Pour ce second article du
cycle consacré aux thrillers français, j'ai choisi d'aborder
Effraction.
Une œuvre méconnue qui mérite cependant d'être célébrée pour
ses qualités. Et parmi ces dernières, l'interprétation de ses
trois principaux acteurs dont deux au moins se retrouvent ici dans
une situation contraire à celle à laquelle on pourrait s'attendre.
Bruno Cremer, pour commencer. Son charisme, ses un mètre
quatre-vingt trois et son gros timbre de voix ne l'empêchent pas ici
d'incarner le rôle de l'une des deux victimes qui vont avoir maille
à partir avec Jacques Villeret et ses dix-sept centimètres de
moins. Petit, trapu, mais nerveux en sociopathe à la gâchette
facile. La seule des trois que l'on s'attend à voir dans le rôle
qui lui est confié reste encore la superbe Marlène Jobert, plus
séduisante que jamais. Avec Bruno Cremer, ils forment un couple dont
la passion amoureuse pourtant fort récente (ils viennent de se
rencontrer dans un aéroport) crève l'écran. Une soif d'amour qui
les poussera jusqu'aux portes d'un hôtel qu'ils regretteront sans
doute ensuite toute leur existence d'avoir franchi. Car c'est là
qu'est venu se réfugier pour une nuit Valentin Tralande
qu'interprète donc Jacques Villeret, qui à la suite d'un hold-up
meurtrier (affolé, il va tué plus tôt dans la journée tous ses
complices ainsi que les clients et les employés de la banque qu'il a
braquée) n'est pas encore tout à fait en cavale puisque la police
n'a toujours pas idée de son identité...
En
route, il croise divers individus qui échappent de peu à la mort
(on notera notamment la furtive apparition du chanteur Florent Pagny
dans le rôle de l'une de ses victimes contraintes de l'aider à
fuir)... Rencontre avec une prostituée, passage dans
un bar à l'ambiance morose... quelques séquences sans réelle
interaction avec les événements mais qui sont d'une manière
générale entrecoupées par des scénettes mettant en avant le
couple Marlène Jobert/Kristine-Bruno Cremer/Pierre dans leur
''cavale'' amoureuse, entre un petit restaurant de campagne et
l'hôtel en question dont le principal intérêt est tout d'abord de
clore cette première partie d'une durée avoisinant les trente-cinq
minutes lors desquelles le réalisateur Daniel Duval utilise ce temps
afin de caractériser ses personnages. Et cela fonctionne plutôt
bien puisque alors que Jacques Villeret déploie tout son talent pour
faire de son personnage un individu particulièrement inquiétant,
Marlène Jobert et Bruno Cremer se révèlent tout les deux fort
attachants. Une fois cette première partie achevée, Effraction
prend
une tournure beaucoup plus dramatique quoique fort divertissante.
Après
un acte d'une noirceur moite, le long-métrage de Daniel Duval mue en
une cavale sans réelle issue, le criminel poursuivant sa fuite
aveugle accompagné de ses deux otages Kristine et Pierre tandis que
les autorités déploient voitures de gendarmerie et hélicoptères
afin de retrouver le meurtrier au cœur d'un décor parfois grandiose
(les impressionnantes gorges de Vésubie situées dans le département
des Alpes-Maritimes)... Se terminant de manière fort violente, le
sentiment d'angoisse lié au sort qui pourrait être accordé à
Kristine et Pierre est prégnant. N'abusant jamais du moindre
artifice stérile, Daniel Duval signe une œuvre efficace, entre
drame et thriller sur fond de course-poursuite entre un criminel
notoire et les autorités. Notons également la présence à l'écran
de Jean-Pierre Dravel et Robert Darame dans les rôles respectifs du
commissaire et de son adjoint ou de Magali Leris dans celui de la
prostituée. Daniel Duval parvient à saisir le moindre regard et à
transformer chaque individu qu'est amené à croiser Valentin
Tralande en un témoin hypothétique de sa cavale. Signalons
également la musique entêtante signée du pianiste de jazz français
Maurice Vander qui parcourt le long-métrage de son ouverture jusqu'à
sa conclusion. Effraction est
donc une excellente surprise, interprété par trois acteurs solides
et surtout, un film qui mérite d'être redécouvert presque quarante
ans après sa sortie sur les écrans français...
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