades de lycée qui l'humilient. Cette branche un peu débile du
milieu scolaire dont les qualités semblent reposer sur ses seules
facultés sportives. Sean est ce que l'on appelle un gothique.
Portant un pentagramme tatoué dans le dos, féru de black metal et
portant sur les épaules son éternel blouson noir clouté, il est
victime de brimades parmi les jeunes joueurs de l'équipe de hockey
sur glace de la ville. En outre, leur capitaine déteste le jeune
garçon qui a tendance à tourner autour de sa petite amie Deanna
Roy. Poussé par une assistance sociale à retranscrire par écrit ce
que l'adolescent ressent au fond de lui, Sean commence à écrire une
histoire autour d'une vengeance. Ses personnages ? Ceux-là même
qui le harcèlent et parmi eux, Deanna, justement. Mais lorsque la
police fait une descente chez son père et découvre sur son
ordinateur ses écrits et dans sa chambre des armes à feu chargées
à bloc de munitions, Sean est arrêté, interrogé, jugé, puis
envoyé dans une prison pour jeunes délinquants...
Là,
débute un long chemin de croix. En effet, Blackbird
qui doit sans doute son nom dans le lien que peuvent entretenir les
goûts musicaux du jeune héros et le nom d'oiseau dont sont en
général affublés les gothiques (que l'on nomme souvent sous le nom
de corbeaux) décrit avec beaucoup de justesse le parcours d'un
adolescent reconnu coupable par la justice américaine d'avoir
projeté le massacre de l'équipe de hockey sur glace de son école.
Un constat établi par le juge et l'avocate de l'accusation ne
reposant pourtant que sur les seuls écrits de Sean. Si le
long-métrage de Jason Buxton ne repose jamais sur des actes de
cruauté visuellement insoutenables, il y a des épreuves
douloureuses que l'on aurait sans doute aimé ne pas voir dans cette
œuvre extrêmement riche de part la diversité de ses thématiques.
Même si de prime abord le film semble engoncé dans tout un fatras
de stéréotypes, il fallait bien que ses auteurs offrent au récit
une base solide et relativement classique pour justifier la plupart
des événements qui s'y produisent. Sans jamais être le moins du
monde rébarbatif, Blackbird
évoque les conditions de certains élèves marginalisés confrontés
à une certaine forme d'uniformisation qui mène irrémédiablement
au clash. Une différence qui isole, et qui sans désocialiser notre
jeune héros formidablement interprété par l'acteur Connor Jessup
l'éloigne malgré tout d'un monde où le moindre écart est
immédiatement sanctionné...
Le
film évoque la relation difficile entre le jeune adolescent et son
père qui durant des années semble n'avoir pas pris le temps
nécessaire pour s'en occuper. Quant à sa mère, elle est partie
refaire sa vie. Objet de fascination, la jeune Deanna Roy
qu'interprète Alexia Fast est au centre des préoccupation d'un Sean
qui prendra des risques insensés pour la retrouver, mettant sa
conditionnelle en danger. Blackbird,
c'est également l'occasion d'une rencontre entre le héros et
Trevor, l'un de ses co-détenus, incarcéré pour avoir assassiné un
faux Père Noël et interprété par le charismatique Alex
Ozerov-Meyer. Jason Buxton signe une œuvre touchante, jamais
voyeuriste ni exhibitionniste. Les quelques sursauts de violence
trouvent leur interaction avec l'ensemble du projet. La mise en scène
du canadien est aussi digne que l'interprétation. On quitte
l'aventure quelque peu désarçonné par le charisme de ses
différents interprètes et par l'attachement quasi instantané que
l'on ressent envers le personnage de Sean... Blackbird
est une formidable expérience de cinéma. Humble et jamais tape à
l’œil. Un cinéma généreux, sans trop d'artifices et
admirablement incarné...
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