Lors d'un déjeuner dans
un grand restaurant en compagnie de Flavert, l'un de ses employés,
le chef d'une grande entreprise Frédéric Delamont fait la
connaissance de Nicolas Rivière. Serveur depuis très peu de temps,
il goûte sur demande de Frédéric le plat qu'il vient de lui
servir. Dès lors, le chef d'entreprise lui propose un emploi
richement rémunéré : Nicolas accepte de devenir le goûteur
de Frédéric. Mais ce qui ne devait devenir qu'une relation
professionnelle entre un homme et son employeur va se muer peu à peu
en une relation malsaine ayant des conséquences désastreuses pour
Nicolas dont le couple qu'il forme avec la libraire Béatrice va très
rapidement battre de l'aile. Avili et manipulé, Nicolas n'est plus
seulement le goûteur de Frédéric mais se plie à la moindre de ses
exigences. Au fil des jours et des semaines, la distinction entre les
deux hommes et de plus en plus ténue. Se ressemblant presque comme
deux gouttes d'eau, ils se rapprochent de plus en plus, s'installent
ensemble dans la luxueuse demeure de Frédéric, et pourtant... Ce
dernier continue à mener la danse auprès d'un Nicolas dont il ne
cesse de dévorer le cerveau. Une Affaire de Goût,
le second long-métrage de l'ancien journaliste et écrivain français
Bernard Rapp après le sympathique Tiré à Part
réalisé trois ans auparavant et adapté du roman de Jean-Jacques
Fiechter, gagne en profondeur et en maîtrise.
Adaptant
désormais le roman Goûter
n'est pas Jouer de
Philippe Balland en compagnie du scénariste et écrivain Gilles
Taurand, Bernard Rapp signe un second film prenant. Un thriller
intimiste redoutablement efficace et porté par la superbe
interprétation du duo formé par Bernard Giraudeau et Jean-Pierre
Lorit. Une Affaire de Goût
remonte
le court du temps. De la rencontre entre les deux principaux
personnages (auxquels il ne faudra pas oublier d'ajouter la
participation de l'excellente Florence Thomassin dans le rôle de
Béatrice) jusqu'au drame que tentent d'expliquer alors les
protagonistes lors de témoignages effectués auprès d'un magistrat
(Jean-Pierre Léaud) et d'une juge d'instruction. Parmi les divers
interprètes, nous retrouvons également dans le rôle du cuisinier
René Rousset, l'acteur Charles Berling, Artus de Penguern dans celui
de Flavert, Laurent Spielvogel dans la peau du docteur Rossignon ou
encore Patrick Zimmermann dans celle du chauffeur de Frédéric.
Véritablement porté par un Bernard Giraudeau aussi bien
''monstrueux'' dans son attitude envers Nicolas Rivière que dans sa
performance, l’œuvre de Bernard Rapp monte peu à peu en puissance
pour ne jamais relâcher son emprise et ce, jusqu'à ce dernier
regard lancé par un Jean-Pierre Lorit impérial. Un regard empli de
tristesse mais aussi de relâchement qui exprime sans doute à la
fois l'apaisement et la torpeur...
Le
spectateur vit littéralement avec effroi l'expérience vécue par un
Nicolas Rivière sous influence, vampirisé par un Frédéric
Delamont dont les phobies multiples l'empêchent de vivre
sereinement. Mais comme un enfant qui ne peut assumer seul son
désarroi, il lui faut trouver un bouc émissaire. Celui qui
partagera sa douleur de vivre quitte à en faire un pantin vers
lequel évacuer sa souffrance. Bernard Giraudeau incarne un individu
rarement émouvant. Plutôt monstrueux à vrai dire. Son jeu subtile
navigue entre cruauté et ambiguïté. Quant à Jean-Pierre Lorit,
son personnage agit comme un pantin. Comme la victime d'une addiction
très particulière dont il aura bien du mal à se défaire. Florence
Thomassin joue très justement la compagne de Nicolas. Une Béatrice
témoin de la dérive psychologique de son compagnon. Sous une forme
intimiste, voire épurée Une Affaire de Goût
évoque
l'emprise d'un gourou sur l'un de ses adeptes. Difficile de rester
insensible à ce phénomène même si le long-métrage souffre de
quelques défauts, ici heureusement rarement rédhibitoires et qui
consistent en une image trop léchée et une partition musicale
manquant parfois d'intensité. Reste que Une
Affaire de Goût démontre
que Bernard Rapp fut capable de s'améliorer et parvint à gravir une
marche supplémentaire dans le métier de réalisateur... Une
réussite...
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