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lundi 11 juillet 2022

Keane de Lodge Kerrigan (2005) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Douze ans... Douze ans que Lodge Kerrigan n'a plus donné signe de vie sur grand écran. Douze putain d'années qu'il s'est tourné vers la télévision, signant au hasard quelques épisodes de l'adaptation américaine de la formidable série danoise The Killing. Démarrant sa carrière en 1993 avec l'inquiétant Clean, Shaven et son schizophrène très justement incarné par Peter Greene, le new-yorkais a enchaîné une toute petite suite de longs-métrages consacrant divers portraits dont celui de William Keane, un père désemparé vouant chaque minute de son existence à la recherche de sa fille Sophie, disparue depuis six mois. Errant dans un New York bruyant, balbutiant des propos pas toujours très cohérents (et c'est là que le héros rejoint celui du premier film de son auteur), William interroge les passants, aidé par une coupure de journal représentant sa fille. Un détail intéressant d'ailleurs puisque à priori, on pourrait supposer qu'une véritable photo prise par le père ou par la mère et donc de meilleure qualité pourrait faciliter ses recherches. Filmé en gros plans, soliloquant, prenant à peine le temps de prendre soin de lui avant de se raviser pour être selon ses dires, présentable lorsqu'il retrouvera sa fille, William Keane est un individu réellement touchant qu'interprète avec beaucoup de finesse l'acteur Damian Lewis. Face à lui, des hommes et des femmes qui n'ont presque jamais le temps de lui accorder les quelques instants dont il a besoin pour se renseigner. Et encore, quant il n'est pas l'objet de regards soupçonneux. La bande annonce de Keane résume à elle-seule le degré d'intensité que dégage ce récit aux atours minimalistes mais ô combien passionnants. Comme si le drame qui touchait cet individu était bien réel et qu'une caméra voyeuriste mais jamais moralisatrice s'attachait à suivre un père dans la recherche de son enfant. On espère bien évidemment que William atteindra son but en retrouvant sa gamine même si l'espoir est mince. Pourtant, Lodge Kerrigan nous a déjà prouvé que derrière la gravité d'un sujet (celui, notamment, de Clean, Shaven), il ne fallait surtout pas s'arrêter aux premières impressions...


Il y a moins de monstres lâchés dans la nature que d'individus désespérés.


Afin de coller au mieux au réalisme du contexte, Lodge Kerrigan use d'un fond sonore presque exclusivement diégétique et accorde son récit avec un environnement phonique fourmillant de détails directement liés à la faune new-yorkaise. Le film sera d'ailleurs tourné durant deux mois au cœur de la Grande Pomme, entre le 15 mars et le 15 mai 2004. Le cadre se resserre en permanence autour du visage de Damian Lewis, observant ainsi la totalité du champ des émotions que diffusent ses traits et son regard. De l'aboi jusqu'à cette psychose qui monte peu à peu et qui tend à se rapprocher de plus en plus des crises de démences du héros de Clean, Shaven. Débarquent alors Lynn Bedik et sa fille Kira. Cette dernière est interprétée par l'actrice Abigail Breslin qui débutera quasiment sa carrière à l'âge de cinq ans dans Signes de M. Night Shyamalan. Elle n'en a donc que deux de plus lorsqu'elle apparaît devant la caméra de Lodge Kerrigan tandis que l'actrice Amy Ryan qui interprète sa mère a déjà derrière elle une carrière longue d'une petite quinzaine d'années principalement consacrée au petit écran. On ne peut pas dire que le long-métrage de l'américain transpire la joie de vivre. Mais cette rencontre apparemment salvatrice pour notre héros est viciée par le statut misérable de cette femme et de son enfant contraintes de vivre dans une chambre d'hôtel tandis que son époux est parti gagner sa vie dans une station d'épuration. Pas très glamour, tout ça. Pas plus que l'acte sexuel qu'échangent William et une inconnue sous l'emprise de la coke dans les chiottes d'une boite de nuit. Cette rencontre, c'est aussi l'occasion pour William de se livrer un peu et pour le spectateur d'en apprendre davantage sur lui. Mais si peu qu'on en vient parfois à douter de la véracité de son histoire personnelle. Il faut dire qu'avec Clean, Shaven Lodge Kerrigan nous a habitué à nous méfier des apparences !


Jusqu'à quel point est-on prêt à franchir la limite pour obtenir ce que l'on cherche ?


Filmé caméra à l'épaule, sans chichis, au point que l'on se demande souvent dans quelle mesure les badauds furent au courant qu'eut lieu le tournage d'un film, Keane est une œuvre pesante, porteuse d'un désespoir constant. Le new-yorkais joue à un jeu dangereux avec ses personnages en jouant sur les similitudes qui rapprochent la fille disparue de William Keane de celle de Lynn Bedik. Ne serait-ce le prénom des deux gamines, le scénario et par là même les personnages observent une attitude qui laisserait presque le sentiment au spectateur de revivre par procuration, la reconstitution du drame qu'a vécu le héros. Le simple fait d'aller se laver les mains dans les toilettes d'un fast-food et de laisser la jeune Kira à la table pour un court instant évoquant alors irrémédiablement la tragédie dont seul William fut le témoin puisque d'emblée le spectateur en fut écarté. Aussi simplistes que puissent paraître la mise en scène l'écriture et l'interprétation, Keane déroute avant de dévoiler une issue à l’intérieur même de laquelle il nous semblera devoir déchiffrer un certaine perfidie. Sous ses allures de pur drame indépendant, Keane pose une foule de questions auxquelles le spectateur croit toujours détenir les réponses. Ceux qui, connaissant le travail de Lodge Kerrigan, savent que la chose serait pure perte, pure obstination et pure prétention... Un grand film...

 

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