The Outsiders
de Francis Ford Coppola, c'est d'abord un souvenir d'adolescence. Du
poil qui pousse à peine sur le menton des plus précoces, et les
voilà déjà qui se prennent pour Ponyboy Curtis, son frère
Sodapop, ou Dallas Winston. Finis les cow-boys et les indiens.
Terminés les arcs et les flèche d'un côté et les revolvers de
l'autre. En ce jour du 7 septembre 1983 où sort dans les cinémas de
France le long-métrage du réalisateur américain qui derrière lui
trimballe de solides bagages (les deux premiers volets de la trilogie
Le parrain
ou le film de guerre Apocalypse Now),
certains s'imaginent déjà en sortant de la projection demander à
leur papa ou à leur maman chéris de leur acheter de la gomina lors
des prochaines courses. Pire, d'autres se procureront eux-même et en
toute ''clandestinité'' leur premier paquet de cigarettes.
Dangereux, The Outsiders ?
Mauvais pour la santé ? Peut-être, un peu, oui. Mais moins
risqué que de partir en ballade avec ses potes pour aller dénicher
le cadavre d'une vague connaissance comme le feront les héros du
sublime Stand by Me
de Rob Reiner trois ans plus tard avec son putain de casting
d'étoiles montantes dont un River Phoenix dont on se souvient non
seulement de sa belle gueule mais aussi de la fin tragique (le jeune
acteur mourra le 31 octobre 1993 d'une overdose alors qu'il n'avait
que vingt-trois ans). À la sortie du film, on sourit avec ce brin de
mélancolie qui nous fait dire que l'on vient de quitter des
personnages qui quatre-vingt dix minutes durant nous ont semblé si
proches. Au point que s'il nous avait resté quelque sous en poche,
nous serions retournés les voir à la séance suivante. Et puis, les
décennies ont passé et le film est pratiquement devenu l'objet d'un
culte qu'on allait se promettre de s'offrir le jour où nos maigres
moyens nous le permettraient...
Depuis,
certains ont fait leur vie, comme tout le monde, ont épousé ou
vivent en concubinage avec leur compagne ou leur compagnon, ont fait
des enfants et se sont promis qu'un jour, ils feraient découvrir à
ces derniers ce petit film sans prétention qui a marqué le cours de
leur existence. Oui, mais voilà, The Outsiders,
en 2022, ça n'est plus tout à fait le formidable voyage dans
l'Amérique prolétarienne du milieu des années soixante que nous
avions vécu trente-neuf ans auparavant. Cette vacherie qui consiste
non pas seulement à grandir jusqu'à dépasser la taille de ses
géniteurs mais de mûrir intellectuellement n'a pas su garder avec
elle ce petit moment d'extase lointainement ressenti. Et puis,
lorsque l'on s'est tapé la veille ou le jour même le formidable The
Wanderers
de Philip Kaufman, la comparaison s'arrête rapidement aux portes
d'une thématique que les deux longs-métrages observent de deux
points de vue différents. Si l'esprit ''Rock''
y demeure toujours, il s'avère tout de même moins ''N'Roll''
que par le passé. Surtout comparé à ce satané chef-d’œuvre
signé de l'auteur de L'invasion des profanateurs
en 1978. Adaptation d'un roman de S. E. Hinton (lequel sera également
à l'origine du roman Rusty James également adapté par Francis Ford
Coppola et qui sortira à seulement quelques mois d'intervalles), The
Outsiders a
été adapté pour le grand écran par la scénariste Kathleen
Rowell...
Nous
faisons la connaissance de ceux qui se présentent comme les
véritables héros du récit. Dallas, Ponyboy, Johnny et leurs potes
de la bande connue dans le coin sous le nom des Greasers
(une
référence évidente au film musical de Randal Kleiser Grease
qui au même titre que La fièvre du samedi soir
de John Badham ou Carrie au bal du Diable
de Brian De Palma rendit l'acteur John Travolta mondialement
célèbre). Et d'emblée l'on est marqués par le visage de certains
d'entre eux. Matt Dillon (Drugstore Cowboy
de Gus van Sant, Albino Alligator de
Kevin Spacey, Mary à tout prix de
Bobby et Peter Farrelly), C. Thomas Howell (qui un an auparavant
incarna le jeune Tyler dans E.T. L'extraterrestre
de Steven Spielberg et qui en 1986 allait être malmené par le très
méchant Rutger Hauer dans l'imparable Hitcher
de Robert Harmon) ou Ralph Macchio qui l'année suivante allait
devenir la vedette d'un film devenu culte, un certain Karaté
Kid
signé de John G. Avildsen. Sans oublier également les acteurs
Patrick Swayze, Rob Lowe ou Emilio Estevez qui complètent le tableau
de cette bande soudée, prête à en découdre avec leurs principaux
rivaux. Le soucis principal de The Outsiders ne
se situe non pas au niveau du jeu des différents interprètes qui
cependant, surjouent parfois, mais provient du scénario lui-même
qui se limite finalement à peu de choses. Sans la présence de Ralph
Macchio et de son personnage Johnny au destin des plus tragique, le
film apparaîtrait étonnamment creux. Si dans notre jeunesse
l'amitié qui lie le jeune garçon à son ami Ponyboy pouvait être
touchante, elle ne suffit malheureusement pas à combler les vides
d'un récit resté campé sur son image d'une jeunesse assez peu
dorée de l'Amérique des années soixante draguant les filles de
manière relativement gauche (une gente pauvrement représentée par la superbe Diane Lane). Sans être ennuyeux, The Outsiders
procure
presque quarante ans après sa sortie (et malgré la jolie partition
musicale de Carmine Coppola, le père de Francis) autant de plaisir
et d'émotion que d'attendre à une station de métro, une rame qui
ne viendra jamais...
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