Fondateur de
''l'anti-mouvement'' Panique
aux côtés de Fernando Arrabal, Olivier O. Olivier, Jacques
Sternberg, Christian Zeimert, Abel Ogier et Roland Topor,
réalisateur, scénariste, acteur de cinéma et comédien de théâtre,
romancier, poète, mime, scénariste de bandes-dessinées aux côtés
des dessinateurs Moro, Mœbius, Juan Giménez, Zoran Janjetov ou
encore José Ladrönn, pratiquant le tarot divinatoire, le chilien
Alejandro Jodorowsky est aussi et surtout l'auteur d'une poignée de
longs-métrages cultissimes. Une carrière de cinéaste débutée en
1957 avec le court-métrage La Cravate
(dans lequel apparaît notamment l'humoriste Raymond Devos) et
poursuivie dès 1968 avec son premier long-métrage Fando
y Lis
(Alejandro Jodorowsky réalisa entre les deux Teatro
sin Fin,
un assemblage de documents relatifs à l'anti-mouvement Panique).
En 1970, le chilien réalise ce qui demeure encore à ce jour ce que
considèrent certains comme l'unique représentant du sous-genre
''Western
ésotérique'',
El Topo.
Une œuvre tellement mystique, délirante, inventive et dense qu'elle
su notamment marquer l'esprit de John Lennon et Yoko Ono au point que
ces deux là participèrent au financement de son troisième
long-métrage, le tout aussi cultissime La
Montagne Sacrée.
Si le réalisateur chilien y quitte les terres poussiéreuses du
western, il choisit cependant de continuer à défricher celles du
mysticisme tout en y apportant un message politique et social
sous-jacent...
D'une
richesse absolument enivrante, La Montagne Sacrée
évoque
de très nombreux thèmes parmi lesquels Alejandro Jodorowsky réécrit
une partie de l'histoire de l'humanité sous les atours du
psychédélisme. C'est ainsi que son héros, un voleur incarné par
l'acteur Horacio Salinas, dont La Montagne sacrée
semble être sa dernière participation au monde du septième art
après Veinticuatro Horas de Vida
d'Arturo Martínez et Con Licencia para Matar
de Rafael Baledón réalisés tout deux en 1969), se voit
immédiatement assimilé au Christ. Crucifié, lapidé par des
enfants (le sexe et le pubis peints en vert !!!) et revenant d'entre
les morts, c'est accompagné d'un homme-tronc (Après El
Topo,
Alejandro Jodorowsky continue à évoquer sa passion pour la
difformité) qu'il arrive en ville et participe à un simulacre de
guerre (le réalisateur rencontrera des problèmes avec le
gouvernement mexicain, le contraignant ainsi à quitter le pays pour
les États-Unis) avant d'être proprement utilisé à des fins
commerciales (là encore, en amalgamant le merchandising et l’Église,
le chilien s'attire la foudre des autorités cléricales).
Prostitution, état policier, et plus tard, critique contre les
politiques et les industriels, Alejandro Jodorowsky n'y va pas avec
le dos de la cuillère.
Pour
autant ne faut-il voir en La Montagne Sacrée
qu'une critique acerbe de la société chilienne d'alors ?
Certainement pas, non. Car bien au delà du réquisitoire qu'imposent
certains des thèmes abordés, le troisième long-métrage
d'Alejandro Jodorowsky est d'abord une œuvre mêlant ésotérisme
(le réalisateur y incarne le rôle d'un alchimiste ayant découvert
la formule permettant de transformer les excréments en or !!!),
quête de l'immortalité (une recherche qui mènera le héros et ses
compagnons jusqu'au sommet de la montagne sacrée du titre), tout
ceci dans un contexte surréaliste et psychédélique visuellement
remarquable. Entre la barbarie de certaines séquences finissant dans
le sang et durant lesquelles le réalisateur oppose notamment des
crapauds (signifiant l'occupant nazi) à des caméléons ou la
description des compagnons du héros eux-mêmes des voleurs, mais
d'un rang supérieur (tous des politiques et des industriels), La
Montagne Sacrée
propose surtout une succession de somptueux tableaux, tous, là
encore, fruits du travail inspiré et titanesque du réalisateur.
Évidemment,
si le chilien s'y moque de l'armée, de sa Police, de l'usage
commercial de l’Église et des différents courants religieux, il
évoque aussi et surtout sa passion pour le tarot divinatoire et
notamment à celui des planètes, affublant chacun des compagnons du
voleur d'un nom relatif à celles de notre système solaire.
Davantage que n'importe quelle réflexion pouvant
concourir à donner une définition juste du spectacle auquel le
spectateur est convié, La Montagne Sacrée
est avant tout une œuvre de ''sensations''. Et même si elle
n'éveille que l’ouïe et la vue, l’œuvre d'Alejandro Jodorowsky
semble parfois nous ouvrir à des perspectives autrement plus
singulières que le toucher, le goût ou l'odorat. Cru et poétique,
ésotérique et coloré, zen ou parfois très violent, La
Montagne Sacrée est
de ces longs-métrages qui n'ont pas volé leur titre de film culte.
Un voyage initiatique, fantasmagorique et transcendantal au pays de
l'Ayahuasca...
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