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lundi 13 avril 2020

Braquer Poitiers de Claude Schmitz (2019) - ★★★★★★★☆☆☆



Braquer Poitiers arrive pile au bon moment et désigne parfaitement le concept de fantaisie contrairement au très ennuyeux Merveilles à Montfermeil que j'évoquais justement dans le précédent article. Situé dans l'ouest de la France, le nouveau long-métrage de Claude Schmitz s'invite chez nous comme un docu-fiction parfaitement intégrable au concept de l'émission culte ''Strip-Tease''. Il faut comprendre qu'ici, la frontière entre fable et réalité n'est pas si évidente que cela à définir. Sans doute parce que Francis Soetens, Wilfrid Ameuille, Thomas Depas, Hélène Bressiant et Lucie Guien y incarnent véritablement leur premier rôle au cinéma après avoir interprété une toute petite poignée de courts-métrages dont Rien Sauf l’Été qui déjà réunissait quatre d'entre eux en 2017. Braquer Poitiers, c'est la réalité crue et touchante de personnages hauts en couleurs qui pour se faire un peu d'argent ont décidé de braquer les caisses de plusieurs carwash avec l'accord de leur propriétaire. Comme l'indique le titre, l'action se déroule à Poitiers même si l'on a très rapidement la sensation que les événements se situent dans le nord de la France, voire même en Belgique.

L’œuvre de Claude Schmitz évoque au hasard, celle de Bruno Dumont. Avec ses codes de langage crus et dépaysant. Comme si là-haut, et dans le cas présent, plutôt vers l'ouest, un coin de notre hexagone faisait partie d'une terre étrangère dont il faudrait apprendre les us et coutumes pour bien comprendre le mode de vie de ses habitants. Pourtant, loin d'être dérangeant, Braquer Poitiers offre une vision humaniste de nos héros. Des bras cassés qui plutôt que d'avoir en tête un projet ambitieux vont se contenter de ''kidnapper'' le propriétaire de la chaîne de carwash, Wilfrid (Wilfrid Ameuille) sans que celui-ci ne s'en émeuve puisqu'il acceptera lui-même d'être enfermé puis ''surveillé'' par deux jeunes dealers et consommateurs de cannabis. Francis (Francis Soetens) et Thomas (Thomas Depas) ne diffèrent pas des types que l'on croise dans la rue en dehors de ce franc-parler et de cet accent à couper au couteau qui dénote de leurs origines bruxelloises.

Bien que le film se déroule dans l'ouest de la France, Braquer Poitiers sonne donc bien comme une comédie fantaisiste belge avec tout ce que cela comporte d'ingrédients. Les acteurs interprètent leur personnage en roue libre. L’œuvre du réalisateur belge semble effectivement avoir été intégralement jouée sur le mode de l'improvisation. J'en veux pour preuve des dialogues qui se télescopent et lors desquels la majeure partie des interprètes placent leur texte au mauvais moment. Ce qui en soit, n'est pas vraiment un problème et accentue le sentiment d'assister à un fait authentique et non plus à une fiction. Ces braqueurs du dimanche n'en sont alors plus que touchants. Ils abordent l'amitié, l'amour, mais également la solitude, tout ceci dans un contexte vraiment unique. Des petites gens sans réelle envergure autre que celle de leur imposante silhouette. Des pieds nickelés qui pourtant séduisent leurs deux copines venues les rejoindre à Poitiers. Claude Schmitz pose sa caméra, la laisse tourner, piégeant de véritables moments de grâce et d'intimité. Francis Soetens et Thomas Depas sont vraiment touchants dans leur sincère humanité. Deux ours mal dégrossis qui hantent le cadre et apportent une touche de fantaisie dans un monde de brutes. Laissez-vous porter par la magie et la poésie de Braquer Poitiers. Un OFNI franco-belge digne des meilleurs œuvres indépendantes outre-atlantiques...

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