Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


mardi 14 juin 2022

Spécial Lycanthropie : The Curse of the Werewolf de Terence Fisher, As Boas Maneiras de Juliana Rojas et Marco Dutra, Skyggenes Dal de Jonas Matzow Gulbrandsen

 


 

Article un peu particulier aujourd'hui puisqu'il ne s'agira pas d'évoquer un, ni deux, mais trois longs-métrages dont la thématique est par contre commune à tous : la lycanthropie. Et je vous promets un voyage à travers le temps et la planète puisque nous allons tout d'abord faire un tour par le Royaume-Unis, en 1961, avec The Curse of the Werewolf de Terence Fisher. Puis, direction le Brésil et la Norvège avec As Boas Maneiras de Juliana Rojas et Marco Dutra ainsi que Skyggenes Dal de Jonas Matzow Gulbrandsen qui tout deux ont été réalisés en 2017. Aujourd'hui, nous sommes le 14 juin et ce soir, c'est pleine Lune. Alors, avant toute chose, armez vous de balles et de poignards en argent, d'un peu d'eau bénite et empruntez à votre grand-mère un crucifix si à tout hasard elle en possède un accroché au dessus de son lit... On débute donc avec The Curse of the Werewolf de Terence Fisher qui de mémoire, semble être le seul long-métrage de la célèbre Hammer Films mettant en scène l'une de ces fameuses créatures atteintes de lycanthropie, du grec ''lúkos'' qui signifie Loup et ''ánthrôpos'' qui désigne l'homme. Si le film est d'origine britannique, son action se déroule par contre sur le territoire espagnol, au dix-septième siècle, dans un petit village au dessus duquel règne sans partage l'impitoyable Marquis Siniestro (l'acteur originaire d’Édimbourg, Anthony Dawson). C'est là qu'arrive un jour un mendiant (Richard Wordsworth) qui s'étonne de n'y voir personne déambuler sur la place principale. Et pour cause, les villageois n'ont pas le cœur à faire la fête puisque les voici désormais sans le sou. À leur charge d'avoir payé les festivités, le mariage et le victuaille du Marquis, ils conseillent au mendiant d'aller faire l’aumône auprès du tyran ! Frappant à la porte de celui qu'il croit être son futur bienfaiteur, le mendiant est humilié puis jeté au cachot. Rejoint des années plus tard par une servante muette qui repoussait les avances du Marquis, le pauvre ère rendu fou par l'isolement viole la jeune femme qui parviendra à prendre la fuite, errera dans la forêt durant des mois, sera sauvée de la mort par un saint protecteur (Clifford Evans dans le rôle de don Alfredo Carido) et donnera naissance à un fils. Le fruit de l'outrage dont fut victime la servante qui, comble de l'horreur, mourra en donnant la vie... C'est ainsi donc que débute le récit, sous la forme d'un préambule romanesque que n'aurait sans doute pas renié le réalisateur français Bernard Borderie qui trois ans plus tard allait donner naissance au classique Angélique, marquise des anges... Terence Fisher, dont la réputation n'est plus à faire puisqu'il fut l'un des réalisateurs les plus importants de la Hammer Films avec plusieurs chefs-d’œuvre à son actif (tels, Le cauchemar de Dracula, Dracula - Prince des ténèbres, Frankenstein s'est échappé, Le chien des Baskerville ou encore Le fantôme de l'opéra), ouvre le bal avec cynisme en invoquant une bourgeoisie désinvolte, voire méprisante envers les petites gens...


