Le réalisateur colombien
Jaime Osorio Marquez tristement décédé le 23 décembre dernier à
l'âge de quarante-six ans dans des circonstances qui demeurent
actuellement inconnues a laissé derrière lui très peu de traces
d'une carrière de cinéaste trop rapidement écourtée par sa
disparition. Six épisodes d'une série télévisée en 2021 (Mil
Colmillos),
un second long-métrage en 2017 (Siete Cabezas),
mais surtout, de remarquables débuts sur grand écran avec le
démentiel El Páramo en
2011. Après être venu en France afin d'étudier et d'obtenir une
licence mention Arts du spectacle à l'université de Rennes 2 au
milieu des années quatre-vingt-dix, Jaime Osorio Marquez retourne en
Colombie en 2000 où il occupera notamment le poste de directeur
commercial de la compagnie de production télévisuelle Teleset
située
à Bogotá. On ans plus tard, il réalise donc son premier
long-métrage. Mélange de film de guerre, d'épouvante, d'horreur où
le fantastique est parfois suggéré. À chaque spectateur, alors, de
se faire sa propre opinion sur ce dernier élément que ne viendra
jamais vraiment confirmer la conclusion malgré des détails qui
semblent certifier la présence d'un esprit maléfique tout en haut
d'une montagne où se situe l'action. C'est là-bas, au sommet de la
crête du couteau
qu'est envoyée une poignée de soldats de l'armée colombienne
chargés de rejoindre un avant-poste qui depuis quelques jours ne
donne plus aucun signe de vie. Décors boueux, tranchées glissantes,
charnier où se repaissent de cadavres pourrissants des charognards,
brouillard épais... Jaime Osorio Marquez s'y connaît pour
installer une ambiance des plus sinistre...
Comme une longue alternative à l'ouverture du chef-d’œuvre d'Adrian Lyne, L'échelle de Jacob...
Le
festival international du film de Catalogne saura la même année
reconnaître et récompenser le réalisateur colombien en lui
octroyant le Prix du meilleur nouveau talent. Parmi les interprètes,
on reconnaîtra sans mal l'acteur Juan David Restrepo qui outre
l'inquiétant Ramos qu'il interprète ici débuta sa carrière chez
Barbet Schroeder en interprétant le rôle de Wilmar dans La
vierge des tueurs
en 2000. Dès le début des aventures de cette petite section de
soldats dans les hauteurs d'une montagne où la visibilité est
réduite à sa plus simple expression, la tension est déjà
palpable. Le caractère de chacun s'y développe assez vite et
participera très tôt du climat anxiogène qui ne retombera jamais
malgré la durée de El Páramo qui
avoisine les cent-dix minutes. Du sergent au comportement agressif
(l'acteur Andrés Castañeda), à la limite de la psychopathie, en
passant par le lieutenant (Mauricio Navas) qui très rapidement
perdra le contrôle de ses hommes et jusqu'à l'apparition de cette
femme étrange (l'actrice Daniela Catz), emmurée, un message
protégeant les éventuels visiteurs de sa présence qui auraient la
malencontreuse idée de la libérer. Fait qui, évidemment, prendra
forme immédiatement et sera à l'origine d'un massacre dont la
disparition des membres de l'avant-poste figurait pourtant pour le
lieutenant et ses hommes, comme un avertissement...
Ou lorsque Juan David Restrepo se prend pour Daniel Myrick et Eduardo Sánchez tout en les surpassant...
Courageux
interprètes qui osent braver des conditions de tournages
contraignantes. Juan David Restrepo, Daniela Catz, Andrés Castañeda,
Mauricio Navas, Mateo Stevel, Nelson Camayo et les autres acteurs
doivent en effet accepter de marcher dans la boue, l'atmosphère
étant de plus saturée par un taux d'humidité qui ne relâchera son
emprise que dans les tous derniers instants. Champs-contre-champs,
flous, éclairages, obscurité, cadrages, tout participe de
l'élaboration d'une œuvre qui tient au départ du film de guerre
pour se muer peu à peu en un authentique cauchemar. Si sombre, moite
et désespéré que le film, pourtant peu démonstratif en matière
d'hémoglobine, paraît être bien plus sanglant qu'il ne l'est en
réalité. La tension maintenue par les divers éléments que
constitue le récit (entre la présence supposée d'une sorcière, la
paranoïa qui s'empare des hommes et l'ambiance terriblement sinistre
projetée par le climat et le sentiment de danger permanent) est de
plus renforcée par une bande-son dont sont à l'origine les
compositeurs Ruy Folguera et Sebastian Hernandez. Oublions les
États-Unis, le Japon, l'Espagne ou même la France pour nous tourner
un temps vers la Colombie qui avec El Páramo
signe une excellente alternative dans le genre horreur...
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