Pour son tout premier
long-métrage après une poignée de courts réalisés entre 2013 et
2018, le réalisateur Jonathan Cuartas signe avec My Heart
Can't Beat Unless You Tell It To
une œuvre très particulière. De ces films qui choisissent pour
thématique le vampirisme pour en explorer des facettes beaucoup plus
intimistes, quitte à opter pour une vision réaliste du concept. Car
ici, Thomas, le cadet d'une fratrie complétée par Dwight et leur
sœur Jessie, n'est pas de ces créatures qui craignent l'ail, les
crucifix et auxquels poussent de longues canines leurs permettant de
sucer le sang de leurs proies. Tout juste la lumière du soleil lui
est néfaste. Respectivement interprétés par Owen Campbell,
Patrick Fugit et Ingrid Sophie Schram, ces trois membres d'une même
famille soudés au point d'en être capable de commettre des meurtres
pour le bien de l'un d'entre eux ne sont pas de ceux qui l'on
oubliera de sitôt. Et pour cause, les uns et les autres interprètent
leur rôle avec la très forte conviction de marquer d'une nouvelle
pierre le mythe du vampirisme. Mais ici, pas de chichis, ni de
surabondance en matière d'hémoglobine. Mais avec son caractère
réaliste, sa noirceur et son pessimisme, My
Heart Can't Beat Unless You Tell It To
a parfois l'air de diffuser une horreur graphique plus significative
qu'elle ne l'est en réalité. Parfois brutal, le long-métrage est
le douloureux message d'un homme et de sa sœur qui ont tout sacrifié
pour que leur jeune frère puisse survivre à l'étrange mal qui le
contraint à boire du sang humain. Si My Heart
Can't Beat Unless You Tell It To
semble parfois se référer au classique de George Romero, Martin,
il s'en éloigne du fait que le mal agit ici davantage d'un point de
vue physiologique que psychologique...
Ici
l'on échappe à cette vision aristocratique du mythe, à cette
volonté de reproduction pour que perdure l'espèce. Au contraire,
l'action se situe dans un contexte social rudimentaire et l'idée
même de prolonger la lignée ne fait clairement pas partie du
processus entamé par Dwight et Jessie. Eux ne veulent qu'une chose :
que leur jeune frère Thomas vive, quitte à lui procurer le sang
dont il a besoin pour rester en vie. Ce qui donne lieu alors à un
étrange ballet, l’œuvre prenant l'apparence d'un film de tueurs
en série dans lequel la nécessité de tuer ne relèverait plus ni
d'une psychose, ni d'une perversion mais d'un besoin fondamental.
Rythme minimaliste se conjugue ici avec des saillies d'une violence
don le réalisme les rend particulièrement éprouvantes. Le sang
pisse, recouvre les murs, les mains se parent de ''gants'' rouge
carmin et les lames de couteaux s'extraient des plaies dans une
douleur que même le spectateur aura l'occasion de ressentir. Mais
surtout, My Heart Can't Beat Unless You Tell It
To
est un message d'amour... fou, pour un monstre au visage on ne peut
plus humain. Owen Campbell est bouleversant dans le rôle de Thomas,
cet adolescent au regard intense qui désire se faire des amis tout
en sachant que cela lui est impossible. Quant à Patrick Fugit et
Ingrid Sophie Schram, en incarnant les frère et sœur Dwight et
Jessie, il épousent le concept de lien familial. De cet amour qui
quoi que cela puisse en coûter, va les pousser à commettre des
actes d'une très grande violence...
Sur
un rythme qui risque de décontenancer une partie de son public,
Jonathan Cuartas traite le personnage de Thomas non pas comme une
créature repoussante et aux agissements abjectes (au même titre que
ceux perpétrés par sa sœur et son frère), mais comme la victime
d'un sort qui l'empêche de vivre comme n'importe quel adolescent de
son âge. Minimaliste, souvent très lent dans son développement,
son traitement semble parfois le rapprocher du très ennuyeux et très
prétentieux A Ghost Story
réalisé il y a quatre ans par David Lowery mais My
Heart Can't Beat Unless You Tell It To lui
est très largement supérieur en terme d'émotion et
d'interprétation. Moins film d'auteur que long-métrage prenant le
temps de réfléchir sur la situation de ses personnages, le
réalisateur signe avec ce premier format long une œuvre qui
n'attendra pas le nombre des années pour devenir une référence.
Une alternative au genre très encombré du vampirisme sur grand
écran, brillante, à l'exceptionnelle interprétation et à la mise
en scène sobre mais efficace. Un must...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire