Vingt ans que Cecil
B. Demented
de John Waters est sorti sur les écrans. Si en 2000, on pouvait
encore considérer à l'aune d'une carrière riche d'une quinzaine de
courts et longs-métrages le onzième bébé de l'un des maître de
la comédie trash américaine comme l'un de ses meilleurs, certaines
de ses saveurs passées semblent avoir pris de profondes rides. Et
pas forcément celles que l'on trouve au coin des lèvres à force de
(sou)rire mais plutôt celles qui s'imposent par dépit comme le lit
d'une rivière asséchée passant entre deux globes oculaires. Ouais,
franchement, il y a de quoi faire la gueule aujourd'hui devant ce
produit mal fagoté. Cette formule dont use en général John Waters
pour réaliser ses films et qui avait tout l'air de fonctionner
lorsque plus jeune, nous n'étions pas encore formés à l'analyse
objective de son contenu. Adolescent, ou jeune adulte, lorsque l'on
est passionné, on peut avoir pour habitude d'ignorer, inconsciemment
ou pas, ce qui fait défaut. Surtout qu'en ce qui concerne John
Waters, comme un Russ Meyer ou un Herschell Gordon Lewis antérieurs,
on était près à lui pardonner le moindre écart de route. Des
écarts dont il abusait pour le bonheur et l'avidité de spectateurs
aimant l’irrévérence et les kilos superflus de l'iconique
Divine...
Égérie
de John Waters et membre d'un groupe de fidèles acquis à la cause
du cinéaste, elle/il s'en est allé(e) un 7 mars 1988. D'autres
depuis ont pris la relève sans jamais l'occulter. Il y eut Amy
Locane, Tracy Lord, Ricky Lake ou la très étrange et très rare Kim
McGuire dans Cry Baby
en 1990, Kathleen Turner dans Serial Mother
en 1994 ou Christina Ricci dans Pecker en
1998. Et puis, en 2000 donc, il y eut Melanie Griffith, ses premiers
pas dans le domaine de la chirurgie esthétique (signes qui
apparaissent à l'écran), que l'on n'attendait certainement pas voir
évoluer dans l'univers de John Waters. Un réalisateur qui aura
quand même pris le temps de s'assagir même si quelques saillies
trash viennent rappeler qu'il fut notamment l'auteur du cultissime
Pink Flamingos
vingt-huit ans auparavant. Encore désirable, l'actrice de
quarante-trois ans accepte carrément de participer à une œuvre
éminemment critique envers un certain cinéma. Celui du tout
Hollywood auquel John Waters oppose l'underground de Baltimore, ville
chérie du réalisateur qui sert de décor à chacun de ses
longs-métrages. Melanie Griffith écorne donc avec fraîcheur et
fausse naïveté le cinéma dont elle participe pourtant à
l'élaboration. Entouré par un casting constitué de très rares
''figures'' du septième art en dehors de la star, de son ''mentor''
Stephen Dorff/Cecil et de la future vedette du cinéma Michael
Shannon (L'excellent Take Shelter
de Jeff Nichols en 2011), Melanie Griffith n'aura pas eu d'autre
occasion de tutoyer l'ancienne ''ménagerie'' du réalisateur qu'à
travers une courte séquence l'opposant à l'actrice Mink Stole dont
la particularité est d'être apparue dans tous les films de John
Waters...
Le
principe consiste dans Cecil B. Demented
à mettre à mal le cinéma hollywoodien et tout ce qu'il représente.
Dès le générique, le spectateur est plongé dans le bain. Les
références (peu élogieuses) y sont nombreuses et l'écriture
apparaît pour l'instant relativement pertinente. Sur une bande-son
signée de Basil et Zoë Poledouris, entre hip-hop et trash metal, le
onzième long-métrage enchaîne les séquences sans véritable temps
mort. Si le concept s'établit autour de l'enlèvement d'une star de
cinéma par un réalisateur underground bien décidé à la faire
tourner dans une œuvre à l'opposé du cinéma hollywoodien, le film
montre malheureusement ses limites en milieu de course. Le principal
défaut de Cecil B. Demented se
situe au niveau de l'écriture. Car qu'on le veuille ou non, depuis
quelques années, le réalisateur a passé un cap et ne peut plus se
permettre simplement de jeter ça et là des idées délirantes sans
y apporter un minimum de soin. Il n'empêche, le film reste délirant.
Et concernant les saillies évoquées plus haut, le plaisir de
retrouver le John Waters ''roi du trash'' est là, même si en de
moindres proportions que par le passé. Melanie Griffith joue si
bien, qu'elle ira même jusqu'à jeter des regards vers la caméra.
Action innocente ou volontaire. Elle seule (et peut-être John
Waters) détient la vérité. Cecil B. Demented
n'atteint
donc pas le sommet de la pyramide dans la carrière de John Waters
mais il allait demeurer comme le dernier véritable vent de fraîcheur
de John Waters avant le désastreux A Dirty Shame
en 2004...
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