The Curse of the Werewolf est intéressant à plus d'un titre. Tout d'abord parce que sa créature est incarnée par un Oliver Reed qui n'a véritablement démarré sa carrière d'acteur que très récemment à cette époque puisque longtemps il demeura dans l'ombre de ses personnages sans être crédité au générique. Ensuite, le récit conforte l'idée selon laquelle la lycanthropie trouve sa source dans l'hérédité et l'héritage émotionnel laissé par les géniteurs du dit loup-garou. L'on apprend en outre de la part d'un ecclésiastique les origines du phénomène de Rigor Mortis qui intervient chez les morts et qui expliquerait en partie pourquoi le jeune Leon est atteint de cette tare. Une idée qui peut paraître absolument farfelue mais qui d'un point de vue théologique s'avère particulièrement intéressante. Et puis, il y a ces décors et cette ambiance qui n'appartiennent qu'à cette époque et qui se renouvelaient sans cesse dès lors qu'une œuvre était marquée du sceau ''Hammer Film Productions''... Les visages se dessinent, marbrés, creusés par la hantise, la peur, la bestialité ou la barbarie. Lors de sa première sortie sur grand écran en Angleterre, le film est proposé en double programme aux côtés de The Shadow of the Cat, autre production Hammer cette fois-ci réalisée par un autre grand nom du cinéma d'épouvante et fantastique de l'époque, John Gilling. The Curse of the Werewolf est alors victime de la censure et tandis que trois décennies plus tard, en octobre 1992, la version intégrale devait enfin être diffusée lors d'une soirée intitulée ''Vault of horror'' sur la chaîne BBC2, les programmateurs se sont emmêlés les pinceaux et c'est la version expurgée qui fut projetée ! Comme de coutume, la musique est très présente. Envahissante pourront même lui reprocher certains d'entre nous. Afin de n'avoir pas à dépenser d'argent plus que nécessaire dans la construction de décors, le film qui à l'origine devait situer son action à Paris verra finalement le tournage se déployer en Espagne. Si visuellement, le film n'a rien à envier à ce qu'a majoritairement produit la Hammer jusque là et après cela, les spectateurs ne furent sans doute pas conquis au même titre que les Dracula et autres Frankenstein par cette étrange créature velue se nourrissant de brebis puisque le film ne rencontra pas un grand succès. Il faut dire que le mythe n'est sans doute pas encore rentré dans les mœurs des amateurs de cinéma fantastique britanniques puisque la lycanthropie semble à l'époque être un apanage sur lequel les États-Unis règnent en maîtres ! Il n'empêche que parmi les films mettant en scène des loups-garous, historiquement, The Curse of the Werewolf demeure le second long-métrage le plus important du genre après I Was a Teenage Werewolf qui lui, fut projeté pour la première fois sur les écrans de cinéma quatre ans auparavant en 1957. The Curse of the Werewolf propose un vrai bon scénario conçu par Anthony Hinds et inspiré par la nouvelle écrite par Guy Endore, The Werewolf of Paris. Un script découpé en plusieurs partie qui nous font voir du pays et rencontrer de nouveaux personnages au fil du récit. Bref, que du bon. De superbes décors, des costumes qui ne le sont pas moins, une musique tantôt guillerette, tantôt cacophonique et un Oliver Reed déjà hyper charismatique...


