Des dingues à la manière
de Karen et Eulis, le cinéma en a pondu des dizaines. Des centaines,
même. Parmi lesquels demeure les plus célèbres d'entre tous. Les
membres de la famille Sawyer de Massacre à la
tronçonneuse
de Tobe Hooper. L’œuvre de Devereux Milburn, sa première en long
format, entretient d'ailleurs bien plus que l'évocation de ces
créatures qui n'ont conservé d'humain que l'apparence. Ici, rien
d'extraordinaire puisque ces époux (ou ces frère et sœur ?) ont
trouvé la parade leur permettant de survivre dans une région des
États-Unis où un parasite s'est attaqué à leurs récoltes. Comme
Leatherface et les siens qui en leur temps ont dû surmonter le
chômage, Karen et Eulis piègent les touristes et en font le menu de
leurs repas. Ce qui peut paraître comme une révélation assez mal
venue dans cette critique demeure pourtant une évidence telle qu'on
devine assez rapidement ce que vont subir durant presque cent-dix
minutes Rylie et son compagnon Sam (ce dernier étant interprété
par Sawyer Spielberg, le fils de Steven Spielberg). Fallait pas
dormir dans un champ sans en avoir demandé la permission à son
propriétaire. Fallait encore moins écouter ses indications et aller
se jeter droit dans la gueule du loup. Enfin, fallait surtout pas
frapper à la porte de cette vieille et très étrange femme dont le
sourire est dès l'entame, la promesse d'une déviance psychologique
particulièrement prononcée...
Incarnée
par Barbara Kingsley, Karen est de ces femmes âgées qui depuis
quelques années sont à la mode sur grand écran et notamment dans
les films d'épouvante. Visage souriant cachant de sombres pensée et
une détermination sur laquelle les suppliques n'ont aucun impact.
Visuellement, Honeydew
est typiquement le genre de long-métrage auquel le fan de Massacre
à la tronçonneuse ou
de Nuits de cauchemar de
Kevin Connor pouvait s'attendre. Une ferme isolée, une vieille
demeure, un intérieur chargé constitué d'éléments très
significatifs du degré de dégénérescence qui y règne (le
réfrigérateur absolument dégueulasse !), une nourriture
douteuse et des propriétaires pas très nets. Même notre couple de
victimes est assez étrange. Sam plus que Rylie (l'actrice Malin
Barr) d'ailleurs. Le bonhomme soliloque de jour comme de nuit. Pas
vraiment le genre de personnage auquel on s'attache d'emblée. Et au
fond, pas davantage par la suite. Plus que de se préoccuper de ses
deux victimes, le réalisateur s'intéresse davantage au personnage
de Karen, laquelle lui semble si fascinante à mettre en scène que
la véritable héroïne de ce récit, c'est elle. Alors, Honeydew
n'est-il qu'une resucée sans âme du classique réalisé en 1974 par
Tobe Hooper ? La réponse est... non ! Car faut-il le
préciser, Honeydew
est dans la forme, un véritable Objet Filmique Non Identifié. Tout
concours à faire du long-métrage de Devereux Milburn une œuvre
vraiment originale. Dès le générique, on est étonné par
l'approche du réalisateur qui ici, s'est également chargé lui-même
de l'écriture du scénario...
De
split-screen diagonaux en salmigondis de monologues, la forme est
inédite et franchement pas inintéressante. Et puis, qui voudrait
d'emblée jeter aux orties ce qui s'offre à nous comme l'éventualité
d'un retour aux sources jamais vraiment égalé depuis les
origines ? Malheureusement, Honeydew
a tendance à trop s'étirer sur la longueur. Le récit se traîne
sur une heure et quarante-sept minutes là où soixante-quinze ou
quatre-vingt auraient largement suffit. Dès lors que Sam et Rylie
sont pris au piège, le réalisateur applique consciencieusement la
même recette jusqu'à la dernière minute. Tout ou presque tourne
autour de Karen, de son sourire et de ses monologues aussi déviants
qu'inquiétant. Ça n'avance jamais et l'on flaire à des lieues à
la ronde la tournure que vont prendre les événements. La fin est
longue, terriblement longue, comme si Devereux Milburn tentait de
résister à l'envie de mettre un terme au récit. Quelques éléments
rappelleront aux fans du cinéaste, l'un des chefs-d’œuvre de
David Lynch, Eraserhead,
mais au fond, Honeydew
n'est pas le petit bijou que l'on pouvait pressentir durant le
premier quart-d'heure. Malgré certaines trouvailles du réalisateur
et malgré la partition musicale du compositeur John Mehrmann,
laquelle participe pourtant à l'intrigante bizarrerie du concept, on
ne peut être que déçus...
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