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vendredi 3 juin 2022

L'Arcano Incantatore de Pupi Avati (1996) - ★★★★★★★★☆☆



L'on rappelle en général l'existence du réalisateur italien Pupi Avati lorsqu'il s'agit d'évoquer le film La Casa dalle Finestre che Ridono (La maison aux fenêtres qui rient), œuvre culte faisant indéniablement partie du patrimoine horrifique mondial. Demeurant honteusement inédit dans notre pays, L'arcano Incantatore mériterait sans doute encore davantage d'être mis à disposition des amateurs de cinéma d'épouvante et de fantastique tant cette œuvre réalisée en 1996 s'avère d'une intensité rare. À une époque où le cinéma italien semble moins intéressé par le gothique que par le passé, le vingt-deuxième long-métrage signé de Pupi Avati va tout d'abord marquer l'esprit du réalisateur, scénariste et producteur mexicain Guillermo del Toro qui y puisera une partie de son inspiration au moment de réaliser L'échine du Diable. Redécouvert également par le réalisateur britannique Edgar Wright (Shaun of the Dead), celui-ci ira même jusqu'à confondre l'importance de L'arcano Incantatore avec celle du Barry Lindon de Stanley Kubrick. Une sacrée référence. Sans avoir la science du cinéma ni même, sans doute, les connaissances des deux cinéastes cités ci-dessus, l’œuvre de Pupi Avati m'est quant à moi apparue comme une alternative latine d'une partie de l'univers décrit par le cinéaste Werner Herzog au milieu ainsi qu'à la fin des années soixante-dix (Jeder für sich und Gott gegen alle, Herz aus Glas, Nosferatu, Phantom der Nacht). Pupi Avati y décrit une ruralité fragile, presque en ruines. Un univers dans lequel le Malin semble être en mesure de se cacher derrière n'importe quel visage. Celui de cette prostituée atteinte par la syphilis, ces deux jeunes filles dont la disparition demeure un mystère mais dont les silhouettes réapparaissent à intervalles réguliers. Ou encore cette chauve-souris assoiffée de sang qui signale sa présence à travers des ultra-sons et ses battements d'ailes...


Si l'action démarre à Bologne, cité que le héros Giacomo Vigetti (l'acteur Stefano Dionisi) est contraint de quitter pour avoir fait avorter celle qu'il a mise enceinte, le jeune séminariste croise toute d'abord la route d'une femme mystérieuse avant de se réfugier dans la demeure d'un prêtre défroqué pour avoir étudié les sciences occultes... Giacomo y intègre alors la fonction qui fut celle de Nerio, l'assistant de l'Arcano Incantatore (l'acteur Carlo Cecchi), qui vient tout juste de trouver la mort dans des circonstances particulières. L'église refusant d'accepter que le mort soit enterré sur des terres consacrées, Giacomo et son nouvel ''employeur'' s'accordent pour creuser un trou sur la propriété de l'Arcano Incantatore afin d'y mettre le cercueil renfermant le corps de Nerio. Une fois la tâche accomplie, l'une des missions de Giacomo sera de transmettre des courriers codés écrits de la main de l'Arcano Incantatore à l'aide d'un ouvrage dont ce dernier est seul à détenir la désignation. Alors que débarque bientôt un homme chargé de démontrer que le Mal agit bien en ces lieux, Giacomo suspecte très rapidement la présence du fantôme de Nerio. D'autant plus que de son vivant, celui-ci était suspecté d’œuvrer sur l'hypothèse consistant au retour à la vie des morts récents... Accompagné par la superbe musique du compositeur italien Pino Donaggio (Pulsions, Body Double tous deux signés du maître du suspens, Brian de Palma), L'arcano Incantatore bénéficie en outre d'un formidable visuel que l'on doit au fidèle collaborateur de Pupi Avati, le directeur de la photographie, Cesare Bastelli...


L'esthétique générale du long-métrage ne cesse de faire du clin d’œil au spectateur qui se retrouve alors plongé dans un univers certes beaucoup moins riche et étendu, mais qui le rapprochera du chef-d’œuvre de Jean-Jacques Annaud, Le nom de la rose. Véritable personnage à part entière, la demeure où vont passer le plus clair de leur temps les deux principaux protagoniste est d'une rusticité à toute épreuve. Des milliers et des milliers d'ouvrages tapissent de larges pans de murs, jusqu'à des hauteurs inimaginables. Un huis-clos porté par une lumière que l'on dirait de nos jours de style Cosy mais qui dans le contexte qui nous intéresse dessine une œuvre inquiétante permettant de voir des ombres malveillantes là où elles ne sont pas. Ce qui ne contraint heureusement pas Pupi Avati de se reposer sur le seul imaginaire du spectateur puisqu'il nous offre quelques apparitions sinistres comme le fantôme de celui que les deux hommes sont supposés avoir enterré, posté sur une échelle avant que sa silhouette ne s’atténue... Entre son ambiance parfois cauchemardesque, la solitude de son héros confronté à un être trouble et à des activités ésotériques, L'arcano Incantatore n'est pas que le film d'épouvante qu'il semble être mais aussi et peut-être surtout, une expérience sensitive assez remarquable. Au point que l'on oublierait presque qu'il s'agit d'un film pour nous croire plongés plusieurs siècles en arrière.

 

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