Autre temps, autre lieu pour un changement radical d’atmosphère. Et pourtant, si l'on y regarde bien, le précédent long-métrage et As Boas Maneiras de Juliana Rojas et Marco Dutra entretiennent de troublants rapports. Nous quittons l'Espagne du dix-septième siècle pour le Brésil contemporain. Tout comme The Curse of the Werewolf, celui-ci se divise en actes qui par contre ne sont cette fois-ci qu'au nombre de deux. Chacun y verra son intérêt, les uns préférant la première partie pourtant beaucoup moins fantasmagorique dans l'esprit que la seconde. Car si certains détails remarquables laissent tout d'abord présager d'une œuvre fantastique et horrifique, le sujet de la lycanthropie est surtout développé lors du second acte. Pour commencer, nous faisons la connaissance d'Ana et Clara. La première attend un bébé et la seconde postule pour un emploi d'aide-ménagère et de future nounou. Incarnées par les brillantes Isabél Zuaa et Marjorie Estiano, les deux jeunes femmes vont lier une amitié qui dépassera la simple entente cordiale. Le duo de réalisateur ajoute au mystère qui entoure la future maman et celle qui désormais l'accompagne dans son quotidien, une relation homosexuelle qui donnera lieu à quelques séquences relativement chaudes. Pourtant, il ne demeure dans cette imagerie d'une relation intime homosexuelle, aucune connotation LGBT. La nature des rapports entre les deux femmes semble naturellement découler d'une attirance réciproque parfaitement légitime et n'y transparaît aucun message de propagande. La première incarne une Clara remarquable, austère, peu souriante, dans le besoin (financier) et qui malgré son caractère froid va très vite se révéler indispensable pour Ana, cette jeune et jolie femme, élégante, voire sexy, le ventre rond, mais qui laisse cependant transparaître une certaine superficialité qui causa peut-être, qui sait, quelques drames par le passé (on pense notamment à cette séquence située dans une boutique lors de laquelle une ancienne connaissance d'Ana feint de l'ignorer). Si l'on pouvait craindre que As Boas Maneiras ne ressemble à rien de plus qu'à l'une de ces célèbres Telenovelas dont le public brésilien est friand (ce que le film paraît d'ailleurs être à certaines occasions), on est parfois bluffés par le visuel de certaines séquences nocturnes qui n'ont pas à rougir face à la beauté des univers décrits par le réalisateur Hongkongais Wong Kar-Wai ou par ceux du franco-vietnamien Trần Anh Hùng...


Juliana Rojas et Marco Dutra cultivent une certaine fascination pour le duo d'interprètes féminines et parviennent sans mal à la transmettre au spectateur. Au beau milieu du long-métrage et de son aspect cent pour cent féminin, les deux réalisateurs brésiliens rompent avec la relation entre les deux femmes lors d'une séquence véritablement ''déchirante'' et passent à la vitesse supérieure en invoquant la présence de l'enfant qui désormais est ''sorti du ventre'' de sa mère. Tout ou presque dans ces mots est ici à prendre au sens propre et les guillemets ne sont pas là par hasard. En effet, si jusqu'à maintenant le sang n'apparaissait que chichement, la transition va se dérouler dans la douleur et le sang. Naît alors une relation entre Clara et Joel (le jeune acteur Miguel Lobo), fils désormais orphelin d'Ana qui au fil des années va se découvrir une malédiction puisque le loup qui sommeil en lui depuis sa naissance va bientôt se réveiller. L'évocation d'une relation plus ou moins ténue entre The Curse of the Werewol et As Boas Maneiras n'étant pas gratuite, les deux films cultivent en effet ce rapport à l'amour, rempart presque futile aux atrocités commises et seul éventuel remède à la malédiction. On rapprochera donc l'histoire de Joel et Clara de celle que vécurent Leon et la servante au beau milieu du récit qu'il vécurent à travers le film de Terence Fisher. Doté d'un certain exotisme, c'est peut-être aussi grâce à cet élément que le film de Juliana Rojas et Marco Dutra tient tout ou partie de son intérêt. La culture et les modes de vie de cette frange de la population brésilienne vivant dans un quartier pauvre mais où le mal ne semble jamais avoir de prise sur la gentillesse et la coopération des uns envers les autres. Visuellement attractif et interprété dans sa première partie par deux talentueuses actrices, As Boas Maneiras souffre peut-être de sa trop longue durée. En effet, le film n'avait nul besoin de s'éteindre jusqu'à atteindre les cent-trente minutes. Certains auraient peut-être même préféré que le long-métrage se clôt à l'issue de la grossesse d'Ana, ce qui n'aurait sans doute pas été une mauvaise chose. On remettra moins en question les qualités de la seconde partie que les effets-spéciaux quelque peu risibles (touchant de naïveté pourrons-nous avoir la courtoisie de les juger) lors desquels est mis en images un jeune loup-garou de synthèse qui ressemble davantage à un gros rongeur extrait d'un film d'animation qu'à l'un de ces effrayants prédateurs qui ont parcouru jusqu'à maintenant, nombre de longs-métrage horrifico-fantastiques. Mais pour le reste, As Boas Maneiras demeure une expérience cinématographique réellement enrichissante...


