Aïe, aïe, aïe... El
Incident
ou comment ruiner le potentiel d'un scénario extrêmement riche. Si
les amateurs de boucles et de paradoxes temporels en ont un peu marre
de toute cette vague de longs-métrages qui reprennent le même
concept sans changer une seule virgule au script d'origine (Netflix
y demeurant un important foyer), direction le Mexique... Remontons le
temps (logique) jusqu'en 2014. Année qui vit éclore le scénario
écrit par le réalisateur mexicain Isaac Ezban. Jusque là habitué
au format court, le bonhomme passe à la vitesse supérieure en cette
année là pour nous offrir une histoire tordue comme peuvent les
apprécier les amateurs de science-fiction. Ici, il ne s'agit pas
tant de placer des individus dans une boucle temporelle les enfermant
à une période donnée de leur existence avec pour conséquences
évidentes, l'apparition de paradoxes changeant fondamentalement le
cours du récit. Non, dans le cas présent, si pour eux les années
passent de manière tout à fait logique, l'événement
''fantastique''
qui vient perturber le cours de leur existence est tout d'abord
environnemental. Découpé en deux récits qui finiront par se
regrouper, El Incident
met tout d'abord en scène deux frères confrontés à un flic qui
pour des raisons qui demeurent totalement floues est décidé à les
emmener au commissariat. Problème : les escaliers qu'ils
empruntent ne les mèneront jamais jusqu'à l'entrée de l'immeuble.
Car allez savoir pourquoi, mais une fois atteint le premier étage,
celui du dessous n'est pas, comme voudrait la logique, le rez de
chaussée, mais se trouve être le neuvième. Autant dire, celui
qu'il empruntèrent tout d'abord. Comment dire... Si dans le cas
présent, il ne s'agit pas de boucle temporelle, le contexte s'en
approche de manière architecturale...
Ne
démarrant pas forcément sous les meilleures augures (image
dégueulasse de DTV,
cadrages de manchots façon caméra de surveillance), l'idée même
de trois individus piégés dans un lieu clos sans fin a pourtant de
quoi aiguiser l'appétit des amateurs de science-fiction audacieuse.
À travers quelques idées très simples mais décrivant le cadre
particulièrement étrange dans lequel baignent les trois hommes (de
loin, on pense notamment au fameux
Escalier de Penrose M.C.Escher),
on imagine déjà le potentiel de cette œuvre inattendue.
Malheureusement, on sent bien que le principe chez Isaac Ezban a ses
limites. Alors, pour contrer cette redondance qui semble se profiler
à grands pas, changement de décors. L'on découvre alors une mère
et ses deux enfants (dont une gamine asthmatique, l'un des grands
''classiques''
du cinéma d'angoisse!) ainsi que son compagnon sur la route qui doit
les mener tous les quatre à destination du père de Camilla (Paulina
Montemayor) et de Daniel (Gabriel Santoyo), les enfants en question.
Problème, là encore : c'est sur une route sans fin que se
déroule l'action. Usant de ficelles trop grosses pour être
crédibles (la gamine asthmatique et son ventripotent de beau-père
qui fait tomber son inhalateur avant de l'écraser sous la semelle de
sa chaussure!), cette seconde partie qui permet de prendre l'air
après avoir passé presque une demi-heure dans une cage d'escaliers
n'est au fond qu'une redite de la première...
Plutôt
que de se réinventer, El Incident stagne
autour d'un concept que le réalisateur mexicain ne maîtrise
malheureusement pas. Comparé à l'incroyable Predestination
de Michael et Peter Spierig datant de cette même année 2014 et dont
le scénario fut aussi limpide qu'alambiqué, le long-métrage de
Isaac Ezban faillit non seulement à se renouveler, mais parvient
même à s'auto-parodier lors d'une longue et pénible explication
finale qui tente de résoudre l'équation qui lie les deux récits et
explique le phénomène. Sauf qu'entre les propos ridicules du
vieillard qu'est devenu l'un des personnages, leur naïveté
confondante ou leur absence de logique, à moins d'être un physicien
quantique, un scientifique bardé de diplômes ou plus simplement
être dans la tête d'Isaac Ezban lui-même, impossible de capter le
sens du propos ! Plutôt que sortir de la projection avec le
sentiment d'avoir vécu une expérience cinématographique intense
(comme celle de Predestination),
on en ressort avec les yeux fatigués par l'ennui et une barre au
front. Une grosse déception, donc...
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