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mercredi 29 juillet 2020

Haze de Shinya Tsukamoto (2005) - ★★★★★★★☆☆☆



Avec Haze, le cinéaste japonais Shinya Tsukamoto poursuit son exploration d'un cinéma expérimental démarré plus de quinze ans en arrière avec son film culte, le séminal Tetsuo. En 2005, il n'a pas abandonné sa manière si particulière d'aborder le septième art. Plus court que la majorité de ses films, Haze use du format moyen pour évoquer un récit aussi labyrinthique que l'univers dans lequel évolue le personnage que le réalisateur interprète lui-même. Un homme plongé dans une sorte de galeries souterraines en béton dont l'une des spécificités est d'être constituées d'un réseaux de couloirs extrêmement étriqués. L’exiguïté des lieux contraint ce personnage sans identité à évoluer avec lenteur et en le forçant parfois à se tenir sur la pointe des pieds et les mâchoires écartées par des canalisations placées à hauteur de visage. Si seulement l'horreur de la situation pouvait s'arrêter là... Malheureusement pour lui, l'homme est également contraint d'évoluer dans des couloirs jonchés de détritus, de métaux acérés et même, comme il va bientôt en être le témoin, de dizaines, voire de centaines de membres humains arrachés et en décomposition avancée...

Bien que le minimalisme du scénario écrit par Shinya Tsukamoto lui-même et des décors laissent le sentiment que Haze put être tourné avec un budget dérisoire et sur une très courte durée, ce film de commande ayant pour vocation d'expérimenter un nouveau modèle de caméra digitale fut tout de même réalisé à l'aide d'un budget à hauteur de quarante-mille euros (ce qui en soit, demeure tout de même une toute petite somme) et sur une durée de treize jours. Sur un concept empruntant en partie des idées à Saw de James Wan ou encore au plus ancien Cube de Vincenzo Natali, Shinya Tsukamoto jette son héros (celui qu'il interprète lui-même) au milieu d'artères souterraines exiguës qui créeront un véritablement sentiment d'oppression chez les spectateurs souffrant de claustrophobie. Et ce, sans qu'il n'aie conservé le moindre souvenir des circonstances qui l'ont amené à se retrouver dans une telle situation. La partition musicale du compositeur japonais Chū Ishikawa, auteur de la plupart des bandes originales des longs-métrages de Shinya Tsukamoto, participe de cette suffocation qui ne cesse de s'accentuer à mesure que le récit avance. Du moins jusqu'à ce que le héros fasse la rencontre du seul être vivant qu'il sera en mesure de croiser en chemin durant les quarante-neuf minutes que dure le moyen-métrage. Une femme, elle aussi anonyme, interprétée par Kahori Fujii, qui tout comme l'homme ignore les raisons de sa présence en ces lieux qui ne dépareilleraient sans doute pas avec la plus mortifère vision de l'Enfer...

En moins de temps qu'il n'en faut pour créer le malaise, le réalisateur japonais signe une œuvre expérimentale horrifique particulièrement convaincante. Et même si Haze demeure moins délirant et moins épileptique que Tetsuo, il n'en demeure pas moins tendu et rude. Le spectateur ressortira sans doute de la projection avec le sentiment d'avoir été trompé par un cinéaste qui l'abandonne au bord d'un chemin pavé d'incertitudes mais c'est le contrat que l'on se doit de signer avec Shinya Tsukamoto chaque fois que l'on pénètre dans son univers. Il faut au contraire se laisser porter par ses visions sans doute emplies de symboliques sans se poser trop de questions. Peut-être faudra-t-il se pencher sur le titre du film lui-même, puisque Haze est le nom couramment utilisé par les consommateurs d'herbe qui voient en cette variété, l'une des meilleures proposées sur le marché des drogues douces. C'est ainsi que l'on se demande alors si tout ce que Shinya Tsukamoto met en images n'est pas le fruit de personnages ayant consommé de l'herbe avant d'avoir perdu la tête et après avoir tenté de s’entre-tuer. Une idée florissant dans l'esprit sans pour autant être définitive. Avec Haze, le japonais démontre en tout cas que l'usage d'une caméra digitale, ici idéale dans le contexte éminemment restreint de réseaux souterrains, n'empêche pas une certaine vision ''crasse'' de l'environnement. Encore un (lourd) pavé dans la mare du cinéma japonais expérimental et une brillante réussite pour Shinya Tsukamoto...

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