Lorsque l'allemand
Constantin Wulff tourne le documentaire Ulrich Seidl - A
Director at Work,
c'est avec en tête l'idée bien précise de dresser un portrait du
réalisateur et scénariste autrichien Ulrich Seidl dont les méthodes
de travail ne ressemblent à celles d'aucun autre cinéaste. Et sans
doute aussi pour faire taire ceux qui voient d'un mauvais œil son
approche du septième art ou sa vision de l'humanité. Toujours à la
recherche de concitoyens prêts à se livrer devant l'objectif de sa
caméra, la filmographie d'Ulrich Seidl n'est pas du genre à laisser
indifférent. Qu'il s'agisse de sa trilogie de fictions réunissant
les trois volets : Paradies: Liebe,
Paradies: Glaube
et Paradies: Hoffnung ou
qu'il s'adonne au plaisir du documentaire qui lui permettent de
rencontrer ses voisins autrichiens comme cela peut être le cas avec
Tierische Liebe
ou Jesus, Du weisst,
Ulrich Seidl n'est pas le genre d'auteur à conditionner son œuvre
en fonction de codes moraux préétablis. Non, lui préfère laisse
libre cours à l'inspiration de ses interprètes d'un jour, qu'il se
doit à l'occasion de guider en raison de certaines maladresses.
Tourné en 2014, Ulrich Seidl - A Director at
Work
tombe au moment même où l'autrichien tourne le documentaire
Im Keller
et durant la période des répétitions de sa pièce de théâtre
Böse Buben/Fiese Männer inspirée
de la nouvelle de l'écrivain américain David Foster Wallace Brefs
entretiens avec des hommes hideux
mais aussi très certainement par son dernier long-métrage en
question. Comme dans la plupart de ses films et documentaires, on
rentre ici dans l'intimité cinématographique d'Ulrich Siedl et dans
ses méthodes de travail qui peuvent paraître fort rudimentaires...
Avec
sa bonhomie et sa patience, son rythme lent et sa bonne bouille, le
réalisateur parvient à obtenir de ses vedettes éphémères
qu'elles se livrent sans retenue devant la caméra. Mais dans Böse
Buben/Fiese Männer,
il est pris à son propre jeu. C'est lui la vedette, lui que vise
l'objectif de la caméra, lui qui se donne même pourtant avec la
plus grande des réserves. Avec son regard d'homme, sur d'autres que
lui, son analyse et sa manière d'apporter des réponses logiques à
des comportements qui semblent n'avoir de cohérence que dans
l'esprit de celles et ceux qui en sont les acteurs. Böse
Buben/Fiese Männer
fera du bien à ceux qui suivent la carrière de ce réalisateur
essentiel, de près, de loin, depuis peu ou depuis ses débuts. Une
œuvre fascinante qu'il a bâti avec la plus grande des patiences. Un
aventurier qui ose braver les interdits, en allant frapper chez les
gens et les filmer tels qu'ils sont. Sincères. Mais surtout, avec ce
documentaire, Constantin Wulff démystifie l'homme et son œuvre.
Car Ulrich Seidl s'y montre à l'exacte opposée du voyeur qu'il
semble être et ses ''personnages'' plus attachants que l'image de
''créatures étranges'' qu'ils peuvent afficher au premier abord.
Dans l'esprit de l'émission de télévision Strip-Tease
créée en 1985 et d'abord diffusée sur la première chaîne belge
RTBF1,
l’œuvre démontre la passion que voue l'autrichien pour ses
semblables. La frontière entre fiction et réalité qui pouvait
encore être très largement soulignée jusque là s'efface
complètement devant les images de ce documentaire. On ne sait plus
alors qui est dans l'interprétation et qui témoigne de son
quotidien. Les fans du réalisateur seront conquis en le découvrant
pratiquer son exercice. Un témoignage absolument indispensable qui,
si j'osais émettre une remarque, manque peut-être de n'avoir pas su
s'appuyer davantage sur les déclarations d'Ulrich Seidl que sur
l'intervention de certains de ses fidèles interprètes.
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