Qu'il ait agit sous son
véritable nom ou sous couvert de l'un de ses nombreux pseudonymes,
le réalisateur espagnol Jesús Franco fut un artiste complet. Qu'on
l'aime ou pas, son œuvre ne peut laisser indifférent. Que le rejet
soit massif ou l'admiration sans bornes. Réalisateur, scénariste,
il a composé la bande musicale de bon nombre de ses propres
longs-métrages également sous pseudos. Parmi lesquels, un certain
Pablo Villa. Ou encore, David Khunne, sous lequel il a produit l'une
de ces créations immédiatement reconnaissables. Ce son d'orgue joué
par un musicien qui en la matière semblait ne l'être que par le
nom. Ou quand lorsque l'on ne connaît rien en matière de solfège
et qu'on laisse faire le hasard. Trois notes au compteur, créant une
ambiance tantôt trouble, tantôt psychédélique, tantôt
cotonneuse. Pas de quoi se lever le matin en se disant qu'il faudrait
se procurer d'urgence l'intégrale de ses compositions mais un
marqueur, une valeur sûre permettant d'affirmer que l'on est bien
chez l'auteur de plus de deux-cent longs-métrages en cinquante-six
ans de carrière. Les plus réfractaires argueront qu'en autant
d'années de labeur, le bonhomme n'aura engendré aucun chef-d’œuvre,
aucun classique du septième art. Ses fans, eux, invoqueront par
contre le fait qu'il aura tout de même réussi à pondre des films
cultes par dizaines, quelles que soient leurs qualités et les moyens
mis à disposition de leur auteur. Mais si l'on veut demeurer tout à
fait objectif, force est de reconnaître que parmi ces derniers,
nombreux sont ceux qu'il reste inenvisageable de garder au chaud pour
une soirée entre potes. Le genre de rendez-vous consistant à leur
faire découvrir l'une des légendes bis, voire Z, du cinéma
espagnol. À moins que... à moins qu'après quelques verres... un
peu d'herbe ou l'emploi d'inhibiteurs sélectifs du recaptage de la
sérotonine, qui sait... pourquoi pas !
Mais revenons à
l'essentiel. L'objet de ce nouveau délit. L'un de ces treize Objets
Filmiques Non Identifiés
que Jess Franco réalisa en cette seule année 1973. Ce Los
Ojos Siniestros del Doctor Orloff
que l'on pourrait croire sorti du même imaginaire que celui de
l'auteur des Chasses
du comte Zaroff (nouvelle
du scénariste et écrivain Richard Connell écrite en 1924) mais qui
n'entretient en réalité de rapport avec celui-ci qu'à travers les
trois dernières lettres qu'ils partagent en commun ! Le roi du
zoom revient donc en 1973 avec sa vision de ce que l'on pourrait
comparer à une télénovelas psychédélique sur fond d'intrigue
familiale et (à minima) policière. De la bouche même du domestique
d'une famille aisée, un certain Albert Mathews qu'interprète
l'acteur José Manuel Martín, le patriarche était un gentleman.
Depuis décédé, Albert a pris le parti de protéger la fille de son
ancien employeur, Melissa (l'actrice Montserrat Prous) des
hypothétiques attaques extérieurs ou internes. D'autant plus que
les vautours n'ont pas tardé à voler autour de cette jeune proie
aussi fragile que docile depuis la disparition de son père, clouée
dans un fauteuil roulant et méconnaissant les intentions des
quelques ''personnalités'' qui gravitent autour d'elle. Et parmi
celles-ci, un certain Docteur Orloff qu'incarne l'acteur australien
William Burger, dont la ressemblance avec le chanteur français Nino
''Gaston y a
l'téléfon qui son''Ferrer
est parfois troublante...
Second
volet d'une trilogie complétée par Gritos en la
Noche en
1962 et
El Siniestro Doctor Orloff
en 1984,
Los
Ojos Siniestros del Doctor Orloff
met donc en scène William Burger dans le rôle titre
qu'interprétait avant lui et se réappropriera à nouveau dans les
années quatre-vingt l'acteur allemand Howard Vernon. Ses deux
complices, qui s'avèrent être la tante Martha et la demi-sœur
Flora de la jeune Melissa sont quant à elle respectivement
interprétées par les actrices Loreta Tovar et Kali Hansa. Trahison
et manipulation sont au cœur d'une intrigue dont le but
particulièrement lucratif est de mettre la main sur la fortune de la
principale héritière de la famille Comfort. Heureusement que le
voisin de la famille (un musicien) passait par là car l'inspecteur
responsable de l'enquête, un certain Crosby (l'acteur Edmund Purdom)
est d'un ''je-m’en-foutisme''
assez sidérant ! Hypnose, emprise, contrôle de la pensée,
somnambulisme, meurtres... on se dit qu'avec un tel tribu, le film a
de quoi satisfaire les amateurs de machinations policières. Sauf
qu'entre les mains de Jess Franco, le tout s'avère en fait
relativement fade. Pas une goutte de sang, pas une épaule dénudée,
et des séquences parfois très mal fichues (comme cette brume
apparaissant en insert mais demeurant cependant non dénuée d'un
certain magnétisme). William Burger n'aurait pas pu être plus figé
dans son interprétation s'il avait eu le malheur de tomber dans un
bain de botox. Si l'on a vu bien pire chez le cinéaste espagnol (qui
fait ici une éphémère apparition dans le rôle de Lord Comfort),
Los
Ojos Siniestros del Doctor Orloff
s'avère tout de même soporifique...
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