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samedi 30 octobre 2021

Si j'étais un espion de Bertrand Blier (1967) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Bien avant Les Valseuses, Calmos, Préparez vos mouchoirs, Buffet Froid ou Tenue de soirée, le réalisateur, scénariste et écrivain français Bertrand Blier tournait en 1967 son tout premier long-métrage de fiction. Quatre ans après avoir mis en scène le documentaire Hitler, connais pas, ce jeune homme alors âgé de vingt-huit ans seulement (il en a quatre-vingt deux aujourd'hui) réalisait un long-métrage qui ne se situait pas encore dans la veine satirique de ses futures œuvres même si l'on sentait déjà pointer la verve corrosive de ce dialoguiste de génie, digne fils spirituel de Michel Audiard. Tourné en noir et blanc et déjà interprété par son père Bernard Blier avec lequel il tournera à deux autres occasions en 1976 dans Calmos, chef-d’œuvre absolu de l'antiféminisme ainsi que trois ans plus tard en 1979 dans Buffet Froid qui reste sans doute, le meilleur film de Bertrand Blier. Mais revenons en 1967. Bernard Blier incarne dans Si j'étais un espion, le docteur Lefèvre. Un médecin généraliste comme il en existe des milliers dans notre pays. Parmi ses patients se trouve un certain Guérin. Et c'est justement à lui que Lefèvre doit rendre visite ce jour là. Mais alors que le médecin se trouve devant sa porte, il a beau sonner mais personne ne vient lui ouvrir. Après avoir croisé le chemin de Geneviève Laurent (l'actrice Suzanne Flon) qui elle aussi aimerait savoir où se trouve Guérin, le docteur Lefèvre tourne les talon et repart à son cabinet pour recevoir bientôt la visite de Kruger (l'acteur Pierre Le Rumeur), le chef d'une bande qui tente de lui soutirer des informations concernant Guérin. Mais le médecin n'étant pas du genre à délivrer des renseignements au premier venu, et surtout pas lorsqu'il s'agit de l'un de ses patients, celui-ci refuse. Kruger met alors entre les pattes de Lefèvre l'un de ses hommes de main, Matras (Bruno Cremer) et le menace de s'en prendre à sa fille Sylvie (Patricia Scott) s'il ne fait pas exactement tout ce qu'il lui dit...


L'avantage avec Bernard Blier, c'est que quel que soit le film dans lequel il apparaît l'on est sûr de passer un agréable moment. Le genre d'acteur qui vous transforme un bousin sinon en lingot d'or, du moins en un produit beaucoup moins malodorant. Ce qui n'est heureusement pas le cas ici puisque pour un premier long-métrage, Si j'étais un espion révèle déjà un talent certain pour la mise en scène chez Bertrand Blier que l'on compare alors plus ou moins justement au célèbre Alfred Hitchcock. Mais à dire vrai, une grosse dizaine d'années plus tard, les critiques auraient surtout pu comparer ce premier long-métrage avec non pas l’œuvre du cinéaste britannique naturalisé américain, mais avec un film. Signé de Jacques Deray et sorti dans les salles françaises le 3 mai 1978. Car en effet, rien ne semble vouloir diriger son personnage principal dans une même impasse que celui de Roland Fériaux qu'interprétera alors Lino Ventura dans Un papillon sur l'épaule. Le docteur Lefèvre qu'incarne admirablement le père du réalisateur se retrouve dans une situation pas tout à fait ubuesque, mais presque. Disons, kafkaïenne. Surtout que Bertrand Blier cultive le mystère autour de ces individus passablement noctambules. Le docteur Lefèvre n'échappe d'ailleurs pas lui non plus à cette approche trouble de son personnage. Majoritairement tourné de nuit, l'aspect ''obscurantiste'' du scénario et cette volonté étroite de n'en point révéler davantage que nécessaire sème un certain désordre et pourra faire naître dans l'esprit du spectateur un sentiment d'angoisse.


Comme le voyage d'un individu en terrain méconnu, site privilégié pour une certaine forme d'appréhension. Car oui, Si j'étais un espion est traversé par une vague de suspicion qui mène directement à la paranoïa. Aidé non seulement par la présence à l'image de son père mais également par celles de Bruno Cremer qui incarne un ''gardien'' inquiétant bien qu'étant parfois... ''réconfortant'' (surtout si on le compare à celui qui donne les ordres), de Claude Piéplu dans le rôle de Monteil, ami du docteur Lefèvre ou de Suzanne Flon qui n'apparaît malheureusement que sporadiquement à l'écran, Bertrand Blier réalise avec Si j'étais un espion, un très bon premier film, déjà riche de promesses quant à la future carrière du réalisateur. Notons que le scénario reposa sur l'écriture à six mains de Jean-Pierre Simonot, Jacques Cousseau et Philippe Adrien. Que l'histoire originale est l’œuvre de Bertrand Blier lui-même ainsi que du dramaturge Antoine Tudal. Que la musique est signée de l'immense Serge Gainsbourg (certains passages évoquent même très vaguement son Requiem pour un con) et qu'elle fut orchestrée par l'arrangeur et compositeur français Michel Colombier. Ah, j'allais oublier. Notons également que Bertrand Blier fut tout de même aidé par l'assistant-réalisateur Gérard Guérin qui œuvre notamment sur les tournages du Corniaud ou de La grande Vadrouille de Gérard Oury. Deux solides références tout de même... Si j'étais un espion mérite donc d'être (re)découvert d'urgence, et notamment par les fans de celui qui demeure l'un des plus grands cinéastes hexagonaux même si depuis quelques années Bertrand Blier semble avoir malheureusement quelque peu perdu de sa verve (Convoi exceptionnel)...

 

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