Pour le troisième et dernier film consacré aux loups-garou, nous restons en 2017 mais nous nous dirigeons cette fois-ci vers la Norvège. Skyggenes Dal s'inscrit dans un contexte rural propice à l'apparition d'une bête qui s'attaque aux troupeaux des bergers. Alors que les adultes évoquent une raison cartésienne, Lasse (Lennard Salamon) pense en priorité à une créature du bestiaire fantastique et révèle très rapidement ses soupçons à son ami Aslak (Adam Ekeli). S'ensuit un récit plus ou moins convainquant. Surtout, en la matière, et pour son tout premier long-métrage, le réalisateur norvégien Jonas Matzow Gulbrandsen semble tout d'abord beaucoup plus préoccupé par le drame qui touche cette famille ''décimée'' par la disparition du père et la mort toute récente du fils aîné par overdose que par la créature qui dans la région laisse derrière elle les carcasses fumantes et sanguinolentes de bêtes d'élevage. On l'aura très rapidement compris, le film sera d'abord vécu dans la douleur et l'impatience par toutes celles et ceux qui attendaient autre chose que ce spectacle languissant aux lignes de dialogues parfois si rares que le moindre mot prononcé semble d'abord mûrement réfléchi. C'est un fait indéniable, mais le film est beau. Le septième art rejoint ici le troisième ainsi que le quatrième. Jonas Matzow Gulbrands hésite, tout d'abord, entre des décors qui éveillent la passion pour les couleurs ternes et les formes imprécises et le récit qui, lui, continue son petit bout de chemin sans que rien ne vienne vraiment bouleverser le calme qui règne dans cette région vallonnée ni secouer la léthargie des interprètes. On se laisserait presque tomber dans les bras de Morphée tant Skyggenes Dal apaise comme une longue plage d'Ambient... Et ce, dans le meilleur des cas, en tout état de cause, car pour les réfractaires, la décision de réduire l'expérience à la seule moitié du long-métrage sera tout à fait compréhensible...


Et dire que c'est la disparition d'un chien qui viendra définitivement bouleverser ceux qui auront eu le courage de tenir jusqu'au bout.Car du récit filiforme qui jusque là ne nous avait offert que de jolies et ponctuelles séquences planantes va aller encore plus loin dans le concept et nous régaler grâce à un visuel qui jusqu'à la fin, ne cessera de nous émerveiller. Poétique et d'une effarante beauté, Skyggenes Dal est un conte pour adultes sur l'enfance et la solitude. Et le voyage que va entreprendre le jeune Aslak pour retrouver son animal de compagnie ne devrait laisser personne indifférent. Le directeur de la photographie Marius Matzow Gulbrandsen accomplit ici des prouesses et chaque séquence, chaque plan agit sur les rétines comme autant de saveurs sur les pupilles gustatives. Skyggenes Dal est une œuvre d'art où s'accouplent les images, le son, la lumière et les couleurs. Surtout, Jonas Matzow Gulbrands semble vouloir partager sa passion pour son pays. Sauvage. Beau mais angoissant. Froid et humide. Calme mais recelant d'inquiétant secrets. Film audacieux dans son approche lente et monotone, Skyggenes Dal est typique d'un certain cinéma scandinave devant lequel certains se courberont d'admiration. Magnifié par la sublime partition du compositeur polonais Zbigniew Preisner, l’œuvre du cinéaste norvégien est un émerveillement de tous les instants. Une belle manière de terminer cette soirée consacrée aux loups-garous avant de fermer les yeux et de s'endormir...

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...