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vendredi 3 décembre 2021

Piège de Jacques Baratier (1969) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

En mars 1970, le réalisateur et scénariste français Jacques Baratier et la société de production Argos Films (Nuit et brouillard d'Alain Resnais) lançaient une bombe surréaliste aussi enthousiasmante qu'Un chien andalou que réalisa l'espagnol Luis Buñuel en 1929 après en avoir écrit le scénario aux côtés de son compatriote Salvatore Dali. Pouvant être parfois envisagé comme l'ancêtre d'une œuvre aussi marquante que le Singapore Sling du grec Nikos Nikolaïdis, Piège est un moyen-métrage d'un peu moins d'une heure proprement hallucinant. Mais qu'est-ce qui peut bien pousser un cinéphile/phage à se lancer dans une telle projection ? Sans doute la présence à l'écran du romancier, essayiste et réalisateur espagnol Fernando Arrabal, ce trublion du septième art qui aux côtés du franco-chilien Alejandro Jodorowsky fut à l'origine du mouvement artistique Panique. Peut-être parce que les actrices française Bulle Ogier l(a blonde) et Bernadette Lafont (la brune) y interprètent les rôles principaux ? Deux voleuses qui s'introduisent dans la demeure d'un jeune homme (interprété par Jean-Baptiste Thierrée) avant d'y saccager scrupuleusement tout ce que celui-ci contient ? Avant de jouer avec la nourriture dans une forme de transe hallucinatoire absolument démentielle ? Ou alors, plus simplement pour l'histoire ? Intrigante, folle et cauchemardesque ? Dans un noir et blanc étouffant et souvent plongé dans une certaine obscurité, on découvre deux actrices dans une attitude peu commune. Sous l'emprise dont on ne sait quel démon de la luxure.


Tout débute dans un magasin dont la spécialité est la vente de pièges. C'est là qu'apparaît Fernando Arrabal qui dans un français approximatif explique au jeune homme qui vient d'entrer, les différences qu'il y a entre divers produits mis en vente. L'homme lui achète alors un piège à ours, retourne chez lui, l'installe et attend patiemment la venue des deux cambrioleuses. Lesquelles vont d'abord s'intéresser au coffre du propriétaire avant de tout détruire dans la demeure. Jusqu'ici, rien de vraiment ''anormal'' dirons-nous, à part sans doute un traitement narratif très curieux que l'on n'a honnêtement pas trop coutume de rencontrer de nos jours. Du cinéma intellectuel certainement très branché nouvelle vague (période durant laquelle le film est d'ailleurs réalisé) et donc, quelque part, indicible. Le principal intérêt de Piège, qui fut précédé la même année de prologue de piège qui lui ne s'intéressait qu'à la séquence mettant en scène Fernando Arrabal, se situe sans doute au moment même où les deux actrices semblent être comme possédées. Dévorant ou recrachant la nourriture dressée sur une table. Riant comme deux aliénées, agitées de spasmes, le visage blanc, les yeux et les lèvres maquillés de noir... Le spectacle qui se déroule sous nos yeux est à peine croyable. Comme le brouillon des séquences trash du Sweet Movie de réalisateur yougoslave Dusan Makavejev qui verra le jour quatre ans plus tard. L'image se déforme, mue par des voiles dont les circonvolutions sont l’œuvre d'une brise légère. Projetant nos deux harpies, les dédoublant, aidant ainsi à l'obtention de l'effet recherché. Car tout ceci n'est qu'un cauchemar. Du moins le réalisateur semble-t-il voir les choses ainsi. Le son n'est pas en reste. Distordu par des effets de réverbération, la sensation d'être emporté dans un tourbillon est plus concrète que jamais. Bulle Ogier et Bernadette Lafont s'y lâchent sans retenue jusqu'à ce que la pression se relâche quelque peu et que Fernando Arrabal ne réapparaisse afin de clore le récit...

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