Si le concept Internet
remonte au milieu des années soixante, il aura fallut attendre plus
d'une trentaine d'années avant que l'outil ne soit réellement mis à
la disposition du grand public. Autant dire qu'à l'époque en
France, pas mal de longs-métrages qui n'avaient pas encore les
honneurs d'une distribution hexagonale nous passaient sous le nez. Le
seul moyen d'en entendre parler était à l'époque l'usage intensif
des lectures parfois gratinées que nous offraient les mensuels Mad
Movies,
L'écran
fantastique,
Toxic
et autre Vendredi
13...
Un autre moyen permettait de découvrir des œuvres que beaucoup
d'éditeurs n'auraient sans doute jamais osé publier au tout début
des années quatre-vingt dix. Si l'horreur et le gore ont toujours
fait partie intégrante des plannings de diffusion des éditeurs de
vidéos au format VHS
(il faudra attendre le milieu de la décennie pour voir débarquer
les premiers films en DVD),
certains d'entre eux se sont lancés comme objectif de proposer des
œuvres inédites à fort potentiel choquant ! Et parmi eux, le
plus ''célèbre'' et le plus culte d'entre tous demeure sans doute
l'éditeur français Haxan
Films
qui en une poignée d'année allait réjouir les amateurs de bandes
magnétiques extrêmes. Alors que dans les derniers temps l'éditeur
laissa complaisamment son style si particulier bifurquer vers
l'érotisme (la trilogie Exorsister ou
les
deux premiers volets de la franchise Playgirls),
Haxan Films
nous offrit de monumentales pépites allant des cultissimes Combat
Shock
de Buddy Giovinazzo, Santa Sangre
d'Alejandro Jodorowsky ou Bloodsucking Freaks de
Joel M. Reed, en passant par quelques compilations de courts-métrages
underground (le diptyque Hardcore
de Richard Kern, Génération Z
de Nick Zedd).
Et
jusqu'à nous offrir quelques spectacles aussi stupéfiants que
répugnants (l'immonde Camp 731 de
Tun Fei Mou ou le documentaire très trash de Todd Philips, Rock
N' Roll Overdose).
Parmi la cinquantaine d'éditions qui virent le jour, certaines
mirent à l'honneur le réalisateur allemand Jörg Buttgereit. Der
Todesking
et son propos plus que licencieux puisqu'il abordait sous forme de
courts-métrages différentes manières de se suicider. Mais aussi et
surtout les deux volets de Nekromantik.
Mot-valise indiquant sans ambages le contenu de l'un et de l'autre et
que l'on pourrait décortiquer ainsi : Nécrophilie
Romantique !
Autant dire que le programme est à l'époque, particulièrement osé.
Des encarts publicitaires intégrés dans le magazine
Mad Movies
permettaient fort heureusement en 1993 et 1994 (années de sortie des
deux longs-métrages en France) de se procurer chaque sortie de Haxan
Films.
Vue la gueule de mes vieux chaque fois que des années en arrière je
rapportais de mauvaises notes à l'époque tout en enrichissant ma
collection de Gore
des éditions Fleuve
Noir,
mon intégration dans l'armée pour les deux années à venir (entre
1993 et 1995) allait faciliter l'achat et la réception des éditions
Haxan
que j'allais alors partager avec mes camarades de l'unité médicale
que j'allais rejoindre après une difficile et très intense période
de classes...
Nekromantik
premier du nom est arrivé sur notre territoire en 1993. Et pourtant,
le film date de six ans en arrière. Vu le contexte, on peut
comprendre qu'il ait connu d'importants problèmes de censure en
Allemagne et dans divers autres pays comme le Royaume-Unis. Et
pourtant, à bien y regarder aujourd'hui, les amateurs de cinéma
d'horreur trouveront sans doute l'objet bien inoffensif en raison de
problèmes liés à un budget relativement restreint. Ce que dénote
par exemple l'emploi de la part de l'équipe de nettoyeurs de scènes
de crimes et d'accident du récit, de sacs-poubelle plutôt que sacs
mortuaires. Le jeu plus qu'approximatif des seconds rôles
participant de l'indigence qui ici contamine tous les aspects du
film. De la mise en scène (le réalisateur allemand abusant des
zooms) au scénario jusqu'à cette absence de rythme causée par des
séquences qui s'étirent au-delà du raisonnable. Et pourtant, il
faut comprendre qu'il y a trente ans, personne n'avait préparé les
éventuels spectateurs à un tel spectacle. Peter Jackson et son gore
rigolo (Bad Taste,
Braindead)
ou Jim Muro et ses effusions multicolores (Street
Trash)
nous avaient habitués à un autre type de divertissement. Tourné en
16mm et au format 4/3 Nekromantik
possède malgré tout un charme qui lui est propre. Car si le film
s'avère particulièrement avare en matière de dialogues et si Jörg
Buttgereit y intègre des séquences pas forcément justifiées lui
permettant ainsi de rallonger un film qui au total ne dépassera pas
la soixante-dizaine de minutes, Nekromantik
est ponctué de passages vraiment crades qui n'entrent pas dans le
même registre que ceux cités ci-dessus...
La
viande chez l'allemand est avariée, suintante de décomposition, à
en faire vomir les estomac les plus sensibles. Avec un minimum
d'imagination, on pourrait supposer être en mesure de sentir les
effluves des cadavres ou des morceaux de corps que conservent chez
eux Robert (Daktari Lorenz) et Betty (Beatrice Manowski). Mais l'acte
nécrophile ne s'arrête pas ici aux portes de la contemplation
puisque Jörg Buttgereit multiplie les séquences d'actes sexuels
entre Betty, Robert et le cadavre que ce dernier a ramené chez eux.
Renvoyé de son boulot, quitté par sa copine, le jeune homme va
brûler la photo de Betty et s'offrir un chat avant de l'enfermer
dans un sac-poubelle et de l'exploser contre un mur. Des actes
totalement gratuits, comme cette séquence, elle bien réelle, nous
infligeant la préparation d'un lapin de son abattage jusqu'à son
éviscération. Diminué par une partition musicale composée par
l'acteur principal ainsi que par Hermann Koppe et John Boy Walton,
laquelle sonne parfois comme la bande-son d'un épisode oublié de La
légende de Zelda,
Nekromantik repose
donc moins sur son scénario et sa mise en scène que sur le sujet de
la nécrophilie que le réalisateur ose parfois poétiser. Moins
choquant qu'ennuyeux, le film bénéficie cependant de la totale
implication de la part de Daktari Lorenz, lequel n'hésite pas à se
mettre littéralement à nu pour parfaire l'image de nécrophile que
revêt son personnage. Des séquences gore dont la majorité se
montrent maladives, une semi-décapitation qui rappellera aux
amateurs les grandes heures de Bad Taste et
un final en apothéose lors duquel [ATTENTION SPOIL] Robert se
suicidera de désespoir en se plantant un couteau dans le ventre, la
queue en érection, éjaculant sperme et sang...
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