Alors que la fin de cette
année 2021 va bientôt s'achever et qu'une nouvelle arrive avec dans
son sillage le variant Omicron,
quel film allons-nous retenir de ces de trois-cent soixante-cinq
jours qui se seront écoulés ? Quelques comédies françaises
si rares soient-elles à le mériter ? Des blockbusters toujours
aussi impressionnants visuellement mais manquant cruellement d'âme ?
Une toute petite poignée de films d'horreur qui ont comme
originalité de ne pas faire comme les autres en ne pillant pas leurs
prédécesseurs ? Des drames, des westerns, des films de guerre
ou d'aventure, des dessin-animés, des comédies musicales ou de
biopics ? À chacun de se faire sa propre opinion avant que les
compteurs ne soient remis à zéro pour une nouvelle vague constituée
de centaines, voire de milliers de nouveaux longs-métrages qui
permettront toujours de satisfaire les uns et les autres tout en les
désolant parfois, cela est inévitable. Il n'aura pas fallut aller
bien loin pour trouver le film qui aura remis quelques évidences en
question. Des certitudes qui déjà avaient explosées à maintes
reprises mais qui trouvent là leur aboutissement. Car si l'on croit
toujours qu'avec de l'argent, on parvient forcément à ses fins (ce
qui est souvent vrai), pas sûr que le public, lui, obtienne au final
le produit qu'il a payé une dizaine d'euros pour aller assister à
sa projection dans une salle de cinéma. Faut-il tout le génie d'un
Sam Raimi qui avec seulement 350 000 dollars accoucha en 1981 du film
culte Evil Dead
pour s'assurer de la valeur d'un film ? Oui, sans doute, même
si là, l'exploit s'exprimait à travers une imagination fertile et
une technicité hors du commun. Pour son premier long-métrage le
suisse Cyril Delachaux suit les rails d'une mode qui à de nombreuses
reprises a mis au monde de bons et de mauvais films reposant sur la
fin du monde telle que l'on la connaît ou l'imagine. De la
science-fiction post-apocalyptique qui au vu du nombre, penche le
plus souvent sur la balance, du côté de la médiocrité que de la
virtuosité...
Si
l'on ne devait trouver qu'un défaut à 2021,
c'est son titre. Car à quelques jours de la célébration du Nouvel
An,
on le sait maintenant, la fin du monde n'est pas encore arrivée.
Bien que certains alarmistes tentent au quotidien de nous faire
croire le contraire, ça n'est certes pas Omicron
qui décimera la population mondiale. Mais peut-être bien un jour
l'une de ces expériences menées par l'homme érigé en Dieu, lequel
échappa notamment à son annihilation dans Black
Hole
de Tibor Takács en 2006. Pourquoi cet exemple ? Parce que si je
ne suis pas encore passé de vie à trépas à cause d'une maladie,
d'un accident ou d'une balle perdue, je n'ai malheureusement pas pu
échapper dans la nuit qui vient de se dérouler à la vision de
cette engeance réalisée par le canado-hongrois. Il fallait donc que
je trouve un moyen rapide de prendre du recul avec le genre et
trouver une alternative des plus sûres. Ce qui semblait couru
d'avance avec 2021
dont le générique n'est parcouru que par le nom de son auteur.
Cyril Delachaux, ancien étudiant à l'école Cantonale d'Art du
Valais (ou ECAV)
de Sierre, s'avère en effet seul au poste de pilotage de ce premier
long-métrage intriguant. Réalisateur, scénariste, acteur,
producteur, monteur, ingénieur du son, photographie, décors,
costumes, maquillages, effets-spéciaux, mixage et musique sont tous
l’œuvre de ce jeune homme qui avec 2021
imagine à son tour les répercussions sur notre planète de
l'absence de toute trace ou presque de l'humanité après son
éradication par un triple flash vert dont nous connaîtrons plus
tard les origines...
Une
idée pas si farfelue notamment entretenue par l'excellent
documentaire La Terre Sans Les êtres Humain
qui vint nous donner une vision ultra-pessimiste de notre planète
après que l'homme ait disparu de sa surface. S'il paraît évident
que Cyril Delachaux ait emprunté le concept sans en élargir le
principe mais au contraire le réduire à sa plus simple expression,
le fait qu'il se soit chargé seul de mettre en scène, monter ou
encore interpréter son propre film donne à ce dernier un charme
qu'il n'aurait sans doute pas eu s'il avait bénéficié de moyens
financiers ou matériels plus importants. N'identifiant même pas son
personnage par un prénom, nous l'appellerons donc simplement Cyril.
Lequel est demeuré vivant parce qu'il était sous l'eau à filmer la
coque de son bateau à l'aide de sa petite caméra Go
Pro lorsque la catastrophe est survenue.
Un moyen sûr d'arriver à ses fins pour le réalisateur sans avoir à
débourser de grandes sommes d'argent pour les effets-spéciaux.
D'ailleurs, comment bénéficier d'un scénario aussi alarmiste (voir
nihiliste comme l'on pourra le découvrir beaucoup plus tard) et en
exploiter tout le potentiel à l'image ? Certainement pas en
jetant en pâture une nouvelle vague d'infectés ou des cadavres
jonchant le pavé et la campagne suisse. De ces derniers, la seule
trace qui demeurera de leur existence passée rappellera aux fans de
Stephen King la nouvelle Les langoliers
(et son adaptation télévisée pas si calamiteuse qu'on pourrait
croire) dans laquelle certains passagers d'un vol à destination de
Boston disparaissaient en laissant derrière eux tout un attirail
''vestimentaire''...
Plutôt
que de geindre et d'espérer trouver quelques survivants, notre héros
solitaire semble prendre la pleine mesure de ce qui peut faire
l'intérêt de l'extinction d'une espèce pour laquelle il ne semble
avoir que peu d'engouement. Sentiment partagé ou non par le
spectateur, ce qui fera par contre l'unanimité, ce sont les fabuleux
décors de la région dont il s'est fait avec 2021,
l'un de ses plus précieux représentants. Car en effet, les décors
sont grandioses, somptueux. Aidé de sa petite caméra, Cyril
Delachaux investi le décors et nous conte l'excursion de l'un des
très rares survivants d'une catastrophe ''nucléaire''. Seul à
bord, le réalisateur et scénariste prouve que même sans un rond,
on peut parvenir à égaler les meilleurs dans le domaine et même
parfois les surpasser. Les errances du personnages sont souvent
magnifiques, accompagnées de ses propres compositions ainsi que de
quelques musiques additionnelles, seules entorses au concept. D'une
durée n'excédant pas les soixante-dix minutes (le film en fait même
un peu moins), 2021
est une œuvre intelligemment écrite et mise en scène. Bien que le
principe soit relativement simple et que le film ne cherche pas
spécialement à en mettre plein la vue en terme d'effets-spéciaux,
le récit fascine par son avancée progressive et parfois cotonneuse.
Jusqu'à son dernier acte (le film est en effet découpé en
plusieurs chapitres) lors duquel intervient un élément nouveau,
inattendu et que Cyril Delachaux choisit lui-même de confirmer ou
non. Avec peu de moyens mais un sens inné du montage (le travail
accompli y prend notamment toute son envergure), ce jeune réalisateur
plein de promesses fait la nique à la concurrence. Humble mais
remarquablement troussé, 2021 est
sans doute l'un de ces derniers longs-métrages qui méritent d'être
découverts avant que l'année ne s'achève...
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