Je n'en attendais rien de
vraiment précis. Peut-être un peu de nostalgie. Revoir Miou-Miou,
l'actrice des Valseuses
de Bertrand Blier en 1974, de Dites-Lui que je
l'Aime
de Claude Miller en 1977 ou de La Totale !
de
Claude Zidi en 1991. Ou peut-être la curiosité de découvrir le
dernier long-métrage mettant en scène Alexandra Lamy, qui depuis
que je l'ai découverte sur grand écran ne m'a jamais déçue.
Belle-Fille...
derrière ce titre simple, cette affiche simple, cette accroche
simple se cache-t-il encore une comédie comme le cinéma français
en enfante chaque année ? Ou bien l'actrice, réalisatrice et
scénariste française Méliane Marcaggi a-t-elle réussi là où
malheureusement beaucoup échouent ? Belle-Fille
passe
par plusieurs étapes et le spectateur lui aussi. De cette histoire
parfois totalement rocambolesque où se mêlent nuit de sexe, de
drogue et d'alcool, cadavre au réveil, et jeu d'identité, Méliane
Marcaggi semble vouloir tout d'abord maintenir un cap sans ombrage ni
vent violent. Pour ne pas dire pépère, la première moitié de son
premier long-métrage en tant que réalisatrice ne prend pas le
moindre risque. À part sans doute ces minuscules éclairs à
l'humeur joyeuse qui empêchent le spectateur de s'endormir. Pire, de
fuir la salle devant une œuvre qui apparemment s'apprête à ne
ressembler qu'à un long encéphalogramme plat parcouru par de trop
rares sursauts de vie...
Mais
là où justement l'on n'attend plus grand-chose de Belle-Fille,
au moment même où la lassitude commence à se faire ressentir dans
d'importantes proportions, le miracle a lieu. Il aura fallut pour
cela que Méliane Marcaggi transporte l'équipe de tournage et les
interprètes jusqu'en Haute-Corse, là où se situent
Valle-di-Campoloro et Speluncatu qui servent tous deux de décor. La
caricature y est facile mais point trop n'en faut. La réalisatrice
fait dans la discrétion et rend hommage à leurs habitants. Surtout
que le contexte du film ne prête pas spécialement à sourire.
Imaginez : Andréa, une habitante des lieux vient de perdre l'un
de ses deux fils, Florent. Mais alors que sa conquête d'un soir est
interrogée par la police, Andréa vient au secours de la charmante
Louise qu'elle prend pour sa belle-fille. Trompée par son époux et
mère d'une jeune Manon, celle-ci est venue passer quelques jours en
Corse pour y rencontrer par hasard Florent (Thomas Dutronc) avec
lequel elle va partager une folle nuit qui va se terminer par la mort
de cet amant de passage. Accueillie par Andréa et sur demande
d'Anto, le frère du défunt qui veut préserver sa mère, Louise
accepte de se faire passer pour celle qui est censée avoir vécu les
cinq dernières années auprès de Florent. Une étrange et émouvante
relation entre les deux femmes va alors éclore...
Oui,
Belle-Fille est
bien le miracle évoqué plus haut. Puisqu'après un long moment
d'attente mêlé à une certaine impatience, le scénario écrit à
six mains par Méliane Marcaggi, Christophe Duthuron et Clément
Michel révèle toute sa richesse. À dire vrai, le film n'est pas la
comédie que certains durent s'attendre à découvrir. Ou si peu, car
elle se révèle en réalité, plutôt amère. Mais ce qui
différencie Belle-Fille
de tous ces drames qui recherchent chez le spectateur les effusions
de larmes l'est ici de manière beaucoup plus tendre et raffiné. On
aurait pu ne pas croire en cette histoire un peu folle entre une
fille de l'hexagone accueillie chaleureusement par un ''vieille''
dame d'origine corse inconsolable. Et pourtant, en jouant avec les
sentiments du spectateur, en se servant de lui comme d'un yoyo,
jouant sur ses diverses affectivités, Méliane Marcagg l'emporte
loin, très loin, beaucoup plus loin que le début du récit ne le
laissait présager. La réalisatrice nous prend à la gorge avec une
rigueur métronomique que seuls quelques éclats humoristiques
judicieusement disséminés ça et là permettent de tempérer.
Miou-Miou et Alexandra Lamy forment un couple attachant,
bouleversant, accompagnées par un Jonathan Zaccaï émouvant, un
Guillaume Bouchède vraiment épatant et qui, remercions-le,
désamorce des séquences parmi les plus pesantes, ainsi que quelques
seconds rôles irrésistibles. La Corse, même réduite à quelques
images d’Épinal est merveilleusement belle. La mise en scène est
subtile, et l'interprétation remarquable. Et bien qu'Alexandra Lamy
s'avère toujours aussi talentueuse, c'est bien Miou-Miou la
véritable vedette de ce Belle-Fille qu'il
serait dommage de ne pas découvrir sur grand écran...
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