Ahhhhh les duos de
comiques... En France, nous avons eu droit à Pierre Dac et Francis
Blanche, Roger Pierre et Jean Marc Thibault, Kadour Mérad et Olivier
Baroux (kad et O), Élie (Sémoun) et Dieudonné (M'Bala M'Bala) ou
Eric (Judor) et Ramzy (Bédia). Sans oublier les plus drôles d'entre
tous : Jean Castex et Olivier Véran ! Aux États-Unis, parmi les
plus célèbres figuraient (Stan) Laurel et (Olivier) Hardy. Du moins
parmi ceux que l'on connaît bien chez nous demeurent-ils les plus
connus d'outre-atlantique. Nombreux furent et sont toujours les
humoristes américains, seuls ou à plusieurs, a avoir quitté pour
un temps la scène ou le petit écran pour se lancer dans une
carrière cinématographique. Célébrés dans leur pays d'origine
sous le nom de scène Abbott et Costello,
les américains Bud Abbott et Lou Costello ont débuté dans le
métier d'acteur avec quatorze années d'écart. En effet, le second
a commencé la sienne en 1926, interprétant une poignée de seconds
rôles (figurations?) jusqu'en 1928, date à laquelle il n'y a plus
trace de lui avant qu'il ne réapparaisse sur grand écran dans One
Night in the Tropics
d'A.Edward Sutherland, une comédie musicale et romantique aux côtés
de son futur binôme. La carrière d'Abbott et Costello s’achèvera
à la fin des années cinquante comme elle avait débutée :
chacun de son côté. Mais avant cela, les deux hommes nous
gratifièrent d'une somme importante de longs-métrages sous le signe
de la comédie. Qu'il s'agisse de fantastique, d'épouvante, de
policier, de science-fiction ou d'aventures, la norme chez eux était
d'y intégrer invariablement une bonne dose d'humour. Quelques
dizaines de comédies qui chez nous furent régulièrement traduites
sous des titres ne respectant pas les originaux et commençant en
général par Deux nigauds...
Je vous propose donc quelques exemples de longs-métrage interprétés
par les deux hommes essentiellement proches des univers détaillés
dans de récents articles : du fantastique et de l'horreur
badigeonnés d'une bonne dose de rires. Et pour commencer, nous
allons parler de The Time of Their Lives de
Charles Barton (lequel tourna à plusieurs reprises avec le duo) qui,
contrairement à sa véritable signification (''Le
temps de leur vie'')
a été traduit chez nous sous le titre Deux
Nigauds dans le manoir hanté...
Sans doute moins poétique que l'original mais ne laissant aucun
doute sur le cadre du récit. Écrit à huit mains et notamment par
Walter DeLeon et John Grant (le second sera un ''client'' régulier
des deux humoristes), The Time of Their Lives est
donc une comédie fantastique tournée en noir et blanc et au format
4/3 qui sortira en 1946...
Le
film se compose de deux parties dont la première (la plus courte) se
déroule en 1780 dans le domaine de Kings Point à New York. C'est là
que vit Tom Danbury (Jess Barker) entouré de ses domestiques et de
sa fiancée Melody Allen (l'actrice Marjorie Reynolds). Porteur d'une
lettre de recommandation signée du général George Washington, le
rétameur Horatio Prim espérait pouvoir racheter à son employeur,
la jeune Nora O'Leary, sa fiancée et quitter le domaine en sa
compagnie. Mais c'était sans compter sur la présence du majordome
Cuthbert Greenway. Un être fourbe qui malgré son insistance n'est
jamais parvenu à décider la jeune femme de partager sa vie. Plutôt
que de la laisser partir avec son fiancé, Greennway enferme Horatio
dans une malle. Mais alors que Nora tente de convaincre son maître
Tom Danbury de la laisser partir en compagnie de l'homme qu'elle aime
en lui montrant la lettre de recommandation, celui-ci la fait chasser
par deux de ses collaborateurs et cache le document dans une planque
située derrière un mur de la propriété. Plus tard, confondus par
les troupes américaines qui les prennent pour des traîtres, la
fiancée du propriétaire et Horatio sont pourchassés et tués avant
d'être jetés dans un puits... C'est alors que la seconde partie de
The Time of Their Lives
débute avec une Melody et un Horatio vaporeux. Nous sommes désormais
en 1946 et depuis leur mort, ces deux là hantent la propriété
Danbury que vient de se réapproprier le dramaturge Sheldon Gage. Il
y convie sa fiancée ainsi que sa tante Millie et le descendant de
Cuthbert, le docteur Ralph Greenway. Tout le concept du film repose
sur un principe simple : trouver un moyen pour Harold et Melody
de prouver leur innocence afin d'être libérés de leur
malédiction...
Alors
que le film met tout d'abord en scène Lou Castillo dans des
situations proprement absurdes, bien que l'on puisse supposer que The
Time of Their Lives sera
nourri par de nombreux gags faisant surtout appel au comique gestuel
plus apte à faire rire les adeptes de comique de situation que celui
porté sur de savoureux dialogues, on s'étonnerait presque de
constater la richesse avec laquelle les quatre scénaristes ont
imaginé toute une succession de gags moins extravagants qu'ils n'y
paraissaient au début mais dont l'efficacité n'est jamais remise en
question. C'est bien simple, le film est un condensé de bonheur,
bourré d'idées de mise en scène et d'effets-spéciaux qui à
défaut d'être toujours visuellement performants s'avèrent en tout
état de cause, formidablement créatifs : un mur invisible
repoussant nos deux fantômes condamnés à errer pour l'éternité
dans et autour de la propriété Danbury. Lesquels apparaissent et
disparaissent de l'image selon leur bon vouloir (ou plutôt, leur
capacité à danser un ersatz de... ''twist'', seul mouvement apte à
les faire disparaître). Des objets qui se déplacent dans les airs.
Le corps d'une femme sans tête descendant un escalier (sans doute
l'effet le plus saisissant). Ou encore, une séance de spiritisme
conduite par la domestique Emily (l'actrice américaine originaire du
Danemark, Gale Sondergaard). L'une des scènes clés qui reprend le
concept de la séance autour d'un guéridon sauf qu'ici interviennent
directement à l'image les esprits invoqués. Idée fabuleuse que
reprendra sans doute par hasard en 1990 le réalisateur Jerry Zucker
pour son excellent Ghost
avec Demi Moore, Patrick Swayze et Whoopi Goldberg. The
Time of Their Lives
est un régal et malgré son ton humoristique, le film de Charles
Barton n'a absolument pas à rougir en comparaison des longs-métrages
plus sérieux sur le sujet des fantômes et autres esprits frappeurs.
On ne s'ennuie pas un instant et même si Lou Costello en fait
parfois des tonnes dans le rôle du pauvre fantôme Horatio Prim, Bud
Abbott dans celui de Cuthbert/Ralph Greenway et les autres
interprètes contrebalancent par un sérieux d'apparence qui évitent
au film de n'être qu'une succession de gags poussifs. Un petit bijou
et certainement une bonne entrée en matière dans l'univers du duo
de comiques américains...
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