L'on rappelle en général
l'existence du réalisateur italien Pupi Avati lorsqu'il s'agit
d'évoquer le film La Casa dalle Finestre che Ridono (La
maison aux fenêtres qui rient),
œuvre culte faisant indéniablement partie du patrimoine horrifique
mondial. Demeurant honteusement inédit dans notre pays,
L'arcano Incantatore
mériterait sans doute encore davantage d'être mis à disposition
des amateurs de cinéma d'épouvante et de fantastique tant cette
œuvre réalisée en 1996 s'avère d'une intensité rare. À une
époque où le cinéma italien semble moins intéressé par le
gothique que par le passé, le vingt-deuxième long-métrage signé
de Pupi Avati va tout d'abord marquer l'esprit du réalisateur,
scénariste et producteur mexicain Guillermo del Toro qui y puisera
une partie de son inspiration au moment de réaliser L'échine
du Diable.
Redécouvert également par le réalisateur britannique Edgar Wright
(Shaun of the Dead),
celui-ci ira même jusqu'à confondre l'importance de L'arcano
Incantatore avec
celle du Barry Lindon
de Stanley Kubrick. Une sacrée référence. Sans avoir la science du
cinéma ni même, sans doute, les connaissances des deux cinéastes
cités ci-dessus, l’œuvre de Pupi Avati m'est quant à moi apparue
comme une alternative latine d'une partie de l'univers décrit par le
cinéaste Werner Herzog au milieu ainsi qu'à la fin des années
soixante-dix (Jeder für sich und Gott gegen
alle,
Herz aus Glas,
Nosferatu, Phantom der Nacht).
Pupi Avati y décrit une ruralité fragile, presque en ruines. Un
univers dans lequel le Malin semble être en mesure de se cacher
derrière n'importe quel visage. Celui de cette prostituée atteinte
par la syphilis, ces deux jeunes filles dont la disparition demeure
un mystère mais dont les silhouettes réapparaissent à intervalles
réguliers. Ou encore cette chauve-souris assoiffée de sang qui
signale sa présence à travers des ultra-sons et ses battements
d'ailes...
Si
l'action démarre à Bologne, cité que le héros Giacomo Vigetti
(l'acteur Stefano Dionisi) est contraint de quitter pour avoir fait
avorter celle qu'il a mise enceinte, le jeune séminariste croise
toute d'abord la route d'une femme mystérieuse avant de se réfugier
dans la demeure d'un prêtre défroqué pour avoir étudié les
sciences occultes... Giacomo y intègre alors la
fonction qui fut celle de Nerio, l'assistant de l'Arcano Incantatore
(l'acteur Carlo Cecchi), qui vient tout juste de trouver la mort dans
des circonstances particulières. L'église refusant d'accepter que
le mort soit enterré sur des terres consacrées, Giacomo et son
nouvel ''employeur'' s'accordent pour creuser un trou sur la
propriété de l'Arcano Incantatore afin d'y mettre le cercueil
renfermant le corps de Nerio. Une fois la tâche accomplie, l'une des
missions de Giacomo sera de transmettre des courriers codés écrits
de la main de l'Arcano Incantatore à l'aide d'un ouvrage dont ce
dernier est seul à détenir la désignation. Alors que débarque
bientôt un homme chargé de démontrer que le Mal agit bien en ces
lieux, Giacomo suspecte très rapidement la présence du fantôme de
Nerio. D'autant plus que de son vivant, celui-ci était suspecté
d’œuvrer sur l'hypothèse consistant au retour à la vie des morts
récents... Accompagné par la superbe musique du compositeur italien
Pino Donaggio (Pulsions,
Body Double
tous deux signés du maître du suspens, Brian de Palma), L'arcano
Incantatore
bénéficie en outre d'un formidable visuel que l'on doit au fidèle
collaborateur de Pupi Avati, le directeur de la photographie, Cesare
Bastelli...
L'esthétique
générale du long-métrage ne cesse de faire du clin d’œil au
spectateur qui se retrouve alors plongé dans un univers certes
beaucoup moins riche et étendu, mais qui le rapprochera du
chef-d’œuvre de Jean-Jacques Annaud, Le nom de
la rose.
Véritable personnage à part entière, la demeure où vont passer le
plus clair de leur temps les deux principaux protagoniste est d'une
rusticité à toute épreuve. Des milliers et des milliers d'ouvrages
tapissent de larges pans de murs, jusqu'à des hauteurs
inimaginables. Un huis-clos porté par une lumière que l'on dirait
de nos jours de style Cosy mais qui dans le contexte qui nous
intéresse dessine une œuvre inquiétante permettant de voir des
ombres malveillantes là où elles ne sont pas. Ce qui ne contraint
heureusement pas Pupi Avati de se reposer sur le seul imaginaire du
spectateur puisqu'il nous offre quelques apparitions sinistres comme
le fantôme de celui que les deux hommes sont supposés avoir
enterré, posté sur une échelle avant que sa silhouette ne
s’atténue... Entre son ambiance parfois cauchemardesque, la
solitude de son héros confronté à un être trouble et à des
activités ésotériques, L'arcano Incantatore
n'est
pas que le film d'épouvante qu'il semble être mais aussi et
peut-être surtout, une expérience sensitive assez remarquable. Au
point que l'on oublierait presque qu'il s'agit d'un film pour nous
croire plongés plusieurs siècles en arrière.
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