Rendons à César ce qui
lui appartient et sur une échelle de dix points, osons placer
Perfetti Sconosciuti de
Paolo Genovese au sommet de la pyramide. En 2016 sortait cette
excellente comédie italienne situant son action lors d'un dîner
entre amis. Lesquels acceptèrent tous de déposer leur téléphone
portable au milieu de la table afin d'étaler au grand jour chaque
message et chaque appel qu'il allaient recevoir durant le cours de la
soirée. Le film devient un véritable phénomène puisque non
content d'être extrêmement divertissant et parfois même
étonnamment émouvant, il a surtout été par la suite l'objet de
nombreux remakes à travers le monde, détenant ainsi le recors dans
le domaine avec plus de vingt adaptations. En France, le réalisateur
Fred Cavayé l'adaptera sous le titre Le jeu
que l'on placera sur la fameuse échelle qualitative, au sixième ou
au septième rang. Sympathique, mais nettement moins surprenant que
l'original. D'autant plus que l'émotion qui se dégageait notamment
d'une séquence au téléphone entre un père et sa fille disparaît
totalement de la version hexagonale. La Russie, la Chine, l’Égypte,
la Corée du Sud, ou encore la Pologne ou la Turquie ont toutes
apporté leur contribution personnelle à cette histoire écrite à
l'origine par Paolo Genovese lui-même. L'Espagne n'étant pas la
dernière à s'y être attelée, c'est le réalisateur Alex de la
Iglesia qui avec Perfectos Desconocidos
a lui aussi à son tour offert sa vision personnelle du concept.
Cinéaste passionnant depuis les tout débuts de sa carrière,
spécialiste de la comédie bon enfant flirtant dangereusement avec
l'humour trash, on a avec lui l'habitude des débordements. Il est
donc particulièrement intéressant de découvrir ce qui à ce jour
demeure son avant dernier long-métrage. Perfectos
Desconocidos,
c'est bien évidemment tout d'abord le plaisir de retrouver le
réalisateur espagnol qui la même année (2017) avait déjà réalisé
la comédie post-apocalyptique El Bar.
Œuvre mésestimée pourtant bourrée de qualités, et typique du
cinéma parfois outrancier de l'auteur du Jour de
la bête,
de Mes chers voisins
ou du Crime farpait.
C'est aussi celui de redécouvrir à l'écran l'acteur Eduardo
Noriega qui fut pratiquement découvert par le réalisateur espagnol
Alejandro Amenábar grâce à son formidable Tesis
en 1996 et que l'on retrouvera notamment cinq ans plus tard dans
l'excellent L'échine du diable
de Guillermo Del Toro...
D'emblée,
le ton de la version espagnole semble un brin plus cru. Dans les
actes mais aussi et surtout dans la parole. Ce qui n'empêche pas les
dialogues d'être particulièrement inspirés. Plus crus mais
néanmoins aussi vivaces que ceux de l’œuvre originale, les
échanges verbaux ne laissent aucun répit aux spectateurs qui
assistent avec délectation à cette partie de ping pong sans temps
morts. On retrouve une partie des personnages de Perfetti
Sconosciuti,
et notamment Pepe, le seul ''célibataire'' de la soirée dont
l'importance est aussi considérable que celle des différents hôtes
qui constituent la tablée. Manque à l'appel l'excellent Santiago
Segura, acteur plus ou moins fidèle du réalisateur espagnol depuis
son premier long-métrage Action mutante
en 1993. C'est d'ailleurs là l'une des spécificités de Perfectos
Desconocidos dans
lequel on ne retrouve aucun des interprètes qu'Alex de la Iglesia
emploie généralement tour à tour. En reprenant un concept
existant, le réalisateur fait peau neuve mais la question que les
fans du cinéaste se posent alors est celle-ci : sera-t-il
parvenu à s'approprier le récit du film italien pour faire sien le
script d'origine ? Chose peu évidente si l'on tient compte du
fait que Perfetti Sconosciuti
produit tellement d'arguments et avec une telle profondeur qu'il
semble à lui seul avoir tout dit. C'est là que le talent d'écriture
d'Alex de la Iglesia entre alors en jeu. Plutôt que d'applquer
stricto sensu
le scénario de Paolo Genovese, l'espagnol en modifie donc le ton
ainsi que de nombreux dialogues. L’éclipse tant attendue de la
Pleine Lune, source de conflits, semble ici à l'origine de
phénomènes qui dépassent la compréhension humaine. Chiens prêts
à s'affronter quelques étages plus bas, véhicules qui entrent en
collision. Il y a bien là un événement inexplicable qui est en
train de se produire ! Pour le reste, Alex de la Iglesia nous
régale en exhibant l'une de ces réunions entre amis qui tournent en
eau de boudin. Entre trahisons, révélations et quiproquos, le film
élude la complexité de mettre en scène un remake et signe une
excellente alternative. Drôle, Perfectos
Desconocidos
ne compte pas les dépenses en calories de ses interprètes qui tous
offrent le meilleur spectacle possible. Pourtant réduit au seul
appartement de ses hôtes, le réalisateur exploite à merveille tout
l'espace mis à sa disposition. Et contrairement au long-métrage de
Fred Cavayé, celui de l'espagnol parvient à faire oublier le temps
de la projection qu'il fut d'abord le remake d'une petite merveille
de comédie italienne... Moins trash et survolté qu'à l'habitude,
on retrouve cependant dans Perfectos
Desconocidos,
la touche ''De la
Iglesia''...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire