La servante du
réalisateur sud-coréen Kim Ki-young est de ces miracles que la
restauration permet aujourd'hui de redécouvrir. Il est impensable
d'imaginer que le Roman Polanski de Répulsion ou
le Nikos Nikolaïdis Singapore Sling
aient pu concevoir leur œuvre sans avoir été un tant soit peu
inspirés par ce long-métrage envoûtant et nauséeux qui ne fait
pas que s'inspirer d'un fait divers authentique mais ressemble bien à
ce que certains foyers subissent encore actuellement. Dans un
contexte où s'est installé un régime militaire après la prise de
pouvoir par le dictateur Park Chung-Hee, la liberté d'expression se
résume à une peau de chagrin. Une toute petite fenêtre par
laquelle va s'engouffrer alors Kim Ki-young qui, plus par volonté de
s'extraire du carcan classique du romantisme que d'une volonté
farouche de provoquer la ire des dirigeants du pays, choisi de mettre
en scène un couple, ses enfants et leur servante. Le jeu de
séduction de celle-ci pervertit l'homme, le professeur de piano Kim
Dong-sik, qui pour soulager son épouse enceinte des responsabilités
d'une femme d'intérieur, en engage une seconde sur les conseils de
l'une de ses élèves. L'actrice Lee Eun-shim personnifie à
merveille cet esprit de malveillance qui transpire d'abord à travers
son regard puis son attitude d'abord ambiguë avant d'être
ouvertement pernicieuse...
La servante
accouche d'une créature absolument monstrueuse dont les intentions
auront bien du mal à trouver auprès des spectateurs les éléments
permettant de lui pardonner la plupart de ses actes. Est-il possible
de l'absoudre du cauchemar dans lequel elle va plonger cette famille
qui avait tout pour être heureuse ? Le long-métrage de Kim
Ki-young bénéficie d'une partition cacophonique aussi terrifiante
qu'assourdissante signée du compositeur Han Sang-ki. Une musique qui
n'accompagne plus les personnages en arrière-plan mais qui au
contraire agit de manière très concrète et stridente sur les
événements. Han Sang-ki accentue l'horreur de la situation à
grands renforts de cuivres martelant chaque intervention de la
vénéneuse Myeong-sook. Le réalisateur sud-coréen joue au yoyo
avec les sentiments et les sensations du spectateur en essayant de
faire passer tantôt sa servante pour la victime du drame qui se joue
au sein de cette famille honorable, tantôt pour le monstre de
perversité qu'elle incarne lors de phases maniaco-dépressives. Nous
sommes donc face aux intentions perfides d'un scénario écrit par le
réalisateur lui-même. Un drame horrifico-psychologique dont il
demeure difficile de ressortir indemne. Dans un noir et blanc
restauré dont la qualité laisse malheureusement parfois à désirer,
La servante
tétanise, marque profondément par la noirceur, la folie et le
pessimisme qui s'en dégagent. Un authentique monument du septième
art qui en 2010 fut l'objet d'un remake sous le titre The
Housemaid,
lequel sera réalisé par
le sud-coréen Im Sang-soo...
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