Braquer Poitiers
arrive pile au bon moment et désigne parfaitement le concept de
fantaisie contrairement au très ennuyeux Merveilles
à Montfermeil que
j'évoquais justement dans le précédent article. Situé dans
l'ouest de la France, le nouveau long-métrage de Claude Schmitz
s'invite chez nous comme un docu-fiction parfaitement intégrable au
concept de l'émission culte ''Strip-Tease''.
Il faut comprendre qu'ici, la frontière entre fable et réalité
n'est pas si évidente que cela à définir. Sans doute parce que
Francis Soetens, Wilfrid Ameuille, Thomas Depas, Hélène Bressiant
et Lucie Guien y incarnent véritablement leur premier rôle au
cinéma après avoir interprété une toute petite poignée de
courts-métrages dont Rien Sauf l’Été qui
déjà réunissait quatre d'entre eux en 2017. Braquer
Poitiers,
c'est la réalité crue et touchante de personnages hauts en couleurs
qui pour se faire un peu d'argent ont décidé de braquer les caisses
de plusieurs carwash avec l'accord de leur propriétaire. Comme
l'indique le titre, l'action se déroule à Poitiers même si l'on a
très rapidement la sensation que les événements se situent dans le
nord de la France, voire même en Belgique.
L’œuvre
de Claude Schmitz évoque au hasard, celle de Bruno Dumont. Avec ses
codes de langage crus et dépaysant. Comme si là-haut, et dans le
cas présent, plutôt vers l'ouest, un coin de notre hexagone faisait
partie d'une terre étrangère dont il faudrait apprendre les us et
coutumes pour bien comprendre le mode de vie de ses habitants.
Pourtant, loin d'être dérangeant, Braquer
Poitiers offre
une vision humaniste de nos héros. Des bras cassés qui plutôt que
d'avoir en tête un projet ambitieux vont se contenter de
''kidnapper'' le propriétaire de la chaîne de carwash, Wilfrid
(Wilfrid Ameuille) sans que celui-ci ne s'en émeuve puisqu'il
acceptera lui-même d'être enfermé puis ''surveillé'' par deux
jeunes dealers et consommateurs de cannabis. Francis (Francis
Soetens) et Thomas (Thomas Depas) ne diffèrent pas des types que
l'on croise dans la rue en dehors de ce franc-parler et de cet accent
à couper au couteau qui dénote de leurs origines bruxelloises.
Bien
que le film se déroule dans l'ouest de la France, Braquer
Poitiers
sonne donc bien comme une comédie fantaisiste belge avec tout ce que
cela comporte d'ingrédients. Les acteurs interprètent leur
personnage en roue libre. L’œuvre du réalisateur belge semble
effectivement avoir été intégralement jouée sur le mode de
l'improvisation. J'en veux pour preuve des dialogues qui se
télescopent et lors desquels la majeure partie des interprètes
placent leur texte au mauvais moment. Ce qui en soit, n'est pas
vraiment un problème et accentue le sentiment d'assister à un fait
authentique et non plus à une fiction. Ces braqueurs du dimanche
n'en sont alors plus que touchants. Ils abordent l'amitié, l'amour,
mais également la solitude, tout ceci dans un contexte vraiment
unique. Des petites gens sans réelle envergure autre que celle de
leur imposante silhouette. Des pieds nickelés qui pourtant séduisent
leurs deux copines venues les rejoindre à Poitiers. Claude Schmitz
pose sa caméra, la laisse tourner, piégeant de véritables moments
de grâce et d'intimité. Francis Soetens et Thomas Depas sont
vraiment touchants dans leur sincère humanité. Deux ours mal
dégrossis qui hantent le cadre et apportent une touche de fantaisie
dans un monde de brutes. Laissez-vous porter par la magie et la
poésie de Braquer Poitiers.
Un OFNI franco-belge digne des meilleurs œuvres indépendantes
outre-atlantiques...
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