L'acteur Klaus Kinski et
le réalisateur Werner Herzog ont en commun leurs origines, cinq
longs-métrages de fiction (Aguirre, la colère de Dieu
en 1972, Nosferatu Fantôme de la Nuit et Woyzeck
en 1979, Fitzcarraldo en 1982 et enfin Cobra
Verde en 1987), ainsi qu'une poignées de documentaires les
mettant en scène tous les deux lors de leurs divers tournages en
commun dont les fascinants Burden of Dreams de
Les Blank réalisé en 1982 et My Best Fiend
signé de Werner Herzog lui-même en 1998. Après avoir écrit il y a
de cela quelques années des articles consacrés aux quatre premiers
longs-métrages coopératifs entre les deux hommes, il fallait bien
que j'aborde enfin le dernier d'entre eux. Cobra
Verde
fait voir du pays aux deux hommes, à l'équipe technique et aux
spectateurs puisque le film partage son intrigue entre le Sertão qui
est une région du Brésil située dans l'arrière pays, le Ghana et
enfin le Bénin. Werner Herzog et son acteur fétiche quittent le
Pérou de Aguirre, la colère de Dieu
et Fitzcarraldo,
traversent l'océan Atlantique pour se rendre dans des régions
particulièrement arides pour donner vie à l'adaptation du roman The
Viceroy of Ouidah
du romancier britannique Bruce Chatwin sorti au tout début des
années quatre-vingt. Égal à lui-même, Klaus Kinski va y incarner
un personnage outrancier dans la démesure. Caricatural diront
certains mais toujours aussi impressionnant malgré ses soixante ans
passés. L'acteur allemand n'est pas l'unique interprète du
réalisateur à avoir déjà collaboré avec Werner Herzog. On y
retrouve effectivement José Lewgoy et Peter Berling qui tous deux
tournèrent dans Fitzcarraldo,
le second ayant même tenu le rôle de Don Fernando de Guzman dans
Aguirre, la colère de Dieu)...
Le
long-métrage situe tout d'abord son action à la fin du dix-neuvième
siècle dans le Sertão tandis que l'éleveur Francisco Manoel da
Silva (qu'interprète donc Klaus Kinski) perd ses récoltes et son
bétail suite à la sécheresse. Devenu plus tard un voleur redouté
par les habitants de la région, il est pris sous l'aile de Dom
Octávio Coutinho (José Lewgoy), riche propriétaire d'une très
vaste plantation de canne à sucre. Après avoir découvert que ses
trois filles ont été engrossées par Francisco Manoel da Silva que
tout le monde surnomme Cobra
Verde,
l'un des proches conseille à Dom Octávio Coutinho d'envoyer ce
dernier sur les terres d'un certain Bossa Ahadee, roi du Dahomey
(campé par Son Altesse l'Omanhene Nana Agyefi Kwame II de Nsein, un
petit village du Ghana) afin de négocier l'achat de nombreux
esclaves. Mais ce que ne sait pas Francisco Manoel da Silva, c'est
que le producteur de sucre l'envoie en fait à la mort. En effet, le
roi du Dahomey ne supportant pas que l'homme blanc ou que de
quelconques étrangers foulent ses terres, il a pour habitude de les
faire tuer par ses soldats. Mais alors que les jours de da Silva
semblaient comptés, celui-ci va collaborer auprès du neveu du roi,
bien décidé à prendre le pouvoir avec l'aide de l'homme blanc dont
il vient de sauver la tête...
Et
à Klaus Kinski et Werner Herzog de débarquer maintenant en Afrique,
sous une chaleur torride qui se lit sur le visage en sueur de
l'acteur qui pourtant, malgré l'étouffante atmosphère, ne se
ménage pas. Comme il le fit avec les indigènes du Pérou plus de
dix ans en arrière, le réalisateur emploie désormais des centaines
d'autochtones de la région, donnant une couleur toute particulière
à sa dernière collaboration auprès du colérique Klaus Kinski.
Parfois à la limite du documentaire, Cobra Verde
est
surtout un somptueux voyage en terres africaines que le réalisateur
nous fait découvrir à son rythme, sans trop se presser, avec ce
sentiment très étrange que nous fait ressentir la partition
musicale de l’indécrottable groupe phare du rock choucroute auquel
le réalisateur faisait régulièrement appel à l'époque. En effet,
sous l'égide de Florian Fricke (disparu maintenant depuis vingt ans
à seulement cinquante-six ans), le fondateur du groupe, la musique
de Popol Vuh épouse parfaitement les contours visuels de certaines
séquences réellement ''trippantes''. Une œuvre mêlant une
certaine idée du colonialisme (l'homme blanc prenant possession ici
d'une stupéfiante bâtisse et agissant comme l'ambassadeur d'un
peuple jusqu'ici abandonné à son triste sort). Plutôt que de clore
avec Cobra Verde
un cycle de cinq films, Werner Herzog semble davantage mettre un
terme à une trilogie au centre de laquelle la nature y exprime toute
sa beauté. Sans doute moins impressionnant que Aguirre,
la colère de Dieu
ou Fitzcarraldo,
Cobra Verde
souffre en outre d'un doublage en allemand tantôt approximatif, mais
plus assurément en inadéquation avec les autochtones du pays.
Malgré tout, cette dernière collaboration entre l'acteur et son
réalisateur demeure une très belle expérience cinématographique...
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