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mardi 21 juin 2022

Tras el Cristal d'Agustí Villaronga (1987) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

C'est en lançant une recherche sur le Porcherie de Pier Paolo Pasolini que je suis tombé tout à fait par hasard sur le Tras el Cristal de l'espagnol Agustí Villaronga. Un réalisateur qui jusque là m'était parfaitement étranger et dont aucun des longs-métrages qu'il a tourné depuis ses débuts au cinéma en 1987 ne m'était connu. Si d'un point de vue scénaristique le film de l'espagnol et celui de l'italien ne semblent pas entretenir le moindre rapport, on peut en revanche comprendre que l'algorithme du plus célèbre des moteurs de recherche sur Internet ai pu donner un tel résultat. Tras el Cristal est un voyage étrange, maladif, dérangeant et psychologiquement éprouvant. Le genre de long-métrage que l'on s'interdirait à mettre devant le regard d'une jeune progéniture que l'on voudrait initier au septième art. Non pas que l’œuvre d'Agustí Villaronga n'en vaille pas la peine, bien au contraire, mais son approche est telle qu'elle risquerait de marquer profondément celui ou celle qui s'attaquerait au récit de cet étrange duo que forment Klaus et Ángelo. Dans la grande Œuvre du cinéma qui génère le plus d'inconfort, on cite souvent le Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini qui sur l'échelle du ''repoussoir'' sert très souvent de référence. L'horreur humaine dans toute sa laideur mais qui paraît parfois être démesurément décrite comme insupportable. Chacun y trouvera matière à commenter mais votre serviteur aura surtout retenu du projet, ce voyeurisme insoutenable des derniers instants plus que ses débordements scatologiques ! Des expériences cinématographiques qui bouleversent notre conception du mal-être, il en existe sans doute des dizaines, peut-être même plus encore, mais tout dépend là encore de la sensibilité de chacun. Il se rappelle à moi ce souvenir très lointain d'un passage à la télévision de La petite sirène de Roger Andrieux avec Philippe Léotard. Une expérience assez particulière sur un amour interdit qui avait laissé chez moi des traces qui résonnent encore aujourd'hui. Et que dire de Schizophrénia de Gerald Kargl et son témoignage glaçant d'un tueur schizophrène s'en prenant au trois membres d'une famille ? Ou de The Girl Next Door de Gregory M. Wilson, adaptation d'un roman de Jack Ketchum lui-même inspiré d'un authentique fait-divers, et dont les images ne cessèrent de me hanter qu'après de longs, très longs mois ?


Pourtant, réunis ensembles, tous ces exemples apparaissent bien futiles en comparaison de Tras el Cristal. Moins connu que les autres et dégageant pourtant une noirceur exceptionnelle, le film du réalisateur espagnol mériterait d'être plus largement évoqué, même trente-cinq ans après sa création. Si Gregg Araki choisira plus tard la suggestion dans son terrible et étrange Mysterious Skin, le sujet de la pédophilie est à prendre avec des pincettes si l'on ne veut pas qu'une œuvre subisse un traitement que seuls quelques longs-métrages semblent connaître (pour quelle autre raison que l'histoire d'amour entre une gamine de quatorze ans et un homme de quarante nous empêche-t-on de redécouvrir le film de Roger Andrieux, devenu invisible à la télévision et indisponible en DVD ou Blu-Ray?). D'emblée, Agustí Villaronga nous plonge en apnée dans un récit au cœur duquel interviennent un médecin nazi et l'une de ses jeunes victimes, un garçon nu, suspendu à une corde par les poignets et dont les marques sur le corps témoignent des atrocités que lui a fait subir son bourreaux. L'image est ici aussi poisseuse que celle de l'inconfortable La Semana del Asesino (vulgairement traduit à l'internationale sous le titre Cannibal Man) de Eloy de la Iglesia qui vit le jour en 1972. L'horreur des actes perpétrés par Klaus est telle qu'un instant, l'homme semble en prendre conscience et se jette dans le vide pour mettre un terme à sa propre existence. Malheureusement pour lui, Klaus ne meurt pas et nous le retrouvons huit ans plus tard, paraplégique et enfermé dans un caisson à oxygène qui le maintient en vie. Vivant avec son épouse Griselda (l'actrice Marisa Paredes) et leur fille Rena (Gisèle Echevarria) dans une luxueuse demeure, la petite famille va bientôt recevoir la visite d'Angelo. Un jeune homme qui se prétend infirmier et qui propose à l'ancien nazi de s'occuper de lui malgré le rejet immédiat de Griselda. Klaus accepte et le jeune garçon se lie d'amitié pour Rena. Mais alors que la maîtresse de maison découvre bientôt qu'Angelo a menti sur ses capacités à soigner son mari, les véritables intentions du faux infirmier se dessinent peu à peu...


Tras el Cristal a ceci de fascinant qu'il décrit une sorte de symbiose entre Klaus et Angelo. Le premier compte sur les soins essentiels que lui prodigue le second tandis que le jeune garçon s'abreuve de l'expérience passée de l'ancien médecin du troisième Reich décrite dans son journal intime. De très loin, le film évoque le contenu de la nouvelle de Stephen King Apt Pupil et son adaptation au cinéma réalisée par Bryan Singer en 1998 dans lesquels un adolescent découvrait que son voisin était un ancien soldat de l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale et le faisait chanter en le contraignant à évoquer son passé de nazi. Le long-métrage de l'espagnol évoque même durant un temps ces cas relativement curieux connus sous le nom de Syndrome de Stockholm et qui voient certaines victimes de kidnappeurs sympathiser avec ces derniers. Mais ce qui s'apparente à cette étrange caractéristique n'est qu'un leurre et Angelo se montrera nettement plus pervers que la simple victime qu'il fut lorsque Klaus lui fit subir d'indescriptibles outrages. Quoique... le sont-il réellement, indescriptible ? Car l'une des forces de Tras el Cristal est de ne jamais vouloir brosser son public dans le sens du poil et lorsque Agustí Villaronga a quelque chose à dire, il le montre à l'écran. Et pourtant, ces actes mimés, reproduisant les horreurs passées, victime et bourreau échangeant les rôles, s'inscrivent moins à l'image comme autant de témoignages bouleversants que cette ambiance terriblement pesante qui règne en général. Écrasé par une lumière bleutée persistante et par la partition musicale absolument glaçante signée de Javier Navarrete, Tras el Cristal offre quelques séquences terrifiantes qui ne font pourtant appel qu'au génie de la mise en scène et de l'interprétation. Comment résister à ce simulacre d'acte d'amour entre Klaus et Angelo lorsqu'une fois le caisson à oxygène ouvert, le jeune homme s'allonge sur le paraplégique à l'agonie ? Surtout, le film témoigne du mal qui imprègne désormais celui qui fut victime et qui aujourd'hui est le bourreau. Mais Tras el Cristal ne fait pas que désigner Angelo comme symbole du désir de vengeance mais comme l'image de l'enfance bafouée au point d'avoir généré en grandissant, un individu dont la valeur morale a choisi de prendre des chemins sinueux. Le long-métrage d'Agustí Villaronga est cauchemardesque, étouffant, inconfortable, rejoignant parfois le cinéma du réalisateur italien Dario Argento (le meurtre de Griselda, le choix de certains éclairages). Une expérience extrême qui n'accorde aucun répit au spectateur...

 

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